Black Swan

♕ Cʜᴀᴘɪᴛʀᴇ 11

Syana

Je persiste à manier l'archet du violon, me laissant emporter par la mélodie enchanteresse de cette composition qui incarne à merveille ma tristesse profonde. En fermant les yeux, je savoure la mélodie qui s'insinue dans mes oreilles, avec une douceur qui évoque le miel. Mon palpitant réagit à cette symphonie en délivrant de nombreux frissons qui me galvanisent et me poussent à poursuivre sur cette lancée.

Le grincement de la porte m'interrompt, révélant une femme sublime qui a une ressemblance frappante avec Erwan. Excepté le fait qu'elle ait les cheveux d'un blond vénitien et des iris émeraudes. Sa silhouette élégante et harmonieuse pourrait susciter l'admiration de nombreuses personnes. Mes yeux restent fixés sur elle, et pendant un court instant, j'ai eu l'impression d'être en danger.

D'un pas tranquille, la mystérieuse inconnue me fixe intensément du regard en arpentant la salle avec élégance, ce qui me déstabilisera. L'inconnue me sourit avec affection avant de se positionner près de moi. D'une voix douce, elle me confie :

-  Tu dois être la compagne de mon cousin, n'est-ce pas ?

- Oui, et vous êtes ?

- Oh là là, je perds mes belles manières. Je suis la cousine d'Erwan Akerman, April Kweller. Ma mère et la sienne sont sœurs de naissance.

- J'aimerais aussi faire ta connaissance, euh...

- Syana Lockwood.

- Tu ne ressembles pas aux membres de la famille Lockwood, c'est incroyable. April s'exprime, les yeux brillants d'étoiles, en tenant mes deux mains au creux des siens.

- Je suis reconnaissant envers Dieu pour ne pas m'avoir accordé leur aspect physique. Madame Kweller, ce n'est pas un privilège divin d'être une Lockwood.

- Non, pas de ça entre nous. Appelle moi April et je ferai la même chose pour toi, d'accord, dit-elle en arborant un sourire éclatant.

- Très bien April, ton cousin se comporte de la même manière avec tout le monde. En d'autres termes, il est aigri avec...

- Malheureusement, cet ours mal léché est aussi froid qu'un bloc de glace, sauf en présence de ses amis. C'est pour cette raison que je le surnomme Ice man, en raison de sa froideur légendaire.

- Si je saisis bien, il n'apprécie pas la présence féminine.

- Il ne supporte pas les femmes qui l'entourent pour son argent. Cela est dû à un événement qui s'est produit dans le passé. Malheureusement, je ne peux pas t'en dire plus, au risque de réveiller le grizzli. Il vaut mieux éviter de le chercher, je sais ce que je dis. 

- Est-ce si effrayant que ça? Je questionne ma nouvelle amie avec curiosité.

- Le mot est faible, c'est la véritable essence du mal. La quintessence de la noirceur de l'humanité.

- Tu ne penses pas que tu exagères un peu.

- Non, je ne minimise pas mes paroles. Mon cousin n'est pas net. Cet homme est très redouté à New York. En un mot, assez parler de lui. Dis-moi, tu excelles dans le violon. Où as-tu appris à en jouer ?

- À l'âge de cinq ans, ma nourrice me la inculquer dans le plus grand secret. Un jour, ma sœur a rapporté les faits à mon père, qui a pris la décision de me dissuader de jouer du violon jusqu'à présent.

- Ton père est extrêmement cruel envers toi.

- Il a toujours été et cela restera inchangé. Soline est la fille préférée de mes parents, tandis que je suis le fardeau de cette famille. À maintes reprises, j'ai veillé à la sécurité de ma sœur au détriment de ma propre personne.

- Tu es...

D'un geste de la main, j'arrête April avant de prononcer d'une voix morne.

- Je suis le vilain petit canard, ou en terme plus raffiné, le cygnesse ébène de la famille Lockwood. La poisse et le malheur sont omniprésents autour de moi. J'ai été vendue à ton cousin comme une marchandise insignifiante pour la somme infâme de trois cent millions de dollars. Je vais me marier avec un homme qui me voit comme un objet qu'il a acquis avec son argent. Oui, je suis sans importance et inutile. Il n'y a personne qui ait besoin de moi. Ma destinée est d'être seule.

À la fin de ma réplique, des larmes roulent sur mes joues, accentuant ma peine. April, attristée par ma triste réalité, me serre contre elle et murmure doucement des mots doux.

- Tu n'es pas seule. Je suis là pour toi, quoi qu'il advienne. 

- Merci, j'avais vraiment besoin d'écouter ça. Tu es une personne remarquable.

-  Non, je ne possède aucun mérite. C'est toi qui es une personne exceptionnelle, et mon idiot de cousin ignore la chance qu'il a.

Elle et moi, nous éclaterons de rire. Peu de temps après, elle me propose de danser avec elle sur la musique Roll Up de Black Swan. J'accepte sa proposition en me positionnant au centre de la pièce en sa présence. April s'éloigne temporairement de moi pour connecter l'enceinte Bluetooth à son téléphone portable. Quelques secondes plus tard, la musique envahit la salle. Elle retrouve sa position à mes côtés. Ensemble, nous reproduisons la chorégraphie à la perfection. En vingt-cinq ans d'existence, une joie inexplicable se dégage de mon être. Nos corps ondulent en parfaite osmose avec la mélodie.

La musique résonne à travers l'enceinte, nous transportant dans un autre univers qui nous permet d'oublier, rien qu'un court instant, nos vies insipides. Nos mouvements s'alignent harmonieusement. Nous persistons ainsi jusqu'à ce qu'un raclement de gorge nous empêche de continuer. Mon fiancé est là debout, l'épaule penché sur l'encadrement de la porte, les bras croisés, en train d'admirer notre prestation. Ses lèvres captivantes laissent transparaître un sourire espiègle.

April, agacée, se dissimule derrière moi en proférant à Erwan de tous les noms d'oiseaux imaginables. Un rictus élargit le sourire malfaisant d'Erwan, qui commence à se rapprocher de nous. Je perçois que la cousine de mon promis frissonne à mes côtés. D'un geste préventif, je me mets en position d'attaque. Stupéfait par mon attitude, il hausse légèrement les sourcils, sans pour autant s'arrêter d'avancer. Dès qu'il est en face de moi, il me jauge du regard avant de pencher sa tête près de moi.

- Eh bien, Syana, on sort les griffes, à ce que je vois. Tu es vraiment douée pour danser, ma chérie. Tu as dissimulé ce talent. Qu'en penses-tu si tu ondules sous moi lors de notre nuit de noces ?

À la suite de son allusion, je le gifle violemment. Il me saisit brusquement mon poignet en le tirant vers lui. Sans réfléchir, il dépose brusquement ses lèvres contre les siennes.