Chapitre 12 : Laelynn

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C'est la première fois depuis longtemps que je me sens aussi épuisée après une nuit de sommeil. Chaque mouvement pour sortir de mon lit me demande un effort considérable. En traînant les pieds, je me dirige péniblement vers la salle de bain.

En allumant la lumière, je me retrouve face au miroir. Les cheveux ébouriffés, les cernes sous mes yeux témoignent de la mauvaise nuit passée. Un léger craquement dans mes épaules rassure : je suis vivante, même si la fatigue me donne l'impression d'être à moitié endormie.

Je laisse l'eau chaude de la douche s'écouler, créant une vapeur apaisante. Le dentifrice mentholé m'offre un bref répit rafraîchissant avant de me glisser sous le jet brûlant qui détend mes muscles fatigués. Quelques instants passés avec mon shampooing à l'odeur de vanille et le gel douche de monoï suffisent à me revigorer.

Enroulée dans une serviette moelleuse, je retourne dans ma chambre. Une légère montée d'énergie me pousse à activer ma playlist préférée et à chanter doucement les paroles qui accompagnent ma routine. En m'asseyant devant la coiffeuse, je commence à appliquer ma crème hydratante sur le visage avec des mouvements circulaires. Une fois ma routine de soins terminée, je m'habille avec ma tenue habituelle, sans grande réflexion.

Avant de quitter ma chambre, je prends un moment pour respirer profondément et me recentrer. Je me pose sur le bord de mon lit, ferme les yeux et pratique quelques exercices de respiration. Enfin, déterminée à affronter cette journée, je me lève et prends les produits de nettoyage dans une petite pièce dédiée de la maison.

J'ai décidé de consacrer un peu de temps à nettoyer et ranger le petit salon à l'étage. Cet endroit m'apaise par ses couleurs douces et ses meubles confortables. J'ouvre les fenêtres pour laisser entrer l'air frais et la lumière du jour. En dépoussiérant les étagères, je prends soin de passer dans les moindres recoins. Je sors l'aspirateur et passe soigneusement sur le tapis, effaçant toute trace de saleté. La pièce étincelante de propreté m'apporte une certaine satisfaction.

Alors que je suis absorbée par ma tâche, j'entends la porte d'entrée du rez-de-chaussée s'ouvrir. Curieuse, je me penche au-dessus de la rambarde de l'escalier pour jeter un coup d'œil. Je vois deux hommes en uniforme de sécurité et un homme en costume noir se diriger vers la cuisine. Mon cœur se met à battre plus fort. Je me demande qui cela peut bien être. Est-ce que c'est mon mystérieux patron ? La curiosité me pousse à descendre pour en savoir plus.

J'avance à pas feutrés, mon cœur battant la chamade. Je me cache dans le hall d'entrée, derrière un mur qui sépare cette pièce de la cuisine. Je tends l'oreille, espérant saisir quelques bribes de conversation.

— Monsieur, comme je vous le disais au téléphone il y a quelques jours, elle a sûrement entendu ou vu certaines choses... vous savez de quoi je parle... dit Klark en s'adressant directement à l'homme en costume noir.

— Klark, nous devons être plus vigilants. La discrétion est primordiale, surtout en ces temps agités, réplique l'homme d'une voix grave et posée, dégageant une autorité naturelle.

En essayant de m'approcher discrètement pour mieux écouter, je perds l'équilibre à cause d'un petit défaut dans le parquet. Dans un horrible moment de déséquilibre, mon pied glisse sous moi et je bascule en avant, me retrouvant à genoux juste devant les hommes dans la pièce.

— Excusez-moi, je... je nettoyais le hall et je n'ai pas vu la marche, balbutié-je, le regard baissé et rouge de honte.

Les regards scrutateurs des hommes amplifient ma gêne. Je tente de trouver une excuse, une sortie de secours, mais l'inconnu en costume noir s'avance vers moi. Il glisse ses doigts sous mon menton et relève doucement mon visage vers le sien. Son souffle chaud caresse mon visage, m'enveloppant d'une sensation troublante. Son regard froid et assuré me transperce de part en part. Son expression est dure, presque cruelle.

— La curiosité est un putain de vilain défaut, ma jolie. Surtout pour les traîne-savates dans ton genre. Fais ton boulot et évite d'écouter aux portes, sinon tu risques de te faire salement corriger, susurre-t-il, ses yeux capturant les miens avec une intensité dérangeante.

Je deviens la proie de cet échange, cherchant désespérément une réponse, sentant l'odeur de son parfum boisé.

— Monsieur De Rosa, permettez-moi de vous présenter madame Honna, la domestique que nous avons engagée pour s'occuper de vous et de la demeure, dit son majordome, Klark, avec calme et fermeté.

— Je sais exactement qui elle est. Mais je n'ai pas besoin qu'une gamine dans son genre s'occupe de moi.

Le rejet brutal m'enserre le cœur comme une main de fer. Ce De Rosa, dont le nom seul résonne d'autorité et de danger, semble me juger et me trouver déjà condamnée.

— Madame Honna est une professionnelle, Monsieur, et elle a été engagée pour assurer votre confort pendant votre séjour ici, insiste Klark, maintenant calme, mais déterminé, cherchant à apaiser la tension qui monte.

— Professionnelle ? Sérieusement ? Avec cette gueule et ces airs mal dégrossis, vous attendez de moi que je lui fasse confiance pour gérer quoi que ce soit ? Non, je m'en occuperai tout seul. Tant qu'elle reste éloignée de mes affaires, ces sordides missions de nettoyage seront suffisantes pour elle, rugit De Rosa, chaque mot frappant comme un coup de poing.

Mon rejet brutal me frappe en plein cœur. Le nom De Rosa Emrys résonne dans l'air, et je comprends que j'ai rencontré cet homme puissant dans les pires conditions possibles. Une gêne profonde m'envahit. Pourquoi m'engager si c'est pour me traiter ainsi ? Je n'ai rien fait de mal...

— Je... je ne voulais pas causer de problème, je suis désolée, je chuchote, la voix tremblante, mes yeux brûlant de larmes contenues.

— Ferme ta gueule. C'est pitoyable. Épargne-moi tes excuses à deux balles. Retourne à tes torchons et ne t'approche pas de moi. Si je te surprends encore une seule fois à fouiner, je t'assure que tu passeras un sale quart d'heure, siffle-t-il, la froideur de ses paroles me glaçant le sang.

Je n'ose croiser son regard, mon cœur se serre, mon esprit est envahi de questions et de peur. Tandis qu'il se détourne et quitte la pièce d'un pas décidé, je reste là, paralysée par l'humiliation et la terreur latente de ses paroles.

Le majordome, Klark, me tend la main avec un regard inquiet et compatissant. Je prends sa main avec gratitude, sentant une vague de soulagement face à sa gentillesse, malgré la dureté des paroles de De Rosa.

— Ce comportement peut être dangereux pour vous, Madame. Évitez vraiment d'écouter aux portes, surtout avec le patron dans les parages. Ce n'était pas une menace en l'air, je dis cela pour votre sécurité, souffle-t-il avec une gravité inquiétante.

Mon cœur bat la chamade alors que je me relève, mes jambes tremblantes. Je fixe le sol, honteuse, incapable de lever les yeux.

— Merci, Klark. Je prends en compte votre conseil... je murmure, espérant regagner un peu de ma dignité perdue.

Les autres hommes en uniforme échangent des regards, hésitant à se disperser. Klark se tourne vers eux avec une autorité tranquille.

— Messieurs, vous pouvez retourner à vos occupations. Je me charge de la situation ici.

Les hommes acquiescent et sortent de la cuisine, me laissant seule avec Klark. Il se penche légèrement vers moi, baissant la voix comme pour partager un secret.

— Écoutez, Madame Honna, je sais que tout cela peut paraître intimidant. De Rosa est un homme complexe, mais il n'est pas cruel sans raison. Il y a des choses que vous ignorez, des choses que vous ne devriez même pas tenter de comprendre.

Je hoche la tête, incertaine de comment répondre. Les questions fusent dans mon esprit, mais l'atmosphère pesante me décourage de les poser.

— J'ai juste besoin de savoir une chose... pour ma sécurité. Que faites-vous ici exactement ? Qui est vraiment cet homme ? lâché-je, d'une voix plus déterminée que je ne le pensais possible.

Klark soupire, les rides de son visage se creusant davantage sous la pression de mes interrogations. Il jette un coup d'œil vers la porte de la cuisine, s'assurant que personne ne nous écoute.

— Ce n'est pas à moi de vous dire quoi que ce soit, Madame. Sachez simplement que vous êtes mieux lotie en ignorant les affaires de Monsieur De Rosa. Concentrez-vous sur vos tâches et tout ira bien pour vous, conseille-t-il, ses yeux trahissant sa nervosité.

Je prends une profonde inspiration, mon esprit débordant de confusion et de peur. Klark pose une main rassurante sur mon épaule, offrant un sourire faible, mais sincère.

— Si jamais vous avez des ennuis ou des questions urgentes, venez me trouver. Je suis ici pour veiller à ce que tout se passe bien, y compris pour vous. Accrochez-vous, Madame Honna, et tout ira bien, dit-il doucement.

— Merci, Klark, vraiment. Je... je vais faire de mon mieux pour rester à l'écart, promets-je.

Klark hoche la tête et se redresse, son sourire s'éclipse alors qu'il reprend son expression habituelle de sérieux. Il me laisse seule dans la cuisine, retournant à ses devoirs avec un dernier regard entendu.

Je me relève doucement, mes jambes encore chancelantes, mais mon esprit déterminé à ne plus reproduire cette erreur. Avec un dernier regard vers les portes-derrière lesquelles De Rosa a disparu, je reprends lentement le chemin du nettoyage, un peu plus consciente des dangers invisibles qui se cachent derrière les portes closes de cette maison.

La journée semble s'étirer indéfiniment alors que je m'occupe méticuleusement de chaque coin et recoin, évitant soigneusement la cuisine. Chaque bruit me fait sursauter, chaque pas éveille ma prudence accrue. La peur de recroiser De Rosa me hante, mais je m'efforce de continuer avec professionnalisme.

À la fin de la journée, alors que je termine de ranger mes affaires de nettoyage, Klark apparaît à nouveau dans le vestibule. Il hésite un instant avant de venir vers moi.

— Madame Honna, vous avez bien travaillé aujourd'hui. Reposez-vous, demain est un autre jour, dit-il avec une aimable fermeté.

Un autre jour, une autre chance de prouver ma valeur, ou peut-être une autre rencontre avec cet homme mystérieux et terrifiant. Tandis que je monte lentement les escaliers en direction de ma chambre, je ne peux m'empêcher de me demander ce qui pourrait bien se passer demain. Quel rôle ai-je vraiment dans cette maison ? Pourquoi suis-je ici, entourée de tant de mystères et d'énigmes ?

La sensation de solitude s'accentue à chaque pas. L'obscurité du couloir semble presque palpable, s'étendant et se refermant autour de moi comme une brume épaisse et oppressante. Enfin, je pousse la porte de ma chambre, la douceur du refuge contrastant brutalement avec l'atmosphère lourde de la demeure. Les lattes du plancher craquent sous mes pieds alors que je me dirige vers la petite fenêtre. Mais dehors, la nuit plonge tout dans une obscurité impénétrable.

Je m'installe sur le lit, la tête pleine de questions. Un frisson me parcourt le dos lorsque je repense à l'autorité glaciale dans la voix de De Rosa. Pourquoi m'avoir engagée si c'était pour être traitée ainsi ?

Je ferme les yeux, espérant calmer la tempête de mes pensées. Une image s'impose à mon esprit : celle de ma mère. La douleur de sa perte se ravive brusquement, lacérant mon cœur fatigué.

Je te prie de m'apporter ton aide, ô, mon ange gardien. Accorde-moi un signe, même infime, pour me guider vers la vérité, dans les jours à venir.

Les mots se dissipent dans l'air immobile de la chambre. Soudain, un craquement sinistre se fait entendre. La porte de ma chambre s'ouvre lentement. Mon cœur se met à battre à tout rompre, la panique s'insinuant dans chaque recoin de mon être. Sans réfléchir, je me précipite sous ma couette, espérant que cet acte enfantin puisse me protéger.

L'angoisse me serre la poitrine tandis que les secondes s'étirent en une éternité. Finalement, un silence terrible retombe. La porte ne bouge plus. Rien ne vient.

Je reste cachée sous la couette, les sens en alerte, tendue comme une corde prête à se rompre. Lentement, très lentement, je laisse échapper une bouffée d'air. Malgré la peur, malgré l'obscurité qui entoure cette maison et ses occupants, je me dis que je dois tenir bon. Les paroles de ma prière résonnent avec une nouvelle force.

Je m'extirpe finalement de ma cachette, refermant doucement la porte de ma chambre. Puis, je m'assois sur le lit, tentant de retrouver un semblant de calme. Le froid de la nuit vient s'infiltrer par la fenêtre, se glissant sous mes vêtements et pénétrant mes os. La nuit semble encore plus dense, plus menaçante. Je prends conscience de cette nouvelle réalité. Une réalité menaçante et sinistre, mais que je dois affronter avec le peu de courage qui me reste.

Je me tourne sous les couvertures, cherchant une position confortable. Tandis que mes pensées dérivent, les rêves et les cauchemars s'entrelacent, formant une toile complexe de doutes et d'espérances, de terreurs et de forces cachées. Je sens que demain portera son lot de défis et d'épreuves, mais quelque chose me pousse à croire que je trouverai les réponses dont j'ai besoin, même si elles sont enfouies sous des couches de secrets et de mystères.

Avec une dernière prière silencieuse, je me laisse emporter par un sommeil agité, où ombres et lumières s'affrontent perpétuellement dans le théâtre de mon esprit troublé.

Emprise infernale [ TERMINÉE en réécriture ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant