Chapitre 7

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Le choc fut fracassant, assourdissant. Des crépitements terribles, dignes d'un feu d'artifice, mais bien moins innocents. La vitre avant explosa et un maelstrom de débris de verre se déversa dans la voiture. Réactive, la gamine se jeta sur l'assise de la banquette arrière. Papy, lui, n'avait pas bougé. Il s'était pris au visage toutes les lames de l'enfer.

La petite fille était incrédule, c'était impossible que ce soit réel. Son grand-père, si vigoureux quelques instants plus tôt, était en train d'agoniser. Il essayait néanmoins de parler. Ses mots et ses yeux cherchaient à la trouver, ses lèvres tremblaient en murmurant des paroles inaudibles. Elle restait pétrifiée, incapable de se mouvoir. Puis, poussée par une force invisible, elle se hissa jusqu'à lui et elle l'écouta. C'était le nom de quelqu'un qu'il répétait sans fin. Tout cela était affreux et n'avait aucun sens.

Mais sa conscience la rattrapa. Les parents... Son regard se tourna vers l'avant du véhicule. Une sensation insupportable se glissa dans son estomac, alors qu'elle découvrait le corps sans vie de son père, affalé sur le volant. La stupeur et la peur, mêlées à une douleur viscérale, la clouaient de nouveau sur place. Elle voulait crier, mais aucun son ne sortait.

Puis, prise d'un terrible pressentiment, elle commença à tourner la tête, très lentement, vers le siège du passager avant, celui de sa mère.

Non, pas elle, pas elle, pas elle. Il ne fallait pas, surtout pas... Et elle eut la réponse à la plus noire des questions : une vision atroce, abominable, aberrante qui brisa son âme à tout jamais. Son hurlement, jaillissant du tréfonds de son être, était porteur de folie pure, mais aussi de colère démesurée.

**

Le vacarme perça la quiétude de la nuit, éjectant Gregor de ses rêves les plus doux. Les muscles tendus, il s'extrayait promptement des couvertures. Ce cri le terrifiait, un écho déchirant et infernal qui ne pouvait provenir que du royaume des ténèbres.

Sans réfléchir, le garçon fila vers la chambre voisine pour secourir sa maîtresse, manquant presque de trébucher dans l'obscurité. Sur le pas de la porte, il appuya sur l'interrupteur de la lumière et découvrit Faby, effondrée sur son lit, trempée de sueur et secouée par des sanglots incontrôlables. Son visage, d'ordinaire si parfait, était déformé par la douleur. Elle semblait à la fois vulnérable et perdue, une vision qui le bouleversa.

Il s'approcha rapidement, sa grande main se posant délicatement sur l'épaule de la malheureuse, d'abord pour la rassurer, puis pour l'aider à se redresser.

– Allons ! Gregor être là ! Faby bien aller, mauvais rêve ! affirma-t-il d'une voix optimiste qui essayait vainement de masquer son propre trouble.

Elle leva les yeux sur lui, sa respiration restant hachée et saccadée. Sans un mot, le géant l'enveloppa délicatement dans ses bras puissants, espérant que sa présence protectrice puisse apaiser ses tourments. Il la berça doucement, murmurant des paroles réconfortantes, tandis qu'elle luttait pour refaire surface.

– Faby championne ! Faby championne ! répéta-t-il avec une chaleur et une bonté hallucinante.

Mais Faby était d'une trempe unique : elle émergeait déjà. Pendant quelques instants, il n'y eut que le silence, celui-ci étant peuplé de respirations entrecoupées et de battements de cœur tambourinant.

Elle se détacha légèrement. Ses yeux étaient rougis et mouillés. Un éclat de surprise traversait son regard alors qu'elle réalisait la compassion du jeune homme.

– Tu... tu es trop mignon, Gregor. Je ne te mérite pas, dit-elle, la voix brisée. Tu es un type bien, tandis que moi...

Son visage exprima du désarroi et de la tristesse :

– Je suis mauvaise, corrompue par la vie.

Il secoua négativement la tête avec vigueur.

– Non ! Gregor connaître Faby. Toi être forte, grande championne ! Pas mauvaise !

Il essuya du doigt une nouvelle larme qui coulait sur la joue de sa maîtresse et ajouta :

– Gregor fier d'être avec Faby. Toujours.

Le regard de la fille se fit plus intense, hanté par des souvenirs qu'elle n'était pas encore prête à partager entièrement.

– Tu ne peux pas comprendre. Ce cauchemar, c'est mon passé, c'est ce qui m'a façonnée, transformée en venin. Je suis marquée par la rage, la haine, la volonté d'écraser. Je ne suis pas humaine.

Il la contempla avec une bienveillance naïve, mais sincère.

– Gregor pas d'accord. Pas d'accord !

Un tremblement secoua Faby, alors que les mots de son brave compagnon s'imprégnaient en elle. Pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait vraiment soutenue, même si elle ne pensait pas être digne d'une telle affection.

– Je ne sais pas comment tu fais pour m'apprécier, mais sache que tes paroles me touchent, dit-elle, plus apaisée.

Il sourit, une lueur d'innocence dans les yeux.

– Gregor connaître vraie Faby. Forte et bonne !

Une vague d'émotion la submergea. Tant de simplicité et de gentillesse ! C'était comme une bouffée d'air frais, un baume appliqué à ses blessures de l'âme. Doucement, elle posa sa tête contre son épaule, ses larmes se tarissant peu à peu.

– Merci, Gregor, souffla-t-elle, épuisée, mais détendue. Et pardon pour hier, pardon pour aujourd'hui, pardon pour demain... Tu peux rester, tu sais. Mais je suis toujours aussi venimeuse. Plus venimeuse qu'un cobra.

Ils se tirent enlacés dans le silence nocturne, trouvant dans la présence de l'autre un semblant de paix au milieu du chaos.

Je t'aurai au tournantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant