Chapitre 8

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À Barcelone, le troisième Grand Prix de la saison débutait d'une drôle de façon au sein de l'écurie Steinman... Dans le stand, l'ambiance était électrique. Les membres de l'équipe se tenaient là, rassemblés, leurs visages reflétant un mélange d'anxiété et de curiosité. Depuis le petit matin, la nouvelle d'une communication importante de Peter Werner à midi avait fait monter la tension. Elle s'était doublée d'une rumeur de remaniement ou de changement, et maintenant que le grand moment arrivait, un silence pesant s'était abattu.

Les regards se croisaient, s'évitaient ou se fixaient intensément. Mécanos et ingénieurs, des vétérans aux nouveaux venus, tous spéculaient sur la nature de l'annonce et ses retombées, chacun étudiant l'autre dans l'espoir de déceler un indice qui pourrait révéler l'inconnu.

Tout le monde s'exprimait à sa manière. Certains employés grimaçaient ou faisaient de petits gestes impatients, signes de la nervosité qui les habitait. À l'inverse, d'autres souriaient sereinement, plein d'espérances sur l'avenir.

Mais les personnes présentes observaient surtout les deux stars de l'écurie : Faby Pereira et Stuart Gaguette, aux attitudes bien différentes.

L'américain, premier pilote du team, se tenait stoïque, mais l'air qu'il dégageait, habituellement relax ou farceur, s'avérait crispé. Il étudiait les visages autour de lui et fixa particulièrement Cable, l'autre leader menacé. Celui-ci gardait le menton haut et la posture droite. Leur échange de regards était chargé d'émotion.

Quant à Faby, elle s'appuyait négligemment à un coin de mur. Sa confiance frisait l'arrogance, elle toisait les âmes innocentes avec appétit, tel le chat lorgnant sur un rassemblement de souris. Elle dévisagea un moment Rachel, sa fière complice, qui lui fit un clin d'œil, puis elle détourna les yeux vers Werner qui venait de les rejoindre.

Bonjour à tous, dit-il dans un silence de cathédrale. Enfin, bonjour à ceux que je n'ai pas encore croisés. Je sais que les rumeurs vont bon train. Je vais donc aller droit au but. Nous formons un groupe soudé et talentueux, et chaque personne ici présente contribue à notre actuel réussite. Néanmoins, comme vous le savez, la victoire repose souvent sur des arbitrages difficiles.

Il marqua une légère pause, fixant brièvement ses deux pilotes, et reprit :

– Après avoir analysé les résultats et la dynamique de l'équipe, nous avons pris une décision importante. À partir de maintenant, Faby Pereira, qui domine le championnat, sera notre pilote numéro un pour la saison en cours.

Alors qu'un murmure de surprise bruissait à travers le groupe, Faby adressa à Gaguette un sourire carnassier, un féroce et silencieux triomphe s'étirant jusqu'au coin de ses lèvres pulpeuses. Pendant un instant, l'Américain se décomposa en plusieurs morceaux, il avait la mine d'un petit enfant perdu sur la place du marché et son désarroi ne fit qu'augmenter la jouissance de sa rivale.

– Cette officialisation, conclut Werner, a été décidée parce qu'elle est dans l'intérêt de l'entreprise, l'objectif étant de gagner à la fois le championnat des constructeurs et celui des pilotes. Par conséquent, nous attendons de vous tous des performances à la mesure de ce challenge. Soyons solidaires, fonceurs, combattifs et vous verrez, nous y parviendrons ! Allez, maintenant, reprenons le boulot ! Merci de votre attention !

Le discours se terminait ainsi. Gaguette, submergé par un torrent d'émotions conflictuelles, laissa éclater sa colère. D'un coup de pied rageur, il envoya bouler un seau de nettoyage, arrosant l'atelier d'eau savonneuse.

– " Dans l'intérêt de l'entreprise", mon cul ! hurla-t-il, la voix emplie d'amertume.

Alors, cherchant refuge loin d'un monde qui l'avait déjà jugé et condamné, il s'engouffra, l'orgueil froissé, vers la salle de repos du stand.

Je t'aurai au tournantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant