Chapitre 25

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Jeudi 2 septembre

Trois jours avant le drame

L'aube jetait ses premières lueurs flamboyantes sur le circuit de Spa-Francorchamps. Alors que le monde commençait à peine à s'éveiller, un petit groupe de silhouettes élancées se glissait à travers les stands. Faby, aussi concentrée que la veille d'une bataille, émergea, prête pour le track walk traditionnel.

À ses côtés, Matthew Cable, l'ingénieur de la stratégie, dont le regard trahissait une nuit de réflexion et de planification, tenait des tablettes chargées de données et d'analyses graphiques. Quant à Rachel qui suivait sobrement le duo, elle afficha un sourire confiant en fixant furtivement les fesses de Faby, cachant à peine le désir qui l'animait au-delà de leur relation professionnelle.

Ils marchaient en silence, absorbant l'atmosphère unique du circuit qui avait vu tant de victoires et de tragédies. Les arbres projetaient leur ombre sur l'asphalte, promettant des pièges de lumière changeante pour le pilote non averti. Et puis, ils abordèrent la portion du circuit qui hantait les rêves des pilotes du monde entier : le Raidillon de l'Eau Rouge.

Cable se planta devant cette montée mythique, une onde de nervosité passant comme une vague parmi l'équipe. Il se tourna vers Faby, ses yeux détaillant les courbes prononcées de l'asphalte comme s'il les gravait dans sa mémoire.

– Ici, dit-il, le danger est un peu trop visible. Il ne te faut pas seulement du courage, il te faut aussi de la confiance. Confiance dans ta voiture, confiance dans tes réflexes, et confiance dans les données que nous avons recueillies.

Il s'avança, faisant un geste vers le tournant abrupt.

– La compression en bas de l'Eau Rouge, juste avant l'ascension, peut te désarçonner. Il faut entrer avec une vitesse optimale, mais aussi veiller à garder le contrôle.

Rachel observait, analysant chaque mot, chaque geste de Cable, absorbant le savoir comme une ombre absorbe la lumière. Faby, elle, scrutait intensément le tournant, son esprit déjà en train d'exécuter la chorégraphie parfaite entre l'accélérateur, le volant et la piste.

– Pour la trajectoire, continua-t-il, tu veux viser à gauche, presque puiser dans les bordures, et au moment où la pente s'incline amène ta voiture vers la droite. L'aéro et la force gravitationnelle vont travailler ensemble pour te projeter sur le sommet. Bien sûr, il faudra rester vigilant.

– J'ai dû le faire un million de fois au simulateur.

– C'est bien, mais là, c'est pour de vrai.

Faby hocha la tête, l'œil brillant de sa volonté de compétitrice. Le raidillon faisait partie du jeu, elle le dévorerait, comme le reste.

**

Vendredi 3 septembre

Deux jours avant le drame

Vers 21 heures, alors que le circuit et les gens de course se reposaient enfin, Faby sommeillait à moitié dans son lit d'hôtel. C'était son moment de répit, loin du tumulte, seule avec ses pensées, ses espoirs, sa haine et ses cauchemars.

C'est à ce moment-là qu'une sonnerie taillada le silence, lui arrachant un sursaut. Son portable. Elle fronça les sourcils et redressa la tête pour regarder. L'affichage indiquait un numéro masqué. La prudence lui criait de laisser sonner, d'ignorer l'appel d'un inconnu qui cherchait à s'immiscer dans son sanctuaire nocturne. Mais la curiosité l'emporta.

– Allo ?

– Faby Pereira ? demanda une voix d'homme, grave et malicieuse.

– Qui est-ce ?

– Je crois savoir que vous désirez mettre la main sur un certain livre.

Le temps resta suspendu quelques instants, chaque interlocuteur défiant insidieusement l'autre de continuer à parler. Finalement, c'est Faby qui rompit le silence :

– Et alors ?

– Je vais vous dire ce qu'il faut faire : Il faut que vous arrêtiez tout de suite ! Mais vraiment, tout de suite !

– Expliquez-moi pourquoi...

– Eh bien... La chose que vous recherchez porte malheur, j'en ai peur.

– La personne que vous menacez porte aussi malheur, j'en ai peur.

– Ne faites pas la fière, je dis ça pour votre bien, Faby Pereira !

- C'est tout ?

– Que nenni ! Examinez donc vos enveloppes du jour. Celles transmises par la réception de l'hôtel. Au milieu des lettres de vos admirateurs, il y a mon paquet à bulles. Il est facile à distinguer : il est rouge et au format A5. Ouvrez-le et voyez ce qui se cache à l'intérieur. Vous y trouverez une bonne raison d'arrêter vos recherches. Un petit cadeau.

– Ne quittez pas, je vais voir. En attendant, je branche le haut-parleur.

Faby se leva et s'approcha du petit buffet où étaient rassemblées les lettres et paquets. Effectivement, l'enveloppe rouge était là. Elle faillit s'en saisir, puis se ravisa, envisageant qu'elle soit piégée. Quelques précautions s'imposaient.

– Je vous demande quelques instants, dit-elle dans l'appareil.

Elle réfléchit et se mit à regarder autour d'elle. Il lui fallait se protéger. Précisément, dans sa 3e valise, se trouvait son équipement de motarde. Elle l'ouvrit et en retira la veste, le casque et les gants qu'elle enfila dans la foulée. Puis, elle prit le coupe-papier déposé à proximité du courrier, déchira lentement la tranche de l'enveloppe rouge et glissa un œil (casqué) à l'intérieur du contenant. Non, il n'y avait ni produit toxique, ni bombe, ni lettre de menace. Juste... une balle de 9 mm !

Elle retira son casque et reprit la communication :

– J'ai vu, charmante attention, dit-elle. Très subtil.

– N'est-ce pas ? Un petit cadeau : la balle qui aurait pu vous tuer. Mais j'en ai plein d'autres pour vous. Croyez bien que les prochaines, je ne vous les enverrai pas par enveloppe bulle. Du moins, si j'apprends que vous continuez à nous défier.

– C'est qui "nous" ?

– Des personnes... Le monde est dangereux, vous le savez bien. Pourquoi prendre des risques inutiles quand on est au sommet ? Je vous le dis : Renoncez, Faby Pereira, renoncez. Sinon votre carrière de championne sera aussi courte que belle.

Il raccrocha. Elle retourna au petit buffet et regarda la balle avec attention. Elle y vit un petit symbole gravé dessus : un X.

Oui, la balle était signée X !

Je t'aurai au tournantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant