♕ Cʜᴀᴘɪᴛʀᴇ 4

33 2 0
                                    

Syana


D'un coup, mes paupières s'ouvrent brusquement, libérant mes yeux qui étaient auparavant clos. Chaque détail de la pièce que je scrute attentivement me fait réaliser que je ne suis pas chez moi.

Prise de panique, je bondis hors de ce lit à baldaquin pour me retrouver debout dans cette immense chambre. À cet instant précis, des fragments de souvenirs remontent à la surface. Tout ce dont je me souviens, c'est que j'étais avec Monsieur Akerman et qu'une pointe s'est enfoncée dans mon cou, puis le néant.

Il n'y avait que lui et moi, je suis certaine que c'est lui qui est à l'origine de tout cela. S'il pense que je suis sa possession, il se trompe lourdement. Moi, Syana Lockwood, je te garantis que tu paieras pour cet affront, d'une manière ou d'une autre.

Un instant plus tard, la porte s'ouvre sur lui, vêtu d'un costume sombre qui met en valeur sa musculature imposante, le rendant encore plus séduisant. Ses yeux bleutés me scrutent avec malice et fascination, ce qui me trouble brièvement. Mais je reprends rapidement mes esprits et m'avance vers cet homme qui, à mon sens, est d'une arrogance démesurée.

Dans un élan de colère, je lui administre une gifle violente tout en hurlant d'une voix tonitruante :

- Comment as-tu osé me droguer pour me kidnapper et me ramener de force chez toi, sale enfoiré ? Tu t'es pris pour qui, pour penser que j'étais ta chienne !

- Calme-toi, femme, je ne suis pas ton ami, rétorque-t-il en me pointant du doigt, ses yeux hypnotisants brillant d'une lueur meurtrière comparable à des saphirs.

- Pourquoi devrais-je t'écouter ? Hein ? Tu es complètement malade, tu m'injectes une substance étrange dans le corps et tu t'attends à ce que je reste calme. Tu te fous de moi ou quoi ?

- Ne me fais pas répéter mon ordre, Syana. Quand je te dis de te taire, tu te tais, c'est clair ?

Il pousse un cri vibrant tout en me conviant à prendre place sur une chaise, à proximité d'un meuble élégant.

Son effluve enivrante et musquée chatouille mes narines, me faisant perdre la partie. À contrecœur, je m'installe sur le siège, sentant le rouge me monter aux joues. Mais rapidement, je reprends mon sérieux et lui réplique avec détermination.

- Tu te prends pour qui, en fait ? Tu as vraiment cru que j'étais ton objet. Dommage pour toi, je ne suis pas une fille facilement manipulable comme tes précédentes conquêtes. Oh, tu dois regretter de ne pas avoir obtenu ce que tu voulais vraiment.

- Tais-toi ! hurle-t-il en me giflant si violemment que je vacille légèrement sur ma chaise.

Une flopée de larmes dévale mes joues, me sentant humiliée par cet homme que je connais à peine. Un individu que mes parents n'ont pas hésité à me céder en échange d'une somme d'argent conséquente. Bien sûr, je précise que, à la base, c'était Soline qui était censée être son épouse, dans le cadre d'un contrat dont seuls eux connaissent les tenants et les aboutissants.

Tel une cygnesse au plumage sombre, je suis trahie par les miens et bannie pour ma singularité. En réalité, j'ai toujours été solitaire et cela ne changera pas, que je sois l'épouse de cet arrogant ou d'un autre. C'est avec une résignation profonde que je me dirige vers le lit à baldaquin, où les voiles délavés d'un vert d'eau se fondent dans le blanc.

       
D'un simple geste, il stoppe ma progression et déclare d'une voix grave :

- Qui t'a donné le droit de me tourner le dos ? Ne connais-tu pas tes limites, femme ?

- J'ai un prénom, espèce d'homme des cavernes, alors fais-moi l'honneur de l'utiliser, imbécile.

- Répète ce que tu viens de dire, je n'ai pas bien entendu.

- Ce n'est pas de ma faute si tu es malentendant.

- Tu ferais mieux de répéter ce que tu viens de me dire. Tu ne sais pas du tout à qui tu as affaire.

- Oh, tu crois que ça va me faire peur.

- Pourtant, tu devrais.

- Écoute, j'ai une idée, pourquoi ne gardons-nous pas nos distances ? Après tout, tu vas m'épouser par dépit. Je n'étais pas celle que tu voulais au départ, alors pourquoi t'acharnes-tu à me garder dans ton lit à tout prix ?

- Ai-je fait des insinuations pour que tu en fasses ? Je pense que tu as bien trop d'estime de toi-même pour croire que tu es belle. Soline est de loin la plus belle de vous deux.

Ce constat de sa part brisa mon cœur. C'était la pire chose qu'il pouvait me dire. J'aurais pu supporter n'importe quelle insulte de sa part, mais pas celle-là.

Toute ma vie, j'ai été constamment comparée à ma sœur dans tous les aspects de l'existence, que ce soit en termes de physique, d'intelligence ou de loisirs.

À chaque fois, on me répétait que ma sœur surpassait toutes mes compétences. On me martelait sans cesse que j'étais une déception sans avenir. Depuis ma plus tendre enfance, j'étais destinée à être l'ombre de ma sœur. J'étais l'enfant invisible, l'enfant transparent, celle à qui on ne voulait pas accorder d'importance.

J'ai été détruite par le silence imposé par mes parents et même par ma propre sœur, au point que les autres pensaient que j'étais muette.

Le silence a été pendant une grande partie de ma vie un refuge qui s'est peu à peu transformé en une souffrance profonde.

Très rapidement, j'ai compris que j'avais besoin d'une carapace solide pour protéger mon cœur de la noirceur des autres. Mais cette barrière a cédé une seule fois et je l'ai amèrement regretté. Au point d'avoir incendié ma chambre entière, ce qui m'a valu les reproches de mes parents et de ma sœur pendant de longs mois.

La douleur de la trahison est atroce. Une plaie béante au cœur qui s'est peu à peu transformée en gelée, jusqu'à ce qu'une couche protectrice de glace devienne ma seconde carapace pour me protéger à nouveau de ce monde sombre.

Cette réalité douloureuse est malheureusement mon quotidien, et rien ni personne ne peut altérer le cours des événements.

Je me réveille de ma profonde torpeur lorsque je ressens ses lèvres fermes emprisonner les miennes dans un baiser enflammé.

Black SwanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant