Chapitre 4

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Morgan

Il y a plusieurs façons de saccager la robe d'une jolie demoiselle. Avec Diamond Perfine, un certain rituel se créait. Pourtant, ce n'est pas exactement de cette manière que j'aimerais faire tomber sa robe en lambeaux.

— Je peux savoir ce que tu nous as fait ?

Prince desserre ses griffes du siège passager à mes côtés. Mais ses muscles ne se décontractent pas pour autant.

J'avoue, un instant, j'ai eu peur. Quand j'ai vu cette tête de con de faux héritier accélérer dans cette voiture qu'il ne connaît pas. Quand je l'ai vue, elle, je pouvais ressentir son angoisse. Je ne sais pas ce qui m'a pris. De toute façon, je n'aurais jamais pu intervenir.

— Je ne pouvais pas me permettre de le perdre une nouvelle fois.

— Parce qu'on ne l'a pas perdu là, peut-être ? On est carrément perdus, mec !

Prince, toujours avec son sens dramatique digne d'une scène de Tarantino. Il a ce talent de rendre chaque situation encore plus désespérée qu'elle ne l'est vraiment. Mais je sais comment lui parler.

— Détends-toi, Prince. C'est comme cette scène dans "Les Affranchis" où tout le monde panique, mais De Niro reste calme et résout le problème.

— Sauf que toi, tu n'es pas De Niro et moi, je ne suis pas Joe Pesci.

Je me suis surestimé. Je soupire, jetant un coup d'œil à la route devant nous.

Prince Montaigne n'est pas juste mon meilleur ami ; c'est ma bouée de sauvetage dans cette mer sans fond. Nous nous sommes rencontrés quand la vie ressemblait à un mauvais film.
Prince, c'est un sacré numéro. Il a une réplique pour chaque situation. Mais sous ce vernis d'emmerdeur, il y a une loyauté infaillible. C'est le gars sur qui je peux compter, peu importe à quel point j'ai merdé.

Son père tenait le petit cinéma du coin pendant que le mien se tuait à trouver un antidote au sérum (ce foutu syndrome du sauveur qui colle chaque membre de ma famille et fini par nous isoler). Mais moi, j'ai Prince. On a passé plus de nuits à décortiquer des films qu'à dormir, analysant chaque scène comme si notre vie en dépendait. Pour nous, le cinéma, c'est notre bible, notre mode d'emploi pour ce monde de dingues. Là où les pop-corns ne vous jugent pas et où les héros sont toujours bien coiffés.

Les films policiers nous ont enseigné la persévérance, les thrillers nous ont appris à éviter la case prison, les films d'horreur nous ont montré comment ne pas mouiller notre pantalon. La science-fiction, elle, nous a permis de rêver. Et les romances... ah, les romances ! Elles nous donnent un aperçu de ce sentiment qu'on ne peut qu'imaginer, dans ce monde où l'amour est aussi rare qu'un ticket gagnant à la loterie. Aujourd'hui, les acteurs sont tous sous sérum. Dans les classiques, je sais reconnaitre quand un acteur ne joue plus et tombe réellement amoureux de son partenaire. Les étoiles dans les yeux, ça ne trompe pas. Mais aujourd'hui, plus rien n'est authentique.

Le Fairmont hôtel apparait devant nous, ainsi que la Bentley de notre couple favori. Justin sort précipitamment de la voiture et tend la clé au voiturier. Diamond, elle, elle prend tout son temps. Dépitée par l'état de sa robe. Je me mords la lèvre, coupable.
Prince lève les yeux au ciel.

— Tu te demandes comment serait cette fille si elle pouvait aimer, pas vrai ?

— Il y a quelque chose chez elle... une sorte de potentiel gâché.

Comme un rôle principal dans un film qui a été mal distribué.
Prince ricane.

— Tu sais, même si tu n'as jamais pris ce foutu sérum, toi non plus, tu n'as jamais connu l'amour. Tu es juste un passionné, un amoureux de l'amour lui-même. La pire des espèces ! dit-il en prenant une voix grave.

Je sais pertinemment qu'il essaie d'imiter le journal de bord de David Weis, mais c'est un massacre. Je souris tout de même à cette tentative.

— Tu sais quoi ? Le sentiment qu'on aurait dû éradiquer, c'est celui de la haine et de la vengeance. Ce sont eux qui empêchent d'aimer. Mais aujourd'hui, c'est tout ce qui me reste.

— Toujours aussi dramatique, mon vieux. Tu ferais un excellent méchant de film. Peut-être pas un psychopathe qui trucide tout le monde avec un couteau, mais plus un genre de méchant de Bond.

Je ris à sa remarque. Pourtant, je ne suis pas le méchant.

— Alors, c'est quoi la suite du plan ? On continue de les suivre comme des stalkers de série B ?

— On attend le bon moment.

Je fixe Diamond qui se débat avec sa robe tachée de boue, pour monter dans une nouvelle voiture sans Justin. Celui-ci est déjà rentré dans son hôtel. Cette après midi entre fiancé touche enfin à sa fin.

Le voilà seul.

— Et si on faisait ça ce soir ? Chuchote Prince à mon oreille.

Love DystopieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant