Chapitre 18

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Le jour avait posé ses toutes premières lueurs sur le port de plaisance de Nassau, baignant doucement les yachts et voiliers amarrés dans une lumière dorée. L'aube pointait timidement son nez, faisant fondre les dernières traînées de la nuit étoilée. Le ciel, d'un bleu pâle encore teinté de rose et d'orange, promettait une belle journée pour ceux qui prendraient le large.

La tranquillité matinale enveloppait les lieux, où seuls les clapotis de l'eau et le cri lointain des mouettes rompaient le silence. Les brises de l'aube faisaient ondoyer les haubans, composant une mélodie douce-amère, comme si la mer elle-même chuchotait ses secrets aux vaisseaux endormis.

Sur le pont d'un magnifique voilier à la coque de jais, un jeune homme blond, dont la musculature sculptée aurait pu figurer sur un piédestal athénien, maniait l'éponge avec une vigueur fort contestataire. Gregor Bulgakov, mannequin de profession, mais matelot temporaire par contrat, par nécessité et par amour, faisait luire le pont du bateau, à la tâche avant même que les premiers rayons du soleil ne viennent caresser le bois verni.

Le jeune homme avait pourtant tenté d'accompagner Faby à son jogging. Quand il avait vu la belle championne sortir de la cabine en running, tee-shirt et short court, il avait clairement exprimé son vœu : "Gregor courir avec Faby ! Gregor aimer sport !" manquant presque d'ajouter : « Gregor aimer short Faby ». Mais sa revendication fut vite éteinte par la rude capitaine : "Gregor nettoyer pont, vrai sport !" avait-elle répondu, une lueur de défi pétillant dans ses yeux sombres.

Le garçon, malgré ses velléités, ne pouvait que s'exécuter. C'était comme ça, c'était toujours comme ça... Obéir à la chef... Il souffla bruyamment, poussant l'eau savonneuse d'un bord à l'autre, ses longs cheveux blonds attachés en un chignon désinvolte.

Le soleil encore doux ne chauffait la peau que modérément, et dans la douceur de cette heure matinale, Faby prenait d'assaut les quais désertés. Ses foulées étaient rythmées, aériennes et félines, même dans sa course athlétique. Les habitations somptueuses qui défilaient sur sa droite étaient encore endormies.

Et, tout à coup, faisant écho à ses pas, une autre cadence s'affirmait, les battements sur le sol de quelqu'un d'autre, à une distance guère lointaine. Elle ralentit et se tourna amusée, convaincue d'être suivie par un nouvel amoureux. Et là, ce fut la surprise, une sacrée surprise...

– Hermann ! s'exclama-t-elle, stupéfaite.

Elle en fut si retournée qu'elle en oublia de regarder où elle posait les pieds et qu'elle en perdit l'équilibre. Mais le petit-fils Steinman, rapide et déterminé, sut la rattraper pour lui éviter la chute.

– Attention, dit-il en la saisissant dans ses bras puissants.

– Mon sauveur ! s'écria-t-elle en entrouvrant une bouche pleine de promesse.

Hermann faillit presque l'embrasser, mais il sut se retenir, jugeant plus courtois et plus digne d'échanger d'abord les amabilités des retrouvailles.

– Je suis ravi de te revoir, dit-il en la relâchant.

– Et moi donc !

– Un sacré hasard !

– Oui, il y a des garçons qui savent jouer avec le hasard. Comment savais-tu que j'étais là ?

– J'avoue tout, commissaire ! s'exclama-t-il. Je me suis renseigné auprès de certaines personnes. J'ai ainsi appris que, pour le summer break; tu allais aux Bahamas, à Nassau, et que tu dormais dans ton voilier.

– Quel bel effort de volonté, je suis très touchée.

– Pour te voir Faby, que ne ferait-on pas ?

Je t'aurai au tournantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant