Chapitre 18 - Ran -

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 Lara continue de fixer dehors sans prononcer un mot pendant quelques minutes, jusqu'à ce qu'elle ouvre la bouche.

— Regardez, souffle-t-elle incrédule.

La pluie tombe en trombe, nous voyons Kewik, puis des loups sauvages arrivent.

— Merde ! grondé-je. Je dois les faire reculer.

Lara me retient en se postant devant moi.

— Tu ne peux intervenir.

— Je suis l'alpha ! ? Crois-tu que je reçois mes ordres de toi ? vociféré-je.

Elle secoue la tête avant de poser sa main sur mon torse.

— Fais-moi confiance, j'attends ce jour depuis trop longtemps.

Mes iris tombent dans les siens, elle me supplie de me fier à elle et j'accepte. Notre attention se reporte sur ce qui se joue dehors. Ils ne montrent aucune hostilité envers elle, ce qui est surprenant. La plupart des membres de ma meute ne sont pas autorisés à s'approcher d'eux. Lorsque le premier pose sa tête sur son épaule, j'ai un pincement au cœur.

La scène est surréaliste, si je n'y assistais pas je penserais que quelqu'un se fout littéralement de moi. L'Égide se lève, puis elle danse comme si rien ne venait d'arriver.

— Regardez, souffle Vince.

— Les lionnes, ajoute Kay incrédule.

Les deux magnifiques lionnes arrivent et nous nous arrêtons de respirer, sauf que c'est plus fort que moi, je sors. Normalement elles ne s'approchent pas du tout des changelings. Mon corps s'arrête à plusieurs mètres, je n'entre pas dans le cercle créé par les animaux pour protéger l'Égide et le corps de l'enfant. Néanmoins, je reste abasourdi parce que ce qui se déroule. Cela ne devrait pas être possible.

Comment une simple humaine, même une Égide, peut-elle susciter une telle réaction ?

La lionne serre Kewik contre elle et tous semble pleurer la mort de Ninon. Je ressens la tristesse de tous les être présents, parce qu'ils m'ont pris pour chef il y a des années. Je sens une bouffée de jalousie et de fascination m'envahir. Pourquoi elle ? Qu'a-t-elle de si spécial ? Néanmoins au-delà de ma jalousie, il y a de l'admiration. Elle est unique.

Mon léopard veut sortir, j'hésite une seconde avant de lui laisser les rênes pendant quelques minutes. Ma peau se couvre de poils, mes muscles se réarrangent, et en un instant, je suis sous ma forme féline. Je m'approche d'elle avec prudence, mes pas sont silencieux. Lorsque je suis assez près, Kewik tourne lentement sa tête vers moi, ses yeux rencontrent les miens. Elle ne montre aucune peur, aucune hésitation, il y a une lueur dans son regard, une acceptation tranquille. Quand elle tend la main, sa paume se pose doucement sur mon encolure, ses doigts glissent dans ma fourrure. Une chaleur inattendue se répand en moi à son contact, une sensation que je n'ai jamais connue avant elle. C'est comme si pour la première fois, quelqu'un voyait au-delà de la bête, au-delà du roi et me voyait...moi.

Sa bouche s'ouvre pour murmurer quelques paroles que je ne comprends pas, mais mon léopard si parce qu'il se frotte à elle tendrement. Les deux lionnes me câlinent avant de s'éloigner, mais Kewik s'écarte pour leur courir après. Je m'attends à ce que l'aînée réagisse mal, mais elle s'assoit lorsque l'Égide se rapproche. Elles s'observent sans prononcer un seul mot, puis Kewik enlace la femelle qui pourrait presque sourire. Elle mordille l'épaule de l'Égide qui rit, puis elle lève la patte et une griffe entaille la peau de la jeune femme qui grimace une seconde avant de se reprendre. La seconde lionne la cajole une seconde avant de se détourner à son tour. Ensuite, c'est au tour des loups de suivre, le mâle prend le poignet de Kewik et la mord légèrement. Je rugis, le loup me fixe avant de donner un petit coup de tête à son interlocutrice. Les louveteaux réclament des câlins avant que les deux autres ne les rappellent à l'ordre. Puis nous nous retrouvons seuls dans le silence, les bruits de la pluie qui tombe nous enveloppent.

Elle s'effondre au sol et sa douleur me pulvérise m'obligeant à muter de nouveau. C'est la première fois que je réagis de la sorte. Mon corps s'élance vers elle pour la réconforter.

— Je suis là, châton, tu n'es pas seule.

Les larmes coulent sur ses joues, alors je glisse les mains sous son corps pour la ramener au chaud et surtout en sécurité.

— Ne laisse pas ma soeur dans la boue, murmure-t-elle.

— Jamais, elle sera honorée.

Les trois Êta sortent, Lara pleure en s'approchant du corps de la gamine. Je ne l'ai jamais vu dans un tel état.

— Je suis désolée, chuchote Kewik, je n'ai jamais voulu ça.

La guérisseuse se rapproche, puis elle pose sa main sur Kewik avec tendresse.

— Deux en même temps, le monde n'était pas prêt. Tu as honoré son âme, elle savait et tu en as autant conscience que moi.

Je reste silencieux, même si j'aimerai clairement savoir ce qu'il se déroule sous mon nez. Lara tente d'apaiser la jeune femme, mais elle s'y refuse, elle refuse même que la griffure et les marques de crocs sur son poignet ne soient soignés. Je n'ai pas envie de me battre avec elle maintenant, alors nous finissons par retourner jusqu'à mes appartements. Je la conduis directement dans la salle de bain, Kewik a besoin d'une bonne douche. Je vais en profiter pour lui faire porter à manger. Je la dépose sur la chaise qui se trouve dans un coin, sauf qu'elle ne me laisse pas m'éloigner.

— Je ne vais pas tenir debout, avoue-t-elle.

— Kewik...

— Pitié, je ne veux pas que quelqu'un que je ne connais pas me touche, je ne le supporterai pas...

Ses grands yeux bleus me regardent d'une telle façon que je ne peux pas lui refuser. Et si je dois être honnête avec moi-même, je ne supporterai pas que quelqu'un s'approche d'elle. Mon léopard s'est presque mis à grogner quand elle a simplement énoncé le fait qu'une autre personne puisse la toucher.

— Tu as conscience de ce que tu me demandes ?

— Oui, j'ai besoin de toi, de ta force même si ce n'est que pour quelques heures, ensuite tout sera fini.

Le temps file, il passe vite, elle a raison et c'est un rappel brutal de notre réalité.

— D'accord, soufflé-je.

J'allume l'eau pour qu'elle soit à bonne température lorsqu'elle sera dessous. Ma main vérifie cette dernière et c'est parfait. Mon corps se penche de nouveau, je soulève la chaise avec l'Égide dessus. Elle s'y accroche, mais ne prononce pas un mot. L'eau coule sur son être, sauf qu'elle ne semble pas le remarquer. Son esprit est perdu dans la souffrance, alors je la déshabille avec le plus de douceur possible. Mes doigts ne s'attardent pas sur sa peau, parce que sa vulnérabilité est un cadeau précieux pour moi et il hors de question que je brise sa confiance à peine acquise. La boue s'est infiltrée partout, je commence par laver ses cheveux. J'essaie de ne pas m'attarder sur son corps qui me donne terriblement envie de tout lui faire oublier.

C'est une torture que je ne pensai pas subir un jour, mais sa confiance passe devant tout mes besoins. Ma part vampirique acquiesce et mon léopard s'est tapit dans un coin apaisé visiblement.

— Kewik, je vais te laisser te laver, annoncé-je.

Ses prunelles sont vides, je n'aime pas ce que je vois. C'est comme si elle n'était plus là...

— Chaton...

— Prends ce que tu veux, ça n'a plus d'importance, énonce-t-elle.

La colère se répand immédiatement dans mes veines. Il est hors de question qu'elle me choisisse comme punition !

Oh non, je vais te réveiller mon coeur ! Je ne te laisserai pas nous faire un truc pareil. 

Sacrifice - Dark romance dystopique -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant