Chapitre 10 - Ran

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Quelques instants plus tôt.

Mes hommes veulent l'empêcher, mais je leur fais signe de ne pas bouger. Au lieu de ça, je me sers à boire. Brusquement, une violente secousse se répand dans mon être, c'est comme une déchirure dans notre lien. Elle n'en a pas conscience j'en suis sûr, alors qu'est-ce que ça peut-être. Ma respiration se coupe, une sensation étrange m'envahit.

Quelque chose ne va pas !

Je lâche le verre que j'ai dans les mains, le laissant se briser au sol. Le liquide se répand comme une flaque de sang. La confusion et la détermination s'emparent de moi, mais je sais que ce ne sont pas mes émotions. Pourquoi ressens-je cette urgence ?

Je quitte mes appartements à toute allure, bousculant mes gardes. Ils s'écartent stupéfaits de me voir dans un tel état de frénésie, mais aussi d'angoisse. Je dois la rejoindre et vite. Kewik a décidé de mettre fin à ses jours. Cette simple sensation me glace le sang. Je parcours les couloirs et les escaliers de la tour, suivant son écho dans mon esprit. J'ai l'impression que chaque seconde sonne comme une éternité, pourtant je suis bien plus rapide qu'elle ne pourrait l'être. J'arrive à la porte de sa chambre, pose mon pouce sur la porte automatique qui s'ouvre à ma demande et là tout est calme, trop... Mon cœur bat la chamade, la panique se transforme en une rage froide. Mon ouïe perçoit ses battements et je les suis jusque sur la terrasse. Mes yeux ne mettent qu'une seconde à la voir et à comprendre, sauf que je n'ai pas été assez rapide pour l'en empêcher. Le sang se met à couler abondamment sur son corps, elle ne cille pas. Un léger cri à traverser ses lèvres, mais elle n'a pas hurlé sous la souffrance. Le sang se répand maculant ses vêtements et le sol. Je pose ma main afin d'essayer d'endiguer l'hémorragie, mais ce n'est pas suffisant. Ses yeux d'habitude si vifs, me fuient.

— Non ! grondé-je.

Ses iris perdent de la vivacité et je sais ce que j'ai à faire. Je glisse les paumes sous son corps, la soulève, puis j'entame une course jusqu'à l'ascenseur. Une fois dans ce dernier, je donne l'ordre vocal de m'arrêter à la clinique.

— Accroche-toi, lui ordonné-je.

— Tu...

Elle ne peut même pas parler pourtant Kewik continue d'essayer de me cracher sa haine au visage.

— Ne parle pas, nous nous disputerons quand tu iras mieux.

Si elle croit qu'elle va mourir aussi facilement, c'est qu'elle n'a vraiment aucune conscience de ce que nous pouvons entreprendre.

Nous sommes sur le point d'arriver lorsqu'elle s'arc-boute violemment. Je la dépose au sol, afin de lui faire le moins de mal possible. Je sais que c'est elle qui agit ainsi pour tenter de m'empêcher de la sauver.

— Oh non, mon coeur, je ne te laisserai pas prendre ce chemin.

Ses paumes essaient de me repousser, mais elle n'a plus aucune force. Je tends ma main libre, hésitant, avant de poser mes doigts sur la lame. Je sens son sang chaud sur ma peau. Je veux la sauver, non je dois la sauver ! Cependant pour la première fois, je me rends compte à quel point elle est déterminée à m'échapper, même au prix de sa propre vie. Ses tentatives précédentes étaient toujours recouvertes d'une pellicule d'espoir que je ne sens plus en cet instant. Je tends la main vers mon portable, j'ai ordonné que tout soit prêt à la clinique, mais je ne peux pas m'y rendre. J'appelle Kay qui décroche immédiatement.

— Où êtes-vous ?

— Ascenseur, nous arrivons, mais je ne peux pas la déplacer.

— Bien.

Je raccroche pour reporter mon attention sur elle. Je fais pression autour de la lame pour endiguer l'hémorragie, elle grogne.

— Ça t'énerve, alors imagine dans quel état, je me trouve.

Une nouvelle fois, Kewik me défie du regard.

— Oui, chaton, je suis furieux et encore le mot est faible. Tu crois que je t'autorise à prendre ce genre de décision.

Je me penche pour que nous nous toisions bien en face.

— Tu ne meurs que lorsque je l'autorise et le moment n'est pas venu.

Mes hommes et les Êta arrivent, les trois guérisseuses s'activent frénétiquement. Lara découpe le haut de Kewik, je me recule légèrement pour prendre la main de la jeune femme.

— Ran, elle a perdu beaucoup de sang, annonce Lara, la Êta principale.

— Je sais, faites ce qu'il faut, Kewik ne peut pas mourir.

Elle hoche la tête. Une perfusion est mise en place, puis les trois guérisseuses posent leurs mains sur sa peau et leurs paupières se ferment. La puissance dans l'espace explose parce que la mienne vient se mêler aux leurs. La tête de Kewik se tourne vers moi, ses prunelles se remplissent d'eau, alors je tends la main et caresse sa joue. Ses pleurs redoublent et un hurlement de douleur, de désespoir et de rage franchit ses lèvres. Nous en tressaillons tous, même les plus coriaces des membres du clan. La bâtisse se met à trembler violemment jusqu'à ce qu'elle perde connaissance.

— Qu'est-ce que... commencé-je.

Lara ouvre les yeux, puis elle me sourit.

— N'oublie pas ce que les femmes de son espèce sont. Il y a beaucoup de puissance décuplée.

Elle n'a pas tort, mais je suis tout de même surpris et je ne suis pas le seul. Elles continuent de la guérir pendant quelques minutes.

— Elle est transportable, annonce Lara.

Nous la soulevons, puis la déposons sur une civière que nous ramenons rapidement dans la clinique. Kewik est déposée sur une couche de soin. Je m'assois dans mon coin au cas où l'une des guérisseuses aurait besoin de soutien. Vince, Kay et Show attendent à mes côtés.

— Elle est imprévisible, souffle Show.

— C'est un esprit guerrier, répond Kay. Nous aurions combattu tout autant qu'elle.

L'acquiescement est général. Il est certain que nous aurions tous agi comme elle dans cette situation. Les Êta s'activent autour du corps de l'Égide. Au bout de quelques minutes, Lara revient vers moi, elle tend la main et je la saisis. Je l'enlace parce que je sens son besoin d'énergie, alors je lui transmets de ma force et de ma magie. Deux Omégas viennent nettoyer le corps de la jeune femme, mes seconds ont la presence d'esprit de se détourner.

— L'Égide est hors de danger, annonce-t-elle.

Je la serre contre moi, les deux autres sont réconfortées par mes lieutenants.

— Quand se réveillera-t-elle ?

— Dans quelques heures, mais son corps a subi un choc. Elle doit se reposer.

J'acquiesce d'un signe de tête, même si j'ai parfaitement conscience que Kewik ne l'entendra pas ainsi. 

Sacrifice - Dark romance dystopique -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant