Héritière de l'æther

Chapitre 6🪽

En manœuvrant l'embarcation, Arken espéra ne pas avoir oublié les bases de navigation qu'il avait apprise, près de cinq ans plus tôt. Pour une étrange raison, la seule et unique leçon de son père sur comment démarrer ce bateau sans clé lui était restée claire comme s'il l'avait apprise la veille. Même les commandes, en vérité, il s'en souvenait très bien. La pratique du pilotage, en revanche, c'était bien plus flou, malgré des leçons plus nombreuses. Il y avait tout de même douze mètres à manipuler sans rayer les autres bateaux.

À vrai dire, il se moquait bien d'abîmer ce yacht ou un autre, mais cela attirerait immanquablement l'attention. Il fallait qu'il ait l'air à l'aise derrière son volant.

— Fais comme s'il était à toi et tout se passera très bien, se répéta-t-il à voix basse en accélérant doucement.

Le premier virage se passa sans encombre et le deuxième fut à peine moins bon. Dès lors, libéré de son espace de stationnement, la navigation fut plus aisée, il suffisait de garder une vitesse contrôlée et tout irait pour le mieux.

Arken observait en tous sens. Ils étaient poursuivis et à bord d'un bateau volé, la discrétion était la clé de la réussite de cette échappée. Une fois sortis de la baie, les choses seraient plus simples. Il pourrait prendre de la vitesse et remonter vers le nord.

Si ce n'était pas encore le cas, la police allait bientôt se lancer à sa recherche. Il était sorti courir avec deux camarades et n'était pas revenu à la base. Il ignorait d'ailleurs si Jebb et Coltrain avaient pu se sortir de cette altercation avec le gars qui assèche les gens. Il n'en avait pas après eux, manifestement, mais peut-être ne voulait-il aucun témoin. Dans ces cas-là, il les aura supprimés. Arken serait alors suspecté de meurtre en plus d'être un déserteur.

À moins de se présenter au rapport avec cette Alaynah, personne ne le croirait jamais s'il prétendait avoir été pris en chasse par un genre de super-vilain tandis qu'il tentait de protéger un ange. Un ange !

Il avait évité de lui poser trop de questions sur ce sujet. D'abord parce qu'il ignorait comment aborder le sujet, mais aussi parce qu'il avait fini par comprendre que la situation la dépassait, elle aussi. D'après ce qu'il avait compris, ce matin elle n'avait rien de différent des autres filles de leur âge et maintenant, elle était affublée de quatre ailes dans le dos. Il y en avait deux grandes, de presque un mètre cinquante chacune, qui émergeaient à peu près au niveau des omoplates. Les deux plus petites faisaient presque office de figurantes et dépassaient tout juste de chaque côté de ses hanches en prenant leur source au niveau des reins, cette fois. Lorsqu'il l'avait aidée à s'habiller, dans le hall de cet hôtel, il avait été frappé par la blancheur immaculée qui tranchait avec le rouge qui avait imbibé le pull d'Alaynah. Pourtant, même en examinant avec attention, il n'avait pas vu de blessure. C'était comme si les ailes avaient toujours été là.

— C'est n'importe quoi, dit-il en passant enfin la limite du port vers le large.

— Tu parles beaucoup tout seul, non ? intervint Alaynah, beaucoup plus près qu'il ne s'y serait attendu.

Arken se retourna brusquement et la fit sursauter. Elle n'était plus sur le canapé, mais debout juste à côté de lui, les bras le long du corps pour éviter de déplacer ses ailes par inadvertance. Après une seconde, il lui sourit.

— Beaucoup, je ne crois pas, répondit-il tranquillement. Mais des fois, oui. Ça m'aide à rester concentrer.

C'était faux. Il ne parlait tout seul que lorsqu'il était stressé, mais il ne voulait pas avouer qu'il l'était. Elle comptait sur lui pour la sortir de là, il devait donc donner l'impression de contrôler la situation. Au moins un petit peu.