19. Provocation

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Andreï :

Laura vient de me livrer tout ce qu'elle a pu obtenir sur Edoardo. Des informations précieuses, peut-être même décisives. Et pourtant, c'est un détail bien plus personnel qui me frappe : il ne s'agit pas simplement d'une rivalité ou d'une absence d'alliance avec Aslan. Non. Il y a autre chose. Quelque chose de plus profond. Une trahison, peut-être, ou un conflit ancien qu'ils ont tout fait pour cacher. Mais il s'est passé quelque chose. Et maintenant, je dois savoir quoi.

Et puis, malgré moi, mes pensées dévient vers Sheyla.

Où est-elle ? Pourquoi cette disparition soudaine ? Elle fuit, elle m'échappe, et cette sensation de ne pas savoir, de ne pas contrôler, me ronge. Je sens qu'elle veut me provoquer. Me tester. Me punir, peut-être. Je crois comprendre pourquoi. Cette histoire de femme... Elle ne l'a pas supportée. Jalouse ? Oui. Elle est furieuse à l'idée qu'une autre puisse entrer dans ma vie, dans notre histoire. Et, je dois l'admettre, cette colère qu'elle refoule à peine... m'excite. Elle veut que je ressente ce qu'elle a ressenti cette nuit-là, quand elle m'a surpris avec une autre. Depuis, je n'ai plus jamais trahi sa confiance. Pas une seule fois. Et pourtant, elle agit comme si je l'avais fait hier.

Je reprends mes esprits.

— Oui.

Elle me sourit, plantée devant mon bureau. Puis elle se lève, fait lentement le tour, s'approche, et se place derrière moi.

— Que dirais-tu qu'on s'éclate un peu maintenant que je t'ai aidé ? Tu me dois bien ça, non ?

Ses mains glissent sur mon torse, descendent avec une familiarité que je n'ai pas sollicitée. Je les saisis fermement et les repousse.

— Tu peux partir. On en a fini.

Je ne la regarde même pas. Je sens sa frustration derrière moi, comme une vague prête à éclater.

— Depuis que tu t'es marié, t'es plus le même. T'es devenu chiant. Ennuyant à mourir. Mais j'espère au moins que les infos que je t'ai filées t'aideront. Tu pourrais au moins me remercier...

Elle attrape ses affaires et claque la porte en sortant.

Je reste là, figé, le regard rivé sur un point invisible du mur d'en face. Le silence qui suit est lourd, comme une chape de plomb. Je me lève lentement et me dirige vers la fenêtre. La ville est calme, trop calme. Tout est en train de se fissurer, et je suis censé maintenir l'équilibre. Mais là, je sens que le sol se dérobe.

Edoardo. Aslan. Sheyla.

Trois noms, trois poids, trois fronts ouverts en même temps. Et moi, seul au centre du chaos.

Je pense à Sheyla, encore. À cette jalousie qu'elle n'a pas su cacher. Est-ce qu'elle veut que je la cherche ? Est-ce une façon de me faire payer mes fautes ? Ou bien est-ce qu'elle est sincèrement blessée, perdue ? Je n'en sais rien. Et le fait de ne pas savoir me rend fou. Elle m'a toujours été insaisissable, mais cette fois, elle est totalement hors de portée. Et je déteste ça. Je déteste ne pas avoir la main.

Je passe une main dans mes cheveux, la mâchoire serrée.

Je dois me recentrer. Revenir à ce qui compte maintenant.

Edoardo.

Il a ruiné ma boîte. Il a mis en danger mes hommes. Il m'a presque tout pris, et ce n'est pas fini : il a mis la vie de Micha en péril. Ça, je ne lui pardonnerai jamais. Il me doit une dette colossale, et je compte bien la lui faire payer. Jusqu'au dernier centime. Jusqu'à la dernière goutte de sang.

Mais surtout... ce que j'ai appris aujourd'hui, c'est lui. C'est lui qui a élaboré le plan du kidnapping. Cette infamie... Il faut que je mette la main sur une preuve. Quelque chose qui puisse le faire tomber pour de bon.

PIERCE THE VEILOù les histoires vivent. Découvrez maintenant