Chapitre 17

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Silverstone, huitième Grand Prix de la saison, s'annonçait sous de sombres auspices. Dans le paddock, des exemplaires fraîchement imprimés de l'édition européenne du magazine « She Talks » passaient de main en main, attisant les ressentiments de certains pilotes envers Faby Pereira. Sa progression fulgurante, couplée à l'affichage d'une assurance qui frôlait l'arrogance, était déjà sujet à discussion. Mais voilà que son nom se trouvait associé à un périodique féministe vilipendant ouvertement ses pairs... Alors que la "Q1", première étape des qualifications, se préparait à débuter sous une pluie fine, c'était bien plus que la météo qui inquiétait la jeune championne ; elle n'était pas sourde aux murmures de complot. En enfilant son casque, elle sentit l'hostilité ambiante prête à se déverser sur elle.

Cable s'approcha alors, les traits tirés par l'urgence de la situation.

– Faby, on a une décision à prendre, commença-t-il. La pluie va s'arrêter, et, compte tenu de la brise, la piste devrait s'assécher super vite. Par conséquent, on risque fort de chausser les pneus slicks en fin de séance.

- OK, et alors ?

- Ben, c'est un pari dangereux, mais... si on garde la voiture au stand et qu'on attend l'éclaircie... la piste sera plus rapide, tu auras les conditions idéales pour réaliser ton tour lancé ! On prend ce risque ou on roule toute la séance en démarrant avec les pneus intermédiaires ?

– Si on fait ça, répondit-elle, on va bouffer inutilement deux trains de pneus : les intermédiaires et les slicks.

– Exact.

– Alors qu'on sait qu'on finira en slicks !

– Disons que c'est probable, rien n'est jamais sûr.

Faby pesa ses mots sans détacher son regard des cieux assombris :

– J'ai gagné trois courses de suite, Matthew ! Je ne joue pas petit bras et ça ne va pas commencer maintenant... Oui, je compte finir première, et à chaque étape, y compris en Q1 ! Quand la piste sera sèche, je veux être celle qui en profitera le mieux. Donc, je reste au stand, prête avec les slicks, et tu me feras signe au moment idéal.

Un acquiescement, précis et sans faille, fut tout ce qu'elle obtint en retour avant de se concentrer, fermement résolue à dompter à la fois la météo et la rumeur.

À quatre minutes de la fin de la séance, le feu vert lui fut enfin donné pour s'élancer sur la piste qui, effectivement, dévoilait des portions de bitume qui s'asséchaient sous les rayons évanescents. Les pneus slicks peinaient à trouver leur optimum thermique, mais Faby, toujours pleine d'aplomb et d'audace, injecta du rythme dans son tour de sortie.

Elle s'engageait maintenant dans son tour rapide, le moteur hurlant sa mélodie de conquête, quand soudain :

– J'ai la Merdasse conduite par Mollusque qui est à 100 m devant moi, dit-elle au micro (elle devait parler de la Spectrum de Lawson, c'est du moins ce que Rachel crut comprendre). Elle va me gêner si je ne la double pas de suite.

– Mange-la, lui répondit Rachel. C'est de la gaufrette.

La Spectrum était le type même de la monoplace de fin de grille, habituée à laisser passer les leaders pour ne pas les retarder. La pilote Steinman, confiante, affûta sa trajectoire pour une attaque immédiate. Cependant, alors qu'elle se lançait, Lawson bloqua virilement l'accès, comme pris d'une étonnante ferveur défensive.

– L'enfoiré ! s'exclama Faby en évitant le choc de justesse.

Furieuse, elle relança sa puissante monoplace, revenant rapidement sur sa proie, mais Lawson, tel un rempart mouvant, persistait dans son entêtement, son véhicule dansant dangereusement en tous sens.

Je t'aurai au tournantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant