Chapitre 8🪽

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Saya avait encore du mal à croire qu'ils avaient pu remettre la main sur le lien. Ils avaient eu une chance phénoménale. D'abord, Franck avait entendu, sur la radio de la police, qu'un bateau avait été signalé volé. Elle n'avait pas voulu l'écouter, dans un premier temps, pensant que ce genre de chose arrivait. Franck avait cependant insisté : personne ne volait un vieux bateau à part quelqu'un en fuite. Ils avaient donc investigué un peu plus et tenté leur chance vers le nord. Saya avait imaginé qu'ils n'oseraient pas passer la frontière. L'étudiante n'avait aucun papier sur elle et le militaire risquait de déclencher un incident diplomatique en entrant illégalement au Mexique.

D'après ce qu'ils avaient découvert en se connectant sur la base de données de la police, le bateau n'avait pas beaucoup de carburant. Au mieux pourraient-ils parcourir une centaine de kilomètres.

Ils n'avaient fait que trois arrêts depuis San Diego et étaient déjà prêts à abandonner les recherches, lorsque la chance leur avait souri et qu'ils avaient découvert que le bateau volé venait d'être repéré à Oceanside. S'ils avaient pu avoir accès aux données des martyrs, ils auraient pu retrouver le couple de fugitifs bien plus tôt. Malgré tout, ils avaient fini par les rattraper et roulaient à présent à bonne allure sur l'autoroute 5.

Saya jeta un œil dans son rétroviseur. Personne ne les avait pris en chasse. Cela ne voulait pas dire qu'ils étaient en sécurité pour autant. Modifiant l'alignement du miroir central, elle observa ses deux nouveaux passagers. Le lien était cramponné au bras du militaire, des larmes noyant son regard bleu pâle. Le jeune soldat soutint son regard, mais Saya voyait qu'il n'était pas aussi rassuré qu'il s'en donnait l'air. Il était courageux, on ne pouvait pas lui retirer cela.

— Une fois sur la 78, on change de voiture, déclara-t-elle en reportant son regard sur la route.

Franck ne répondit pas et se contenta de sortir son smartphone pour pianoter. Saya imagina qu'il allait chercher une agence de location.

— Et on peut savoir qui vous êtes et ce que vous voulez ? grogna soudain le petit soldat.

— La question est légitime, jeune homme, répondit Saya poliment, mais ce n'est pas tellement le moment des présentations. Il y a des gens vraiment dangereux à vos trousses et on essaie de vous mettre à l'abri.

— Ne vous foutez pas de moi ! poursuivit le jeune. Vous l'avez kidnappée et vous nous avez poursuivis jusqu'ici. Vous n'êtes pas des anges. Moi aussi je peux être dangereux, je vous signale.

Saya ne put retenir un petit sourire. Ce garçon ne comptait pas se laisser faire. C'était à la fois admirable et un peu naïf.

— Écoute, boyscout, commença Franck en se tournant vers l'arrière pour regarder le soldat bien en face. Tu es peut-être dangereux, oui, mais tu es un danger pour toi aussi. Ton pouvoir est impressionnant, c'est vrai, mais si tu t'en sers ici, on va tous finir dans le décor et je doute que ce soit ton objectif, n'est-ce pas ?

Saya regardait toujours la route et n'entendit aucune réponse. Elle observa dans le reflet du rétroviseur et vit que Franck avait levé un index. Il fit apparaître une bulle d'eau d'environ un centimètre de diamètre. La sphère irrégulière flottait comme en impesanteur. Les deux passagers à l'arrière restèrent bouche bée.

— Contrairement à toi, je suis capable d'une grande précision, continua Franck, d'un calme olympien. Je peux, au choix, te noyer dans ce genre de bulle ou t'assécher façon désert de Gobi sans que qui que ce soit d'autre en soit affecté. Alors soit tu patientes un peu et ensuite, promis, on s'explique, soit...

Sans un geste supplémentaire, la bulle en sustentation explosa et éclaboussa les deux passagers. L'étudiante laissa échapper un petit cri de terreur et elle se cramponna encore plus fort au bras de son soldat.

Héritière de l'ætherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant