Sacrifice - Dark romance dystopique -

Chapitre 17 - Kewik -

Comment est-ce arrivé ? Comment ai-je pu faire une telle chose ?

Mes bras serrent le corps sans vie de Ninon, je perçois encore sa douceur, la beauté de son âme et la destruction qui découle de sa mort. Je l'ai tué, je ne sais pas comment, mais je suis fautive. Mon âme se brise, je sais que plus rien ne recollera les morceaux, plus rien ne compte parce que j'ai tué l'une de mes sœurs.

Ninon était la petite fille la plus forte que je connaissais, elle a toujours compris ce qui pouvait se passer en moi. Elle aussi devait parfois affronter les démons cachés dans l'obscurité. Je suis la seule à avoir entendu son hurlement lorsque les images l'ont percuté la première fois. Je l'ai rejoint cette nuit-là, je lui ai offert la solution pour tenir les images les plus noires loin d'elle, mais en cet instant je l'ai brisé d'une façon que je n'aurai jamais pu envisager. Aujourd'hui, je prends vraiment conscience que mes rêves, mes images mentales ne sont pas un fruit de mon imagination, c'est un pouvoir qui peut tuer.

Les larmes redoublent, la pluie tombe, elle s'abat sur moi avec une force qui pourrait me briser le corps, néanmoins j'accepte le châtiment pour avoir ôté la vie. La souffrance s'amplifie et le chagrin de milliers de personnes me percutent avec tellement de force que je perds le souffle.

Qu'est-ce qui se passe ?

Je ne comprends rien, hormis que ça ne m'appartient pas et que je ne suis pas en mesure d'endiguer le flot. J'essaie de lutter, de les repousser, cependant c'est encore pire. C'est comme si cela m'écrasait. Mon corps s'allonge dans la boue aux côtés de celui de ma jeune sœur. La douleur me vrille l'esprit, à tel point que je me perds. Mon visage se tourne pour rencontrer celui blanc de Ninon. Elle avait un si joli sourire, mes doigts caressent sa joue.

— Tu ne méritais pas ça, petite étoile.

J'essaie de figer son sourire, son rire dans mon cerveau, de les imprimer pour qu'ils me permettent de me relever. Je sens le flux se tarir et la souffrance se retirer au profit d'une émotion plus lumineuse.

***

Je revois Ninon assise sur mon lit, chanter, danser et vivre. Je la vois s'amuser en lisant des livres ou en chantant.

— Kewik ?

— Oui, petite étoile.

— Tu dois me promettre que tu célébreras ma mort, annonce-t-elle.

Mon coeur se serre en l'entendant parler ainsi.

— Tu sais que je ne peux pas, je ne serai sûrement plus là lorsqu'elle surviendra.

Ninon se rapproche de moi, elle caresse mon visage avant de m'enlacer avec tout son amour.

— Malgré tout, promets-le moi.

Je me contiens parce que ce petit bout d'enfant peut tout m'arracher. Elle est la seule de mes sœurs avec qui j'ai un tant soit peu d'affinités. Ninon a le pouvoir de me faire sourire, mais aussi de me donner envie de me battre encore plus. C'est aussi la seule qui comprenne ce que je vis par moment. Les autres sont dans leur univers, elles pensent qu'en séduisant le roi, il les épargnera. Néanmoins d'autres ont tenté l'expérience avant elles et des femmes bien plus belles et plus époustouflantes.

— Je te promets que je célébrerai ta mort.

— Danse sous la pluie et avec les loups, ricane-t-elle.

***

— Danse sous la pluie et avec les loups, soufflé-je.

Savait-elle ? Essayait-elle de me prévenir ? Pourquoi ne rien m'avoir révélé ?

Brusquement ma tête se tourne pour voir trois immenses loups blancs m'entourer.

Ce ne sont pas des changeling !

Le haut de mon corps se redresse doucement, je ne fais pas de geste brusque. Le plus grand me scrute avec ses iris mordorés, puis il s'approche en ne montrant aucune agressivité. J'ai l'impression qu'il comprend ce qui se déroule en moi, lorsqu'il pose sa tête sur mon épaule, je pleure. Les deux autres s'approchent, puis ils donnent des petits coups de museaux sur mes mains. Je les caresse, les uns après les autres.

— Je dois me relever et danser, soufflé-je après quelques minutes.

La pluie continue de tomber, mais je m'en moque. Je dois honorer ma promesse. Je me lève, les trois loups se posent près du corps de ma congénère, puis une armée de louveteaux me rejoint. Ils sont si mignons, que je commence à chahuter avec eux avant de me mettre à danser. Les trois loups veillent sur la dépouille de ma sœur, ils empêchent même les louveteaux de s'approcher d'elle.

Je m'écarte, je lève les mains vers le ciel pour danser. Je suis trempée, mais je ne ressens rien que la souffrance, mélangée à la joie que Ninon m'a toujours transmise.

Des rugissements me sortent de ma transe, mon corps se fige pour se tourner vers deux extraordinaires lionnes. Mon corps s'arrête parce qu'elles non plus ne font pas partie du clan. J'avais lu dans les livres que beaucoup d'animaux sauvages résidaient parmi eux, mais généralement ils n'apprécient pas les êtres qui ne peuvent se métamorphoser... Les deux lionnes sont, si mes souvenirs sont bons, les femelles les plus élevées de la hiérarchie sauvage, néanmoins j'ai un doute.

Je ne sais pas comment agir lorsqu'elles s'approchent de moi. Leurs iris sont remplis de tellement de sagesse. Alors je fais ce que j'aurais fait devant une déesse, je m'agenouille en attendant de voir quelle sera leur réaction. L'une d'elles pose sa patte sur mon épaule et me ramène vers elle, mon visage s'enfouit dans son cou, mes yeux se ferment et je profite juste de ce réconfort.

— Je suis désolée, murmuré-je.

La pluie se calme, mais elle ne s'arrête pas pour autant. Néanmoins, elle me permet de voir que des dizaines d'animaux sauvages nous entourent et qu'ils semblent pleurer avec moi.