Chapitre 25

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Zaedré égale « le début du fiasco », et vous n'allez pas tarder à comprendre pourquoi. Je savais déjà, par Gamaliel, que Zaedré était froid, calculateur et aussi égocentrique que sa mère qui se tient raide comme un piquet, aux côtés de Richeraud, mais là... je rencontre Ice-Face, en personne. Il ne sourit pas, son pas est millimétré, glacial. Son regard passe sur moi, me donnant l'impression d'être de retour au labo pour passer une IRM. Brr.

— Seigneuresse Anaya, dit-il d'une voix mielleuse en s'avançant vers moi, c'est un plaisir de vous rencontrer enfin.

Je suis polie et bien élevée, alors je le laisse faire comme ses deux frères, mais je m'arrangerais pour me laver les mains. Lorsqu'il rive ses yeux dans les miens, j'y distingue une flamme d'intérêt qui fait virer tous mes radars d'alerte au rouge. Ce type est malsain, je suis une fille : je le sens ! Il faut que je m'arrange pour ne jamais me retrouver avec lui sans Gamaliel, Richeraud ou Varpaïm dans les parages. Idem pour la reine Akjîn qui me snobe avec dégoût, alors que je ne la connais que depuis trois minutes.

— Bien, lance Richeraud, puisque tout le monde est arrivé, dînons.

Gamaliel me tire une chaise et je m'y installe en lui souriant. Vivianne est installée à côté de moi, face à Gamaliel, Varpaïm à sa droite. Je suis en face de Zaedré et à la droite du roi. Ce dernier est en bout de table, son épouse à ses côtés. En les regardant bien, j'arrive à la conclusion que les deux ont été victime d'un mariage arrangé. Comment Richeraud, ce roi si doux, si accueillant, aurait-il pu tomber amoureux de cette porte de prison ? La reine Akjîn est très belle, n'en doutez surtout pas, mais la froideur de ses traits l'enlaidit. Son regard n'a aucun éclat et ses gestes sont robotiques, comme appris par cœur. Elle est effrayante. La conversation tourne autour de la vie que mes grands-parents ont mené sur Terre. L'absence forcée de Yaén force un peu la main à ma grand-mère qui peine à vider son assiette, assaillie de questions. Les seules qui ne parlent pas, sont Akjîn et moi. Elle, parce qu'elle a l'air de planifier un meurtre par empoisonnement, vu sa tête de vipère, et moi ... ben parce que j'ai faim ! Tout au long du repas, je sens le poids du regard de mon sêmilumina et lorsque je jette un œil dans sa direction, je rencontre ses beaux yeux dorés dans lesquels brille une flamme intense que je ne saurais définir précisément. Au moment du dessert, nous nous déplaçons dans un petit salon plus intimiste, comme si nous étions une seule et même famille. Richeraud doit être au courant pour Gamaliel et moi parce que ses yeux n'arrêtent pas de faire la navette entre nous. J'espère de tout cœur que Zaedré et sa vipère de mère n'ont pas encore comprit. Toutes les chances sont de notre côté car le seul contact que Gamaliel et moi avons eu devant eux, c'est lorsqu'il m'a aidée à m'installer à table. Geste tout à fait galant et respectueux que Varpaïm aurait lui aussi pu faire sans qu'on se pose la moindre question. De plus, Gamaliel est toujours mon mentor, même s'il s'est un peu plus occupé de Yaén, ces derniers temps, et cela, toute la famille royale en a été informée. Les petites attentions de Gamaliel envers moi devraient donc passer pour l'attachement d'un professeur envers un élève studieux. Enfin... en théorie. Je porte ma tasse de porcelaine à mes lèvres et mes papilles se réjouissent à l'instant même où le goût sucré et floral de l'infusion se répand sur ma langue. J'ai l'impression d'être dans un jardin et de respirer une ribambelle de fleurs de toutes sortes. Soudain, miracle ! Akjîn me tend une assiette de biscuits avec un sourire si léger que j'ai failli ne pas le percevoir.

— Une douceur, Seigneuresse ?

Je n'en peux plus : le repas était excellent et j'ai mis un point d'honneur à ne pas en laisser une miette. Cependant, je ne m'attendais pas à une démonstration de bonne volonté de la part de la reine.

— Avec plaisir, Votre Majesté.

Je croque dans le biscuit en réprimant sévèrement ma difficulté à avaler. Mon ventre commence à crier grâce, à l'étroit dans le corset que je n'aurais pas dû serrer autant. Je plaque une main sur ma bouche au moment où je me mets à bâiller. Mon mouvement vif interpelle le roi qui, loin de s'offusquer, éclate de rire.

Ushuara - La chasse peut continuer (Tome2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant