Chapitre 9

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A la nuit tombée, alors que je m'attendais à ce qu'on s'arrête pour dormir, le convoi continue sa route tranquillement, dans le calme et l'obscurité. Le froid s'abat sur nous comme une masse sur une enclume et je frissonne en croisant les bras pour me réchauffer.

— Mentor, dis-je d'une toute petite voix, pourquoi on ne s'arrête pas ?

— Nous sommes suivis depuis que nous avons quitté le village. Plus vite nous serons arrivés sur les terres des Xantreïs, plus vite tu seras en sécurité.

— Les Xantreïs ?

— Tu vas râler : c'est une longue histoire et...

— Vous me la raconterez une fois là-bas, le coupais-je en levant les yeux au ciel, et je sais : je vous ai vouvoyé. D'ailleurs c'était intentionnel.

— Ravi que tu l'avoues sans que j'aie à te menacer, fillette...

Ah... dommage.

— ... Je vais pouvoir sauter la case sermon et passer directement à...

— Stop, ça va j'ai compris mais par pitié : pas ça ! La dernière fois j'ai failli rendre mon déjeuner.

Je l'entends rire doucement. Sa voix est grave, douce et apaisante. Mon corps se détend lentement et mes paupières se ferment petit à petit.

— Encore combien de temps ? demandais-je en bâillant.

— Si nous ne nous arrêtons pas, nous arriverons à Ckwarwi demain, dans la soirée.

— Chouette...

C'est fou ce que je m'endors vite en ce moment !

Je regarde le feuillage des arbres défiler au-dessus de nos têtes. Mentor Gamaliel a décidé de faire un détour par la forêt. Il ignore si cela va nous ralentir ou nous faire arriver plus vite mais il ne voulait pas passer par le village que j'ai furtivement aperçu avant le changement de direction. Trop dangereux selon lui, quoiqu'ayant vu pas mal de films, je m'inquiète un peu de voir surgir des hommes en noir des fourrés, prêts à tout pour me tuer. Les oiseaux chantent, perchés sur les branches d'arbres dont je ne connais pas l'espèce. Je suis étonnée de constater que, malgré la hauteur du fordaksh de mon mentor, nous n'avons pas heurté une seule branche. Evidemment, l'environnement et la végétation sont adaptés à la faune qui y vit, mais il n'empêche que ça me surprend. Jun trottine à côté de Véos, le fordaksh de mon mentor, et je comprends enfin pourquoi Mentor Gamaliel n'a pas voulu que je monte sur son dos : Véos est au pas mais Jun, plus jeune et courte sur pattes, doit faire trois pas là où Véos n'en fait qu'un. Si Jun devait, en plus, supporter mon poids, elle ne tiendrait pas longtemps et cela nous ralentirait. Soudain, je repère un arbre différent des autres. Des sortes de gros fruits violets, ayant la taille et la forme d'une pomme, sont suspendus aux branches. En passant dessous, mon mentor tend le bras en en cueille deux. Il m'en donne un et je croque prudemment dedans. Comme ça, on dirait vraiment une pomme peinte en violet. Mais en fait, le fruit est mou, comme une tomate et il y a un creux au centre, renfermant le jus et les graines du fruit. C'est étrangement délicieux. La chair du fruit a un goût de poire mélangé à la poudre d'amande, tandis que le jus, est plus acide, comme le condiment d'un plat, un goût et une senteur un peu citronnée avec des notes de roses et de badiane. Un vrai délice.

— Fais attention à ne pas te tâcher.

— V'ai pas trois v'ans... OH VUT !

— Je t'avais prévenue.

— Oh ça va, marmonnais-je en récupérant le morceau de fruit tombé sur ma tunique.

Franchement, je n'aurais pas pu mettre la noire ? On n'aurait pas remarqué la tâche... Enfin, j'ai de la chance, le morceau de fruit est tombé sur ma cuisse... il aurait pu dégringoler plus haut et attirer l'œil, si vous voyez ce que je veux dire.

Ushuara - La chasse peut continuer (Tome2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant