Héritière de l'æther

Chapitre 30🪽

Alaynah était assise à son petit bureau, dans son immense chambre. Depuis trois semaines qu'elle s'était installée là avec les trois chevaliers, Saya et quelques martyrs, sa vie avait changé du tout au tout.

Pour commencer, elle vivait désormais au cœur du désert australien, le pays de naissance d'Arken. Il n'avait pas semblé particulièrement heureux de revenir sur ce territoire, mais puisqu'il était loin de son ancienne ville, il le vivait assez bien, en fin de compte. Pour lui, contrairement à Alaynah, l'Australie était synonyme de tristesse et de violence, alors que pour elle, c'était le symbole d'une liberté retrouvée. Certes, elle n'avait que très peu d'occasions de quitter le tout nouveau complexe des martyrs, cependant, celui-ci était trois fois plus étendu que celui du Texas et elle n'avait pas encore terminé d'en faire le tour.

En cette fin d'après-midi, la nouvelle cheffe des martyrs — titre auquel elle n'imaginait pas s'habituer un jour — avait décidé de s'isoler un peu pour enfin répondre au dernier courrier de ses parents. Selon Kelly, la responsable des renseignements, il était plus prudent de communiquer par courrier postal, à l'ancienne, que par mail. Il était censément plus facile de brouiller les pistes de cette façon. Leur système était, en effet, plutôt efficace. Alaynah préparait une enveloppe à destination de ses parents, certes, mais le service de Kelly mettait cette même enveloppe dans une autre (pour un pays d'Europe qui changeait à chaque fois). Une fois à destination, les martyrs retiraient la première enveloppe, la timbraient, puis la postaient en direction de la Californie cette fois. Dans l'autre sens, les parents d'Alaynah écrivaient toujours à une boite postale de Los Angeles. Les martyrs récupéraient ensuite le courrier là-bas et le faisaient suivre par un système équivalent. Si, au début, Alaynah avait trouvé cela rébarbatif, elle prenait tout de même un grand plaisir à ouvrir son courrier pour y découvrir l'écriture manuscrite de sa mère.

Ses parents lui manquaient, bien entendu. Elle les avait revus tous les deux, juste avant son départ pour l'Australie, dans des conditions un peu particulières, puisque sous haute surveillance. Cependant, cela avait été un moment intense en émotions. Elle avait expliqué qu'Arken, Franck et Noa allaient prendre grand soin d'elle en la maintenant à l'abri des regards. Il y avait eu beaucoup de larmes, mais Noa avait promis que le couple Masterson aurait le droit de venir rendre visite à leur fille une fois celle-ci installée et la folie médiatique autour de sa disparition dissipée.

En effet, il avait été décidé de ne pas révéler au grand public que la jeune étudiante californienne avait été retrouvée. Le mystère planait toujours sur sa disparition et Alicia, sa meilleure amie, ignorait toujours ce qu'il lui était arrivé. De son côté, Alicia s'était remise de sa blessure et consultait un psychologue chaque semaine pour se remettre de ce qu'elle avait vécu. Malgré les quelques témoignages vidéo, il était désormais admis par le plus grand nombre qu'Alaynah n'avait jamais eu d'ailes dans le dos. Image dont Alicia risquait pourtant d'avoir du mal à se défaire.

À présent, presque un mois après sa disparition, les journaux et Internet commençaient à ne plus parler d'Alaynah, de ses ailes ou des différents événements liés à son enlèvement spectaculaire. C'était donc le bon moment pour ses parents de venir lui rendre visite. Bien entendu, ils devaient toujours feindre s'inquiéter pour leur fille disparue, mais rien ne leur interdisait de prendre quelques jours de repos à l'étranger. La police avait d'ailleurs indiqué, moins d'une semaine plus tôt qu'ils estimaient très faibles les chances de retrouver Alaynah vivante.

Dans leur dernier courrier, ses parents lui avaient proposé de déménager pour venir s'installer en Australie. Ils avaient bien compris que leur place n'était pas dans le QG des martyrs et envisageaient de louer un appartement dans une ville proche. Cela avait beaucoup fait rire Noa lorsqu'Alaynah lui avait soumis l'idée.