Chapitre 18

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Un grondement sourd et déchirant me réveille en sursaut. Je jette un coup d'œil au lit à côté du mien et repère Nura dans la pénombre, qui grommelle et plaque son coussin sur sa tête. Un éclair zèbre le ciel et illumine la chambre durant une fraction de secondes, puis le tonnerre éclate. Au royaume, je n'ai pas peur de l'orage parce qu'il fait partie de mon pouvoir mais ici, sur Terre, il m'effraie. Je déglutis et me lève sur la pointe des pieds. Je me traite de tous les noms possibles tandis que je marche dans le couloir sur la pointe des pieds, à la recherche de la chambre que Quoré et Gamaliel sont censés partager. C'est Quoré qui m'ouvre et il s'empresse de sortir, sans doute pour aller retrouver Nura, mais à mon avis, il va se faire éjecter. De mon côté, je n'en mène pas large. Gamaliel dort et me tourne le dos, donc je n'ai aucun moyen de savoir s'il est réveillé. Je m'approche du lit où dormait Quoré quelques instants plutôt quand un bruissement sur ma droite m'arrête net.

— T-t-t-t, que fais-tu petit oiseau ?

Je me retourne et baisse immédiatement les yeux pour ne pas croiser le regard (et la musculature) de mon mentor. Mes mains sont dans mon dos et je tire nerveusement sur mes doigts. J'ai eu la présence d'esprit d'emporter une de mes robes de nuit et Dieu merci elle n'est pas blanche ! Si ça avait été le cas, adieu ma dignité : il aurait tout vu à travers...

— Viens ici.

Je secoue la tête. Il se lève et je ferme les yeux très fort pour ne pas le voir. Qu'est-ce qui m'a pris de venir ici au juste ? A quoi je m'attendais ? Evidemment qu'il allait me dire de venir avec lui et évidemment que j'allais refuser ! J'aurais mieux fait de rester avec Nura. C'est vraiment dommage que l'humain soit aussi faible face à ses envies profondes. On dit que le cœur est traître, ce n'est pas pour rien. J'aurais dû prêter d'avantage d'attention à cette mise en garde... Je sens les mains de mon mentor sur mes bras, qui m'attirent doucement mais fermement vers le lit. Je résiste au moment où j'esquisse un pas, apeurée.

— Gamaliel...

— Je sais : pas dans le même lit. Maintenant, viens dormir.

A ma surprise mais aussi à mon grand soulagement, il m'installe et se couche dans le lit d'en face, les yeux rivés sur moi. Je lui offre un petit sourire fatigué pour le remercier, même si je doute qu'il ait pu le percevoir tant il était faible. Les draps sont imprégnés de l'odeur de Gamaliel et ça m'apaise.

Ma pauvre fille... tu deviens accro !

C'est bien possible, oui.

— Dors, princesse, murmure Gamaliel, je veille sur toi.

J'agrippe l'oreiller de toute mes forces, comme si je craignais que tout ceci ne soit que le fruit de mon imagination. La chaleur et l'odeur de Gamaliel, imprimées sur les draps me donnent la sensation qu'il est là, tout près de moi, mais comme je le vois, dans le lit d'en face, ça me rassure. L'orage redouble de force mais il ne me fait plus peur. Gamaliel est là, je me sens bien ici, rien de mal ne peut m'arriver. De cela, je suis certaine.

— Rah ! C'est mort : je ne retournerais pas m'asseoir dans cette immonde véhicule qui sent le hok pourri.

— Nura, prévient Quoré, ne fait pas ta gamine. Tout le monde t'attend alors dépêche-toi de monter dans ce bus !

— Sinon quoi ?

— Tu veux que je te dise ?

— Alors, lance Gamaliel, vous montez, oui ou zut ?

Nura croise les bras et, de mon siège, je me retiens d'éclater de rire en plaquant une main sur ma bouche. Quoré lève les yeux au ciel en lançant un « Tu l'auras voulu » et la charge sur son épaule comme un sac. Nura glapit et se met à gesticuler. Même après le démarrage du bus, elle cherche encore à en sortir, retenue par Quoré qui a eu la bonne idée de l'installer côté fenêtre pour qu'elle ne puisse pas échapper à sa vigilance, même pour une seconde. Pendant deux heures, elle ne moufte pas un son, bras croisés, le regard buté. Une vrai gamine ! Quoré trouve ça mignon, visiblement, et moi, je trouve ça marrant, surtout quand on sait que Nura est plus vieille que moi. Je me replonge dans la lecture de l'état civil d'Erwin, pour la énième fois et j'entends Gamaliel étouffer un rire à côté de moi. Lui aussi, s'est arrangé pour que je sois côté fenêtre... Quant à Beck, avoir deux places pour lui tout seul n'a pas l'air de l'alarmer plus que ça puisqu'il bave sur la vitre, les yeux clos. Ce créateur de portails est un véritable mystère ambulant que je ne m'aventurerais pas à essayer de décrypter. Certains secrets sont mieux là où ils se trouvent. Vivement que nous soyons à Evry ! J'espère que Beck aura récupéré d'ici là, sinon nous allons avoir du mal à nous déplacer.

Ushuara - La chasse peut continuer (Tome2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant