Host Family

Chapitre 1 - Nora

— C'est l'heure du débrief?, je demande impatiente en descendant les escaliers 4 à 4.

La famille Gramms qui m'accueille depuis 6 ans maintenant s'apprête à accueillir un énième enfant dans le besoin. Anne m'appelle pour une réunion dans le salon que je m'empresse de rejoindre. J'adore ce moment où je découvre mon futur colocataire. La chambre du nouvel arrivant se trouve face à la mienne. Le dernier accueilli était une peste de 3 ans ma cadette. Mon pire souvenir, restera ce pauvre nouveau né. Il est resté 2 mois ici avant de pouvoir retourner auprès de sa mère. Je crois que personne n'a pu dormir pendant ces 8 longues semaines! 

— Oui, il va bientôt arriver, m'informe Anne.

J'entre dans le salon comme une fusée avant de m'installer lourdement sur le canapé face à mes parents de substitutions. Chacun assis sur un fauteuil, ils me regardent amusés.

— Tu es bien excitée par cette nouvelle arrivée, rigole Anne.

Je hausse les épaules voulant me montrer indifférente mais mes jambes qui sautillent trahissent mon véritable état d'esprit et Marc ne peut s'empêcher de pouffer.

— Alors.. il s'appelle Aaron, il a le même âge que toi. Il restera chez nous jusqu'à sa majorité en février prochain et...

— Pourquoi pas jusqu'à la fin de l'année scolaire? Il ira où après?, je coupe Marc.

— Le juge a décidé qu'il devait rester clean et vivre une petite vie tranquille et sans accro jusqu'à sa majorité. D'ici là, s'il souhaite finir sa terminale, tu sais bien que nous ne le mettrons pas dehors, bien au contraire.. mais...

Marc hésite et ça ne lui ressemble pas. Pour la première fois, je le trouve anxieux et cela ne fait qu'accroître ma propre angoisse.

— Le juge?, je répète inquiète.

J'en ai vu passé des délinquants, mais savoir qu'il a 17 ans m'inquiète forcément plus qu'une petite frappe de 12!

— Vol de voiture, chérie, rien d'exceptionnelle, me rassure Anne. Tu sais bien qu'on ne vous mettrait jamais en danger.

 Je relâche l'air contenu dans mes poumons dans un soupir de soulagement non feint.

— Nora, il va falloir être....

Marc s'interrompt et regarde Anne un peu perdu. Elle baisse les yeux alors que je fronce mes sourcils. Bien sûr ils connaissent le dossier complet des enfants qu'ils accueillent mais ne me dévoilent jamais rien de plus que nécessaire. Et de toute évidence, le dossier d'Aaron n'est pas très joli. 

— Gentille, souriante, avenante et je ferai tout pour l'intégrer dans mon groupe d'amis. Je connais ma leçon, j'annonce fièrement en levant le menton ce qui fait rire Anne mais Marc a toujours l'air aussi préoccupé.

— Peut être que cette fois, il vaudrait mieux que tu gardes tes distance, élude Marc en détournant le regard.

— Pourquoi? Il pourrait me faire du mal?, je panique.

— Non, répondent ils précipitamment.

— Ok, vous êtes graves flippant là!, je conclus en haussant les sourcils. 

La sonnette de la porte d'entrée retentie, l'heure de vérité est arrivée! Je me lève et défroisse ma petite robe fleurie que j'ai choisi pour l'occasion. Légèrement évasée au niveau des genoux, un décolleté n'en révélant pas trop pour ne pas paraître trop sexy ou vulgaire mais assez pour ne pas finir dans un couvent! J'ai lissé mes cheveux bruns qui recouvrent mes épaules et me suis légèrement maquillée. La première impression, c'est important non?

Les jumeaux déboulent dans l'entrée comme des fusées et se placent devant leur mère. Anne ouvre la porte tandis que Marc reste en retrait derrière moi, ce qui n'est pas son habitude. Je le regarde sans comprendre, il est nerveux alors que c'est toujours lui qui rassure les nouveaux arrivants. Lorsqu'il baisse les yeux vers moi, il secoue la tête, me signifiant qu'il ne répondra pas à mes interrogations. Je reste muette et me concentre sur les nouveaux arrivants.

L'assistante sociale que je n'apprécie pas salue Anne. Cette femme a du voir de la lumière à l'orphelinat et s'est dit "pourquoi pas?", parce que ce n'est clairement pas sa vocation! Elle n'aime pas les enfants, la preuve, elle se crispe avec une grimace la faisant ressembler à un crapaud quand les jumeaux lui sautent dessus pour avoir un câlin. 

Caché derrière elle, j'aperçois un jeune homme, son visage camouflé par son sweat à capuche noir et une casquette. Les mains enfoncées dans les poches de son jean's usé, je ne vois que le bout de son nez, sa tête baissée vers ses pieds.

— Bon, entre Aaron! Tu pourrais les saluer tout de même, gronde le vieux crapaud. C'est la moindre des choses!

— Ce n'est pas grave, Mme Fontes, intervient Marc qui ne l'apprécie guère non plus.

 Au son de sa voix, Aaron est parcourut d'un frisson. Son visage se lève vers Marc qu'il fusille du regard. Je lève un sourcil, surprise. Marc intervient en sa faveur et ce petit con se permet de le jauger avec hargne. Je profite de leur échange silencieux pour détailler son visage. Il est plutôt mignon mais très maigre. Ses yeux bleus sont magnifiques et des mèches blondes légèrement ondulées retombent négligemment sur son front. Un nez droit, des lèvres pleines et une mâchoire carrée. Il rebaisse la tête et se perd dans la contemplation de ses boots.

— Allons nous installer dans le salon, invite Anne en ouvrant la marche.

 Mme Fontes et Aaron avancent un peu, Marc n'a pas bougé, restant en retrait. Aaron s'arrête à son niveau et attend, les narines frémissantes. Marc esquisse un pas en avant.

— Tu préfères que je passe devant?, demande t il hésitant.

Il prend le silence du nouveau pour un oui et s'engouffre dans le salon devant lui. Je l'observe, curieuse et me rend compte qu'il se détend en voyant Marc s'éloigner de lui. Il ne me prête aucune attention et rentre dans le salon. J'arrive la dernière. Les jumeaux sont assis par terre, Marc est sur l'accoudoir du fauteuil d'Anne, Aaron ayant pris place dans le second. Le vieux crapaud sur le canapé, je n'ai d'autre choix que de m'asseoir à ses côtés, face à Aaron qui fixe toujours ses satanées boots.

— Bien, commence Mme Fontes. Aaron est inscrit au lycée, voici son dossier, dit elle en tendant une pochette ridiculement petite pour un élève de terminale à Anne. Il sera dans la classe de Nora, ça facilitera les choses.

 Un ricanement sort de sous la capuche noire et tout le monde se tourne vers lui.

— Aaron, ne fais pas trop le malin, tu sais ce qui t'attends au moindre écart de conduite?, le menace Mme Fontes. Pas de bagarre, pas de deal ni de vol et tiens toi éloigné des fêtes étudiantes.

— Autant être en prison dans ce cas!

Je ne sais pas ce qui m'a pris de dire ça à voix haute.

— Nora, me réprimande gentiment Anna. 

— Désolée, c'est sorti tout seul, je m'excuse avec une grimace.

Sa casquette se lève et ses yeux bleus me percutent pour la première fois. J'ai du mal à maintenir le contact visuel. Je ne suis pourtant pas du genre timide, loin de là, mais ce regard polaire me déstabilise.

— Et si tu montrais sa chambre à Aaron, Nora? Ils ne nous restent que des détails ennuyeux pour vous à voir ensemble.

 — Ok!

Je me lève d'un bond faisant reculer Aaron dans son siège. Il me fixe en fronçant ses sourcils.

— Va falloir t'y faire, mec! Je suis complétement timbrée, je le préviens en haussant les épaules.