Chapitre 5

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Diamond

On pourrait penser que lorsque l'on vit à trois dans une immense villa, finalement, ce serait comme y vivre seule.
Faux.

— Je suis penché sur les plans d'actions et les revenus de Weis Labo depuis hier soir, dit mon père en mangeant sa salade, les yeux pétillants d'étoiles. C'est qu'il n'a pas si tort que ça, ce bougre.

Ma mère continue de manger sans se soucier de la tornade grandissante. Elle a cette capacité fascinante à se détacher de toute conversation stressante, une compétence que je lui envie.

— Certes, il y aura des pertes la première année, mais celles-ci seront minimes comparées aux bénéfices prochains, s'extasie-t-il, menaçant de faire tomber le verre de vin devant lui.

— Sommes-nous vraiment obligés de parler de cela à table ? demandai-je, essayant de sauver ce qui restait de mon appétit.

— Oui, nous le sommes.

Cela a été mon unique réponse.

Je souffle.

Voilà encore une soirée où mon père transforme le dîner en réunion d'entreprise. Sérieusement, est-ce trop demander d'avoir un repas sans parler de sérums et de profits ?

— Diamond, tu dois comprendre, continue-t-il, comme s'il faisait un discours au conseil d'administration, distribuer le sérum à tout le monde ferait exploser nos bénéfices.

— Et tu comptes aussi offrir une carte de fidélité avec ça ? Répliquai-je, cynique. « Le dixième sérum offert ! » C'est grotesque.

— Ne sois pas ridicule, rétorque-t-il, les yeux se plissant de mépris. Les bénéfices à long terme...

— Je pense que nous devrions le garder précieusement, et jusque-là tu étais d'accord avec moi sur ce sujet, dis-je, coupant court à ses projections financières. Tu as toujours dit que notre avantage était justement que cela reste un luxe. Ça devrait rester ainsi.

Il me fixe, la mâchoire crispée, comme s'il pesait mes mots pour y déceler une menace à son empire. Après un silence tendu, je soupire.

— De toute façon, je ferai ce que tu voudras, finis-je par dire, résignée.

Je me lève de table, laissant mon père avec son éternel débat sur la cupidité et l'arrogance. J'ai besoin de me changer les idées, et rapidement. Avant que je puisse quitter la salle à manger, ma mère lève pour la première fois les yeux de son assiette.

— Où vas-tu, Diamond ? demande-t-elle d'une voix douce, contrastant avec le ton tranchant de mon père.

— Je vais faire un tour, réponse quelque peu évasive, je me dirige vers la porte. J'ai besoin de prendre l'air.

Elle acquiesce, retournant à sa salade sans poser davantage de questions. Peut-être comprend-elle mieux que quiconque le besoin de s'échapper de temps en temps.

Je descends les marches de notre villa, l'ombre des palmiers balayant les murs blancs et les terrasses magnifiquement carrelées. La nuit tombe, et les lumières de Monaco commencent à scintiller. Peut-être qu'un peu de compagnie, adoucira cette bien triste soirée. Alors je décide de me rendre au Fairmont Hôtel, là où séjourne Justin.

Le Fairmont Hôtel, situé à la fameuse épingle de l'un des plus célèbre circuit de formule 1. Les voitures de luxe à son entrée ajoutent une touche de glamour et d'extravagance. Mais le Fairmont Hôtel n'a pas besoin de cela, c'est un véritable palais moderne. À l'intérieur, tout est vaste, avec des lustres étincelants et des tapis épais qui étouffent le bruit des pas. Les balcons donnent directement sur la mer. La réception, avec son service impeccable, me laisse entrer sans sourciller.

La chambre de Justin, spacieuse et opulente, est pourtant vide.
Évidemment, pourquoi aurait-il attendu ici ?

Avec un soupir, je décide de l'attendre. Je retire ma robe, découvrant une nuisette en soie d'un rouge vif, presque provocante. Si Justin veut jouer, autant que ce soit avec moi ce soir.
Je m'allonge sur le lit, décidée à faire de cette attente un moment de calme et peut-être, avec un peu de chance, de plaisir. Après tout, j'étais venue pour ça. Mais les minutes s'étirent et l'ennui me gagne encore et toujours, mon compagnon de tous les jours amènent avec lui de nombreuses idées noires.

La porte s'ouvre soudain, interrompant mes rêveries salaces et mélancoliques. Sa silhouette apparaît dans l'encadrure de la porte. Je le vois s'approcher doucement tel un félin, mais ne dit rien. J'aime à penser que de ses nombreuses maîtresses, il ne sait pas laquelle l'attend, ce soir, dans ses draps.

Je le sens s'appuyer sur le lit, le poids de son corps sur le matelas me fait doucement glisser vers lui. Sa main chaude effleure ma gorge. Une odeur d'alcool me chatouille les narines.
Sa main vient se plaquer contre mon nez et ma bouche, m'empêchant de respirer autre chose que le mouchoir qu'il y presse.

Ça, c'est inattendu. Voilà qui ne laisse plus place à l'ennui.

Love DystopieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant