♕ Cʜᴀᴘɪᴛʀᴇ 10

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Erwan

Nous avons tous quitté l'endroit pour nous réunir dans mon club privé à New York, en tant que frères. La perception des mafieux est celle d'une famille unie qui fait face à l'adversité de la vie. La noirceur qui enveloppe nos âmes est aussi obscure que l'encre de Chine.

Kazimir, Alvar, Dajtar, Zane, Hachim et moi avons pris place autour d'une table peu éclairée par une lumière rouge. Les néons flamboyants créent une atmosphère plus intime. C'est ainsi que débute notre jeu préféré : la bataille. Ici, nous établissons les règles du jeu. Chacun des joueurs a neuf cartes. Seul l'un d'entre nous, possède les deux jokers.

Bien entendu, il n'y a pas de mise d'argent. Le jeu est entièrement orienté vers la stratégie. Je leur suggère plutôt de participer à une bataille fermée, où toutes les cartes sont retournées avec l'interdiction de les voir, sous peine de quitter immédiatement la partie.

Je remarque l'échange de regards discrets entre Dajtar et Alvar. En plus de la mine inquiète de Zane, le regard révélateur d'Hachim tente de voir discrètement une de ces cartes pour quitter la partie. Kazimir et moi, nous sommes les seuls à afficher un sourire éclatant.

- Je descends le premier qui triche, déclare Kazimir en les scrutant tous d'un regard onyx.

- Tu n'y vas pas par quatre chemins, toi, répond Hachim en fronçant les sourcils.

- Il a toujours fait preuve de fair-play, notre russe, je rétorque, le sourire aux lèvres.

Peu de temps après, je sors mon paquet de clopes et j'en extrais une. Avant de l'allumer avec mon briquet fétiche dissimulé à l'intérieur du paquet, je la glisse entre mes lèvres. Une fumée dense se répand autour de moi. Zane me réclame une cigarette en prétendant avoir égaré son paquet chez lui. Je lui offre une douceur, sous les regards malicieux de Kazimir, d'Alvar et de Dajtar. Hachim, quant à lui, se délecte de son ver de thé à la menthe tout en crispant les traits de son visage, sentant l'odeur nauséabonde des effluves de ma cigarette.

- Évite de faire ça devant moi, Erwan. Tu sais très bien que je ne supporte pas la fumée de la cigarette.

- Arrête de te plaindre, le petit prince, ici nous ne sommes pas à 'Aqiiq ! Dajtar ajoute en grinçant des dents.

- Les gars, soyez tranquilles, ce n'est pas bon pour le moral, affirme Kazimir en posant une main près de son cœur de manière théâtrale.

- Allons-nous entamer cette partie, oui ou non ? S'impatiente Alvar, en les fusillant tous du regard.

- Il a raison, il en a ras-le-bol de vos combats de coqs! Rouspéta Dajtar en croisant ses bras sur son torse.

- Je fais valoir mon point de vue, tout simplement. Mon sens olfactif est raffiné et j'aime sentir les bonnes choses. Hachim expose son argument en mettant ses mains à plat sur la table.

- Cependant, je partage l'opinion du prince selon laquelle Erwan devrait s'éclipser pour fumer, déclare Kazimir en me fixant intensément de son regard bleuté assombri.

- Très bien, j'écrase ma clope.

Je confirme en fusionnant l'action avec mes paroles tout en expulsant la dernière bouffée de fumée par mes narines.

Après ça, nous entamons notre partie avec à la clé, un gage pour les perdants. La sanction est des plus simples : les perdants devront révéler un secret inconnu de tous. Un rictus incurve mes lèvres alors que la bataille vient à peine de débuter. Que le rideau se lève et que la partie débute !





Syana

Dans cette immense villa, les heures et les minutes se succèdent à un rythme lent. Aucune explication ne m'a été fournie par mon fiancé lorsqu'il est parti. En fait, je ne m'attendais pas à ce qu'il soit aimable avec moi. Les actes poignants de la veille ne se sont pas du tout dissipés dans mon esprit. Sans évoquer sa gentillesse de ce matin et sa brutalité instantanée. Je suis convaincue que cela est lié à son activité qu'il veut garder secrète.

Pour évacuer mon esprit de toute cette pression, je décide de visiter la demeure de mon promis. Je longe les corridors éclairés par des lustres accrochés aux murs. Chaque porte du premier étage est ouverte à la dérobée. Déçu de voir que je ne trouvais rien d'intéressant, je continue mon exploration vers les étages supérieurs.

Le deuxième étage est similaire au premier. Les suites étaient spacieuses, avec des salles de bain et les sanitaires inclus. Par contre, les salles du fond renfermaient une salle de cinéma, une immense bibliothèque ainsi qu'une salle de sport et de jeu. En arrivant au troisième étage, je me suis rendu compte qu'il n'y avait que quatre portes, ce qui est étrange. Par curiosité, j'essaie d'ouvrir la première porte sans réussite. J'enchaîne avec la seconde, mais le résultat demeure le même.

Devant mon agacement, je tente d'ouvrir la troisième qui s'ouvre en grinçant doucement. Mes yeux gris brillent d'émerveillement en contemplant cette magnifique salle de musique.

Je me délecte de contempler les instruments de musique, captivé par leur présence, jusqu'à ce que mes yeux se posent sur le violon déposé près du rebord d'une fenêtre gigantesque, illuminant la pièce de sa splendeur.

Tel un aimant puissant, je suis irrésistiblement attiré par cet instrument que je n'ai pas effleuré depuis mes quinze printemps.

Brusquement, un éclair me propulse dix années en arrière. Je me revois, les doigts dansant sur les cordes de mon violon, mes paupières closes, savourant chaque note qui m'emporte vers un univers parallèle, où mes souffrances s'effacent, ne serait-ce qu'un instant.

Ce moment magique fut brutalement interrompu par l'irruption de mon père, tel un voleur de rêves, qui s'empara violemment de mon violon pour le fracasser impitoyablement contre le sol.

D'une voix dure, il cracha son venin toxique à mon visage :

- Penses-tu que je dépense des fortunes pour tes études afin que tu deviennes un jour un vulgaire violoniste ? Absurdité ! Tout cela n'est que chimère et futilité ! Réveille-toi, car si tu oses reprendre l'apprentissage de cet instrument, je te briserai moi-même, tout comme ce violon, est-ce bien clair pour toi ?

Ce jour-là, ma seule source de bonheur dans ce vaste monde fut brisée, tout comme mes rêves se sont effondrés.

Ce souvenir s'évanouit peu à peu de ma mémoire. D'une force insoupçonnée, je saisis le violon et le dépose gracieusement sur mon épaule. Mon menton se pose délicatement dessus, et je commence à jouer le morceau "Black Swan" de BTS, dans une version envoûtante de violon signée Alan Milan.

Les notes se dérobent avec grâce tandis que mon esprit s'évade, me ramenant vers cette douce quiétude qui m'a été si longtemps arraché par mon propre géniteur.

Un élan de bonheur s'empara de mon âme, autrefois meurtrie par l'indifférence et la cruauté de ma famille.

Black SwanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant