Je ne sais pas quelle mouche a piqué cette tenancière et ses employés mais ils se sont tous mis aux petits soins pour moi. Pour mon mentor, je trouve ça normal : il est leur prince. Mais moi ? Une pauvre petite orpheline capable de réduire ce charmant village en cendres si j'ai le malheur d'éternuer trop fort. Pourquoi me donner tant d'attention ? Je ne le mérite pas, oh non. Pourtant, je m'applique à jouer ce rôle que les gens de ce village m'ont attribué, comme me l'a conseillé mon mentor. Je ne sais pas s'il fait ça pour ne pas décevoir son peuple ou s'il y a une autre raison et je ne suis pas près de connaitre cette dernière. Cela dit, je pencherais plutôt pour la deuxième option. Je me couche dans le lit installé contre le mur. On y a ajouté des coussins et des couvertures, on a ravivé le feu et deux jeunes filles de mon âge sont venues apporter une grande bassine en bois dans la chambre et l'ont remplie d'eau chaude pour que je puisse me laver. Ce bain était le bienvenu mais me faire servir ainsi et entendre les gens m'appeler « Maitresse » ou « Seigneuresse » m'a extrêmement gênée. C'est vrai quoi, je ne suis personne !
◊
Le lendemain matin, quand j'ai croisé mon mentor dans le couloir des chambres de l'auberge, il m'a aidée à ajuster ma cape qui me serrait trop le cou. N'ayant pas l'habitude, j'ai dû le laisser faire, non sans une pointe d'angoisse.
— Tu as bien dormi ?
— Etrangement, oui. Je ne sais pas ce qui m'arrive mais depuis que je suis ici, je dors mieux qu'avant. J'ai toujours du mal à trouver le sommeil, certains soirs mais c'est bien moins fréquent.
— A mon avis, ça a un rapport avec l'endroit où tu te trouves, dit-il en descendant les escaliers avec moi sur ses talons, sur Terre, tu n'étais pas chez toi. Maintenant que tu es rentrée au pays, ton organisme s'y sens plus en sécurité.
— Tu crois ?
— J'en suis même presque sûr. A chaque fois que je suis allé sur Terre, je me suis senti en alerte constante parce que j'évoluais dans un monde qui n'était pas le mien.
— Ça parait logique.
La tenancière s'approche de nous, tout sourire et nous désigne la table à laquelle nous étions assis hier soir, au diner.
— Je vous ai préparé de quoi tenir jusqu'à votre retour à Ckwarwi, Maitresse.
— Je... merci beaucoup Angé.
Il faut vraiment que cette mascarade cesse. Notre table est remplie de nourriture de toutes sortes. Lorsque j'informe mon mentor de mon ressenti il se met à rire.
— N'en sois pas gênée, Anaya. Quand nous serons à Ckwarwi, tu comprendras pourquoi ils te traitent ainsi.
Je soupire et entame mon petit-déjeuner. Peu habituée à tant d'abondance, je ne parviens pas à finir le quart de ce qui se trouve sur la table. D'ailleurs... d'où sort cette nappe ? Elle n'était pas là hier soir. Je lève les yeux au ciel et lance un regard assassin à mon mentor qui fait mine de ne pas le remarquer. Après le petit-déjeuner, nous reprenons la route et je rougis jusqu'aux oreilles en constatant que tous les villageois se sont rassemblés en allée d'honneur sur notre passage. Ça crie, ça salue, ça fait la révérence... Je préfère croire que c'est Mentor Gamaliel qu'ils saluent ainsi, même si je sais très bien que ce n'est pas le cas. Une petite fille en robe bleue s'approche de nous, un énorme bouquet de fleurs à la main. Elle me fixe de ses grands yeux bleus émerveillés, pétillants de joie et de timidité. Mon mentor se penche pour attraper le bouquet et me le donne. Je souris à la fillette qui retourne vers sa mère en sautillant, toute contente. A la sortie du village, je me retourne pour le voir une dernière fois et constate, étonnée, que des gens se sont ajoutés à notre convoi. Nous sommes partis à douze avec trois chariots et voilà que nous sommes plus d'une vingtaine avec deux carioles et cinq montures de plus. Outre le fait que notre convoi se soit agrandi, un autre détail étonnant retient mon attention.
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Ushuara - La chasse peut continuer (Tome2)
خيال (فانتازيا)Après un coma d'une semaine, Anaya est contrainte de reprendre l'entraînement auprès des mentors de la Citadelle. Résolue à ne pas utiliser ses pouvoirs, la jeune femme va tout faire pour réprimer sa nature profonde, au plus grand damn de ses entraî...