Chapitre 21

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Quinze minutes plus tard, la moto de Faby s'arrêta devant le grand immeuble de la "Bayerischer Rundfunk", la grande chaine de télévision régionale.

La jeune femme commençait à expliquer à un homme chargé de l'accueil qu'elle voulait discuter avec Jürgen Frelow et que c'était urgent. Ça ne semblait pas facile d'obtenir son aide, mais tout s'arrangea lorsqu'elle vit sortir d'un ascenseur tout proche le vénérable présentateur aux allures de clergyman.

– M. Frelow ! l'interpella-t-elle.

– Oui madame, dit-il en s'approchant.

– Je souhaiterais vous parler.

– C'est qu'il est un peu tard. Mais... Je vous reconnais, vous êtes Faby Pereira !

– Absolument. C'est bien moi ! répondit-elle tout sourire.

– Tiens donc ! Vous, la grande championne, vous me cherchez ? Moi, l'austère petit présentateur régional !

– Nous n'allons pas forcément nous marier. Que diriez-vous de boire un verre avec moi ?

– Je ne refuse jamais les invitations !

**

La taverne bavaroise dans laquelle ils s'étaient installés débordait d'une chaleur accueillante, accentuée par la lumière tamisée des lampes suspendues. La douce résonance de la salle boisée atténuait les discussions animées de joyeux clients qui sirotaient leur bière mousseuse au rythme de la musique folklorique. Les murs étaient ornés de tableaux et objets illustrant le passé local, tandis que l'arôme des saucisses grillées et de la choucroute flottait depuis la cuisine ouverte, promesse d'un festin rustique. C'était l'endroit idéal pour une rencontre décontractée, un cadre où même les âmes méfiantes pouvaient se détendre et se laisser aller aux confidences.

– Je ne sais pas pourquoi vous vouliez me voir, dit Frelow quand ils trouvèrent place à une table, mais ça tombe très bien, car je rêvais de vous interviewer à mon émission.

– Ça peut s'arranger aisément, si vous m'aidez.

– Je vous écoute. Que voulez-vous de moi ?

Faby souffla un instant. Les mots... Les mots étaient importants. Peut-être même, devaient-ils être teintés d'un maximum de sincérité.

– Vous n'allez peut-être pas comprendre ma démarche. Pourtant je crois que, vous et moi, nous avons des comptes à régler avec le passé. Vous voyez, j'ai vu votre film, celui que vous aviez réalisé il y a 40 ans : "Steinman : Les ateliers du diable".

Frelow en resta pétrifié. Ses yeux fixaient Faby avec ahurissement.

– Mon Dieu, finit-il par lacher, mais comment avez-vous fait pour le voir ? Il n'a jamais été diffusé et toutes les copies ont été détruites !

– Il en reste apparemment. Je vais être honnête avec vous. Je furetais pour en savoir plus sur ma boite. J'avais de bonnes raisons, de très bonnes raisons, de m'interresser à son histoire.

– Hum... Et quelles sont ces raisons ?

Visiblement, l'homme se méfiait et Faby le regarda au fond des yeux.

- J'ai des raisons très personnelles. Elles concernent ma famille et ma propre destinée. Je... (une larme commença à lui couler sur la joue) Je dois savoir. J'enquête... Voyez-vous, je viens de voir la veuve Jaeger. Edna Jaeger, la femme de Max. Vous vous souvenez de Max, n'est-ce pas ? Max, votre assistant !

De nouveau, il se montra très surpris :

– Bien sûr que je me souviens ! Excusez-moi, mais je suis un peu ahuri de discuter de ça avec vous. C'est invraisemblable : On ne se connait pas et vous savez tant de choses sur ma vie !

Je t'aurai au tournantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant