Chapitre 1

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Le matin du premier jeudi de printemps, le circuit de l'Albert Park, à Melbourne, s'éveilla doucement. Les rayons du jour venaient caresser l'asphalte encore frais, tandis que le parc entourant l'endroit écoutait le bourdonnement lointain de la ville qui s'animait. Le ciel bleu promettait une journée de saison agréable, avec un soleil raisonnable. Tout était pour le mieux, dans le meilleur des mondes. En apparence.

L'Albert Park, célèbre pour son mélange de voies publiques et de portions spécialement conçues pour la course, vibrait d'une énergie anticipatrice. Les préparatifs étaient en cours ; les techniciens, ingénieurs et membres des staffs s'affairaient, vérifiant matériel et stratégies en prévision des essais libres. L'air se chargeait d'effervescence, mêlée d'une odeur d'huile de pneus neufs.

Au même moment, trois personnes cheminaient sur le bitume, entamant le track walk, le tour de circuit à pied. La première, Faby Pereira, était cette étonnante femme pilote dont la renommée précédait ses débuts en Formule 1. Elle inspectait de son regard vif la piste devant elle, absorbant chaque détail avec application.

Marchant à ses côtés, il y avait Matthew Cable, un grand type brun, au visage viril et carré, d'une quarantaine d'années. Nouvelle étoile de l'ingénierie chez Steinman Motors, il s'attachait à aider ses pilotes. Son objectif était de nouer une connexion avec la jeune arrivante, Faby, en partageant son expérience des circuits. Cela revêtait une importance particulière, car maîtriser les subtilités de l'Albert Park pourrait fournir des clés essentielles à la réussite et à la bonne intégration de sa protégée.

Et derrière eux, chaussée d'une grosse paire de lunettes et plus discrète qu'une nonne cistercienne, Rachel Crawford, belle blonde fraîchement incorporée à l'écurie en tant qu'ingénieur stagiaire, observait en silence. Elle fixait parfois, avec appétit, les formes délicieuses de sa championne préférée, mais cela se limitait à quelques regards fugaces, d'autant plus qu'une autre constatation, bien moins ludique, lui sautait aux yeux : l'interaction difficile entre Faby et Cable, ce dernier faisant pourtant de son mieux pour se montrer agréable.

– Vous savez, dit-il avec un éclair amusé dans les yeux, ils ont essayé de me mettre dans une de ces voitures une fois, mais j'ai vite compris que ma carrière de "star du volant" allait partir en vrille. J'ai pensé qu'il valait mieux laisser ça aux gens doués.

Faby l'écouta en faisant la moue, secoua négativement la tête et trancha avec autorité :

– Laissez tomber. Parlez-moi plutôt du circuit...

Cable tiqua, puis, habitué aux caractères difficiles des pilotes, se reprit :

– Ok. Regardez bien le virage 2. C'est une courbe à droite assez serrée qui suit une longue ligne droite. Il faudra freiner fermement, mais soigneusement, pour éviter le blocage des roues. Il est impératif de bien négocier l'entrée pour capitaliser sur la ligne droite qui suit.

La championne écoutait maintenant avec intérêt, visualisant le tracé optimal, absorbant chaque info qui pourrait lui procurer un avantage le moment venu.

– Je vous suggère d'adopter une trajectoire légèrement décalée à l'approche, poursuivit l'ingénieur. Cela donnera un angle plus ouvert pour l'attaque du virage et limitera le sous-virage.

Faby se tourna vers Rachel, qui restait en retrait. Elle interpella rudement la jeune assistante :

- Rachel, tu m'as bien écrit tout ça !? Je veux être sûre d'avoir toutes les infos pour mes relectures !

La blonde, tirée de sa réserve, opina et montra son carnet :

- Oui Faby, j'ai tout pris en note.

Faby acquiesça, satisfaite du professionnalisme de son amie.

Je t'aurai au tournantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant