Chapitre 12

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Au Nürburgring, pour le quatrième Grand Prix de la saison, les dirigeants de Steinman marquaient leur territoire. Karl-Erik Steinman, numéro deux de l'entreprise et Markus Brandauer, numéro trois, étaient accompagnés d'Hermann Steinman, le numéro... zéro (juste présent pour faire le nombre ou pour apprendre à être aussi retors que ses mentors).

Les trois princes de l'industrie automobile germanique parcouraient les travées du circuit la tête haute, convaincus que la victoire en terre allemande leur était promise de droit divin. Quel sentiment réconfortant après toutes ces années de disette ! Et quel retournement de situation face à leur rival historique Benzler-Cedex ! Ils retrouvaient enfin la dignité des glorieux conquérants teutoniques, portés qu'ils étaient par les récents succès sportifs et surtout par le discours extraordinairement vivifiant de Faby lors de la fête annuelle de l'entreprise.

Cependant, le séduisant Hermann avait un peu l'esprit ailleurs. Il était toujours envoûté par la belle championne qu'il avait croisée trop brièvement à la soirée. Désireux de se rattraper, il ne pouvait s'empêcher de traîner au stand et de suivre chacun de ses mouvements : Faby qui discute avec un ingénieur, Faby qui marche dans les stands, Faby qui conduit son bolide, Faby qui boit un jus d'orange, Faby qui se gratte la nuque... Il admirait tout d'elle : son charme, son aisance, sa confiance, sa concentration et sa détermination sans faille.

Pour lui, elle personnifiait la perfection, et il se sentait irrémédiablement aspiré par cette aura exceptionnelle de facilité, de puissance et de réussite qui l'entourait.

Il était grand temps de la revoir et de lui parler. Surtout qu'en l'absence de sa fiancée Christine, il disposait d'une rare fenêtre d'opportunité. Après tout, il était un homme, et Faby, une femme... Une connexion était envisageable.

**

Sans détour, il la regardait. Elle, Faby, la femme pilote, qui, bénéficiant d'une brève pause, se désaltérait et examinait des données sur un tableau de bord électronique. Un élan de confiance le poussa à la rejoindre et il lança la conversation en décochant son plus beau sourire :

– Je suis content de vous revoir, Faby, et toujours autant impressionné par votre succès.

– Merci Hermann ! répondit-elle, ravie.

– Vous savez, j'ai eu une idée.

– Dites-moi !

– Eh bien, votre esprit de compétition et votre désir de victoire correspondent tellement à ce que la Fondation Steinman recherche pour inspirer la jeunesse... Vous pourriez être notre nouvelle ambassadrice.

– Que ne ferais-je pour notre jeunesse ! s'exclama-t-elle avec enthousiasme. Je serais si fière de vous aider pour cette noble cause !

– Et si nous nous retrouvions ce soir, à mon hôtel ? Nous pourrions y dîner et discuter des besoins de la fondation.

– Cela peut s'arranger. Aisément.

– Nous parlerions de votre futur rôle... Il s'agit d'aider des dizaines de milliers de jeunes à travers le monde.

Le rendez-vous fut pris dans la foulée et Hermann se retira, transporté de bonheur. Voyant le garçon disparaître des stands, elle ne put réprimer un sourire en pensant à la partie d'échecs qu'elle menait de main de maître contre l'empire Steinman... Elle fixait la stratégie, posait ses pièces, montait son attaque, et son adversaire ne savait même pas que le roi était en danger, à quelques coups seulement du mat !

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La suite luxueuse qu'occupait Hermann Steinman était à la fois sophistiquée et cosy. Le jeune homme avait en outre obtenu de l'hôtelier quelques aménagements de circonstance : lumière tamisée, musique douce, table dressée, grands vins, mets fins... Tout avait été orchestré pour séduire la visiteuse !

Je t'aurai au tournantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant