Chapitre 10 : Laelynn

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Le jour où tout a basculé, je n'aurais jamais pu imaginer à quel point ma vie changerait en un instant. Enfermée dans mon appartement, je me débats avec une routine déprimante. Chaque journée ressemble à la précédente-patchwork de temps passé devant un écran d'ordinateur ou à engloutir des pots de Nutella. La dépression est devenue ma colocataire indésirable. Dans cet état d'engourdissement, des questions tourmentent mon esprit : Qui avait payé mon loyer pendant mon coma ? Qui avait pris soin de mon appartement ?

Nombreuses sont les soirées que nous passons à remplir des formulaires ensemble.

— Ne t'inquiète pas, Laelynn. Tu vas trouver quelque chose, dit-elle constamment.

Pourtant, chaque réponse me renvoie au même message glaçant : nous regrettons de vous informer que votre candidature n'a pas été retenue. Il va pourtant bien falloir que je retrouve du travail. Maintenant que la vie a repris son cours et qu'il n'y a plus personne qui paye mon loyer, je dois me remettre au boulot.

Un matin, alors que je me prélasse encore dans la chaleur réconfortante de mon lit, une notification rompt la tranquillité. Je soupire, attrapant mon téléphone d'un geste las. Parmi les messages accumulés, l'un d'eux retient immédiatement mon attention :

«Madame,

Après avoir examiné votre candidature via les forums, votre profil a retenu mon attention pour un poste de domestique au sein de la résidence de M. Moretti. En plus de votre rémunération, vous profiterez de plusieurs avantages tels que le logement sur place, les repas et le service de blanchisserie inclus. En cas d'acceptation de notre proposition, notre équipe se présentera chez vous une semaine plus tard pour achever l'accord avec une signature de contrat en personne et pour vous accompagner vers votre nouveau lieu de résidence.

Bien cordialement, M. Clark, expert-comptable au service de M. E. De Rosa. »

Je lis le message plusieurs fois, incrédule. Mon cœur bat la chamade.

— Qu'est-ce que c'est que ce délire ? murmuré-je à moi-même. Je ne me souviens pas d'avoir postulé pour ce poste. Est-ce vraiment sérieux, ou juste une énième arnaque ?

Je décide de montrer le message à Ziya.

— Regarde ça, dis-je en lui tendant mon téléphone.

Elle parcourt rapidement le message, ses yeux s'écarquillant au fur et à mesure de sa lecture.

— Ça peut être une escroquerie... mais et si c'est réel ?

— Tu penses que je dois répondre ? demandé-je, hésitante.

Ziya hoche la tête, son soutien habituel étincelant dans ses yeux.

— Oui, pourquoi pas ? C'est peut-être l'opportunité que tu attends.

Encouragée par ses mots, je décide de répondre au message. L'idée de quitter mon appartement est excitante. Je prends une douche rapide et commence à préparer des cartons. Ziya, toujours présente, m'aide méthodiquement. L'appartement, témoin silencieux de mes jours sombres, se transforme peu à peu en une mer de cartons soigneusement étiquetés.

— Je m'occuperai de faire louer ton appartement une fois que tu seras installée chez ton nouveau patron, m'assure Ziya alors que nous finissons les derniers préparatifs.

Ses mots me réchauffent le cœur. En une semaine, tout est prêt. Cela semble irréel, comme si je regardais ma propre vie se dérouler sous mes yeux.

***

Une semaine se passe dans une sorte de tourbillon de préparatifs et d'attente fébrile. Le jour où les hommes de monsieur De Rosa doivent venir me chercher, je me réveille avant l'aube, incapable de trouver le sommeil. Les premières lueurs du matin filtrent à peine à travers les rideaux de ma chambre, mais déjà je suis debout, vérifiant encore une fois que tout est en ordre. Ziya, fidèle à elle-même, est venue m'aider à finaliser les derniers détails la veille et a passé la nuit chez moi.

— Prête pour l'aventure ? me demande-t-elle en étirant ses bras au-dessus de sa tête, étouffant un bâillement.

— Tant que toi, tu es à mes côtés, je peux tout affronter, dis-je avec un sourire fatigué, mais sincère.

Nous passons le peu de temps qu'il nous reste à échanger des banalités, l'illusion de normalité nous rassurant. Le tic-tac de l'horloge semble s'accélérer, chaque seconde nous rapprochant de l'inévitable moment où je devrais quitter cet appartement.

Lorsque l'horloge indique neuf heures précises, un bruit de pas pressés résonne dans le couloir et un coup sec retentit à la porte. Mon estomac se noue instantanément. Je jette un coup d'œil à Ziya, qui me sourit en signe d'encouragement.

— Tu devrais répondre, dit-elle doucement.

Je prends une profonde inspiration et m'approche de la porte. En l'ouvrant, je découvre deux hommes élégamment vêtus dans des costumes sombres, leur visage sérieux, mais courtois.

— Madame Laelynn Honna ? demande l'un des hommes, sa voix polie, mais professionnelle.

— Oui, c'est moi, réponds-je en essayant de masquer ma nervosité.

— Nous sommes ici de la part de M. E. De Rosa. Nous sommes venus pour finaliser les détails de votre contrat de domestique chez lui, explique le second avec une voix posée et assurée.

Mon cœur bat la chamade alors que j'invite les hommes à entrer. Ils me tendent un contrat à signer, que je prends le temps de lire attentivement malgré mes mains tremblantes. Une fois satisfait sur les termes, je pose ma signature sur le document.

— Nous allons maintenant vous accompagner à la résidence. Voulez-vous prendre quelques affaires avec vous ? demande l'un des hommes.

Je hoche la tête et me tourne vers Ziya, qui m'aide à porter les cartons contenant mes maigres possessions. Ensemble, nous sortons de l'appartement. Mon amie m'embrasse chaleureusement et murmure à mon oreille :

— N'oublie jamais que je suis là pour toi, quoi qu'il arrive.

Elle essuie discrètement une larme qui menace de couler, et je sens mon propre cœur se serrer en la quittant.

Nous descendons les escaliers et sortons dans la rue où nous attend une voiture noire et élégante. Les hommes chargent mes affaires dans le coffre pendant que je fais mes adieux à Ziya.

— Bonne chance, Laelynn, me souhaite-t-elle, son sourire réconfortant atténuant un peu ma nervosité.

Je monte dans la voiture, prenant place sur le siège arrière. Les portes se ferment avec un claquement. Alors que la voiture démarre en douceur, je m'adosse et ferme les yeux, espérant trouver un peu de calme intérieur.

La route est longue et sinueuse. Les paysages urbains laissent rapidement place à des étendues verdoyantes, de majestueuses montagnes se dessinent à l'horizon. Les hommes à l'avant discutent à voix basse, leur conversation me parvient par bribes indistinctes. Je finis par m'abandonner au mouvement apaisant de la voiture et, malgré mes efforts pour rester éveillée, je m'endors.

Je suis tirée de mon sommeil par un léger grincement métallique. J'ouvre les yeux pour découvrir que la voiture a ralenti devant un imposant portail en fer forgé. Il s'ouvre lentement, révélant une vue imprenable sur une grande maison d'une beauté saisissante. Le jardin environnant est un chef-d'œuvre de verdure, chaque buisson et chaque fleur semblant avoir été sculpté avec amour et soin.

— Nous sommes arrivés, m'informe l'un des hommes avec un sourire.

Malgré mon appréhension initiale, je ne peux m'empêcher de ressentir une excitation croissante. La villa qui se dresse devant moi est une fusion harmonieuse de grandeur classique et de modernité subtile. Les murs de crépi gris captent la lumière du soleil, faisant scintiller la structure comme si elle était saupoudrée de poussière d'étoiles. Les balconnets en fer forgé, les volets en bois raffinés et les tuiles rouges vieillies forment un ensemble esthétiquement parfait.

Je suis émerveillée par le jardin, un véritable sanctuaire de tranquillité. Des allées de gravier serpentent à travers les pelouses manucurées, des parterres de fleurs éclatantes dégagent des parfums enivrants, et des rosiers grimpants ajoutent une touche de romantisme à la scène.

Les hommes me guident à travers le jardin jusqu'à l'imposante porte d'entrée en bois massif, ornée de lanternes décoratives prêtes à s'illuminer à la tombée de la nuit. En entrant dans la villa, l'air est empli d'un mélange subtil de parfums boisés. Le hall d'entrée est majestueusement décoré, chaque recoin témoignant d'un goût exquis pour l'art et le confort.

Mes guides m'escortent avec courtoisie jusqu'à ma chambre, m'indiquant les différentes pièces sur le chemin. Des tableaux anciens ornent les murs, et des tapis luxueux réchauffent l'atmosphère. Je me sens comme transportée dans un monde à part, un refuge loin de ma routine déprimante.

Ma chambre est spacieuse et élégamment décorée, avec des meubles raffinés et des touches de couleur, ajoutant une chaleur bienvenue à l'ensemble. Une grande fenêtre laisse entrer la lumière du jour et offre une vue imprenable sur les jardins environnants. Je me sens immédiatement chez moi, enveloppée par une sensation de confort et de bien-être.

Je décide de poser mes affaires avant d'explorer plus en profondeur. En ouvrant la garde-robe, je découvre avec un certain malaise une multitude de tenues de domestique, toutes plus courtes les unes que les autres. A leur vue, l'inconfort m'envahit.

— Qu'est-ce que c'est que ces tenues..., je murmure, perplexes.

Je choisis néanmoins d'enfiler l'une des tenues, sentant le tissu léger épouser les contours de mon corps. Juste au moment où je termine de m'habiller, un petit homme, presque chauve et portant des lunettes, entre précipitamment dans ma chambre. Il est impeccablement vêtu, chaque détail de son costume témoignant de son professionnalisme.

— Bonjour, je suis M. Clark, expert-comptable au service de M. E. De Rosa. Vous devez être Miss Honna, notre nouvelle domestique, dit-il avec un sourire chaleureux.

— Enchantée, M. Clark, réponds-je, tentant de sourire en retour malgré ma nervosité.

Il me remet une liste de tâches et me les explique d'un ton clinique :

— Pour le ménage, vous devrez maintenir la propreté et l'ordre de la villa. Cela inclut le dépoussiérage des meubles, l'aspiration du sol, le lavage des vitres et le nettoyage des salles de bain. Pour le linge, vous serez chargée de laver, sécher, repasser et plier les vêtements de M. De Rosa. Pour le service de tables, vous veillerez à ce que la vaisselle, les couverts et les verres soient dressés de manière élégante, notamment lors des dîners formels.

Je prends la liste, lisant chaque tâche et mémorisant les détails importants. M. Clark observe silencieusement, attendant une réaction de ma part. Je hoche lentement la tête, acceptant les responsabilités qu'il me confie.

— Parfait, dis-je finalement, décidée à m'investir pleinement dans ce nouveau rôle.

M. Clark acquiesce, visiblement satisfait de ma réponse.

— Très bien, dit-il. Si vous avez des questions ou des préoccupations, n'hésitez pas à venir me voir. Vous trouverez mon bureau au bout du couloir à gauche.

Sur ces mots, il s'incline légèrement avant de quitter la chambre, me laissant seule avec mes pensées et la longue liste de tâches à accomplir.

Alors que je m'installe dans cette nouvelle routine, une sensation étrange d'appréhension et d'excitation se mêle en moi. Je suis prête à découvrir ce que cette nouvelle vie me réserve.

***

Alors que les jours passent, mes questions sur la maison et son propriétaire restent sans réponse. Je m'acquitte de mes tâches sans encombre, mais une porte demeure constamment close, piquant ma curiosité. Je sais que cette porte cache quelque chose, mais jusqu'à présent, j'ai respecté les frontières de mon rôle de domestique.

Un jour, alors que je traverse le couloir de la maison en direction de la cuisine, je passe devant cette porte mystérieuse. Comme à mon habitude, je m'arrête, intriguée. C'est à ce moment-là que M. Clark surgit du bout du couloir.

— Laelynn, puis-je vous aider ? demande-t-il poliment, mais fermement, ses petits yeux perçants fixant la porte puis se reportant sur moi.

— Oui, en fait... J'ai remarqué que cette porte est toujours fermée. Qu'est-ce qu'il y a derrière ? demandé-je, tentant de paraître désinvolte.

M. Clark se raidit légèrement, ajustant ses lunettes avant de répondre.

— Cela ne vous concerne pas, Miss Honna. Cette pièce est strictement réservée à M. De Rosa, et seul lui a le droit d'y entrer, répond-il d'un ton qui ne tolère aucune contradiction.

— Mais... je veux dire, je ne voudrais pas sembler trop curieuse, mais est-il possible que je doive un jour y accéder pour le ménage ou quelque chose du genre ? insinué-je, espérant avoir une réponse plus satisfaisante.

— Non, Laelynn. Veuillez vous en tenir à vos tâches assignées, s'il vous plaît, répond-il fermement tout en gardant une certaine courtoisie.

Je soupire légèrement, comprenant sans vraiment comprendre.

— D'accord, je comprends, dis-je finalement en évitant de montrer ma déception.

M. Clark hoche la tête en signe d'assentiment, avant de s'éloigner, laissant la porte mystérieuse et mes questions sans réponse.

Cette conversation n'a fait qu'allumer davantage ma curiosité. L'atmosphère de la maison, bien que luxueuse et sereine en apparence, cache certainement des secrets que je rêve de découvrir.

Cette nuit-là, je suis incapable de trouver le sommeil. Les mots de M. Clark résonnent encore dans mon esprit, et cette porte interdite hante mes pensées. Je me retourne plusieurs fois dans mon lit, les draps se mêlant à mon malaise.

Vers minuit, sentant l'appel pressant de la nature, je me lève pour aller aux toilettes. Alors que j'ouvre ma porte et traverse le couloir faiblement éclairé, une vue insolite m'arrache de ma torpeur.

Au bout du couloir, là où se trouve la fameuse porte, deux gardes armés se tiennent en faction. Leurs visages impassibles et leurs armes bien visibles ajoutent une note de danger palpable. Je me fige sur place, le cœur battant à tout rompre.

C'est alors que je remarque une traînée de sang sur le sol. Elle s'étire comme une sombre invitation vers la porte mystérieuse, accroissant mon appréhension. Des bruits étouffés, semblables à des luttes ou des cris, émanent faiblement de l'autre côté.

Un frisson glacial parcourt mon échine. Terrifiée et titubante, je fais marche arrière avec précaution, regagnant ma chambre en quelques pas rapides tout en évitant de faire le moindre bruit.

La porte se referme derrière moi d'un claquement trop bruyant à mon goût. Je me jette sur mon lit, enfouissant ma tête sous la couette, tentant de me persuader que tout cela n'est qu'un mauvais rêve. Mon cœur tambourine furieusement dans ma poitrine, murmurant la terrible vérité que je ne peux plus ignorer : quelque chose de sinistre se trame dans cette maison, et il vaut mieux pour moi que je reste à l'écart.

Emprise infernale [ TERMINÉE en réécriture ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant