Sacrifice - Dark romance dystopique -

Chapitre 25 - Ran -

 Kewik s'éloigne, plusieurs Sigma se postent autour des deux changelings. Les paroles de l'Égide ne cessent de tourner dans mon esprit. Se rend-elle compte de quoi elle m'accuse ? Je ne le pense pas.

Le monde a changé sous la régence du démon, l'amour y était prohibé, seuls les mariages de convenances pouvaient avoir lieu, les mâles prenaient les femelles avec ou sans leur accord. L'époque était à la délation, les castes inférieures subissaient le courroux des grands et ne pouvaient pas répliquer sous peine d'être mis à mort, le peuple pouvait mourir de faim par moment... C'était une époque noire et sanglante.

Comment peut-elle porter une telle accusation ?

Je suis en rogne et ça se ressent dans l'air, parce que les membres les plus faibles tremblent de peur. Le passé ne doit jamais se reproduire.

Mon corps se rapproche de celui qui a attaqué le premier. C'est un Tau, son rôle est de guider les jeunes, de leur apprendre nos coutumes, alors ma surprise est grande.

— Comment as-tu pu trahir autant ta fonction ! déclaré-je avec froideur.

L'homme baisse la tête honteux.

— Elle était ma compagne, souffle-t-il.

— Et ? Tu as cru que ça t'autorisait à la soustraire à son protecteur ?

Le mâle grogne.

— Elle était à moi ! vocifére-t-il. Je pouvais faire ce que je veux d'elle !

Les Sigma réagissent immédiatement devant son hostilité, ils le tabassent pendant plusieurs minutes. Quant à moi, je ne bouge pas, je les regarde faire. Le mâle finit à genoux et en sang.

— Peu importe qu'elle t'était destinée ou non, tu l'as tué ! lui rappelé-je en pointant le corps de la malheureuse.

Néanmoins, je reconnais que j'aurai pu demander à Lara et les autres Êta de tenter de la sauver. La guerre m'a appris que ce genre de blessure est bien trop grave et que la souffrance et la mort sont souvent au bout du chemin.

— Je te déchois de ton rang dans la meute, tu seras désormais un Oméga.

Il tente de se rebiffer, mais son statut l'en empêche, je souris en me rapprochant. Puis je pose ma main dans sa nuque et entaille son cou.

— Ton loup est maintenu en cage jusqu'à ce que j'en décide autrement.

Le mâle couine de désespoir, mais je m'en cogne.

— Tu vas vivre avec la mort de ta compagne, c'est le minimum. Te tuer serait trop facile, je veux que tu vives en la voyant dans cette mare de sang.

Puis je lui donne un coup de pied dans la tête et il s'effondre. Je fais un signe de main aux Sigma qui l'embarquent. Ils risquent de lui faire passer à nouveau un sale quart d'heure, mais je m'en contrefous. Mon attention se reporte sur le frère de la jeune femme. Il est debout au-dessus de son corps, je ne suis pas certain qu'il la voit vraiment. Je me rapproche avant de poser ma paume sur son épaule. C'est à ce moment qu'il lâche les larmes qu'il contenait.

— Tu t'es montré brave, tu ne t'es pas laissé dominer par ton loup.

— Mais je ne l'ai pas sauvé... je suis une honte...

— Non, tu es un homme protecteur et courageux, les Tau sont redoutables et tu l'as tenu en respect.

Il s'agenouille, les femmes s'approchent pour le soutenir et pour prendre soin du corps de la gamine. Ça aurait pu être Kewik il y a quelques années, mon coeur se serre à cette pensée. Voilà pourquoi l'amour est si peu accepté dans notre monde, parce que ce dernier nous met beaucoup trop en danger.

— Tu seras désormais un Théta, annoncé-je avec force.

Ses prunelles embuées se relèvent vers moi et un anneau d'or se met à colorer ses iris. Les Théta sont les protecteurs des membres les plus vulnérables : les jeunes et les anciens.

— Personne ne trouvera rien à redire à ça, soufflé-je. Pleure la mort de ta sœur et accepte tes fonctions, tu as désormais beaucoup de personnes à protéger.

Il hoche la tête, je tapote son épaule avant de m'éloigner avec plusieurs Sigma. Drake a dû suivre Kewik, il n'est pas du genre à désobéir à un ordre direct. Show et Kay me rejoignent, ils se positionnent à mes côtés dans le silence pendant que je suis la piste de la jeune femme.

— Elle t'a provoqué, reprend Show, nous lui avions dit de ne pas le faire...

— Sauf qu'elle a raison, réponds-je.

Mes deux lieutenants me regardent comme si j'avais perdu la tête.

— Les Êta auraient dû être appelés pour tenter de sauver cette petite et je n'ai pas bougé ni donné l'ordre.

Et j'ai obligé Kewik a retiré une vie, une nouvelle fois en quelques heures. Est-ce que ses paroles me mettent dans une colère noire ? Oui, bien entendu, elle me met le nez dans ma merde. Il n'y a qu'une femme digne d'un chef pour faire un truc pareil. Kewik se moque d'être tuée, elle veut juste que les choses aillent mieux.

— Désormais les Êta doivent reprendre leur fonction de guérison complète, ordonné-je.

— Mais, c'est de la folie, reprend Kay.

— Non, c'est ainsi que nous agissions avant la guerre. Depuis nous survivons au lieu de vivre. Il est temps de laisser le passé derrière nous, non ?

Mes deux acolytes semblent réfléchir.

— Tu as raison, reprend Kay. Nos mères guérissaient tout, elles essayaient dans toutes les situations. Nous allons transmettre tes nouvelles directives.

Je hoche la tête, puis je m'arrête en voyant Kewik au loin. Je sens son désarroi, son mal être d'avoir dû ôter une vie innocente. La confiance que j'avais réussi à acquérir ces dernières heures est réduite à néant, je le sens au fond de moi. Et je n'ai aucune idée de comment réparer les choses entre nous. Peut-être sont-elles définitivement mortes ?

— Tu sais que l'amour n'a pas sa place entre vous, énonce Show.

Le silence lui répond, mes yeux restent rivés sur elle, sur ses courbes et sur ce que je devrais faire demain si elle ne s'avère pas être celle que je pense. Mon cœur n'est pas prêt à ça et je n'ai aucune idée de comment l'éviter.