Toxic - Prophecy

35. Paranoïa et résilience

Cette expérience troublante, où l'on ne perçoit plus cet être nuisible et diabolique qui résidait en notre sein depuis tellement de temps, engendre une profonde sensation de vide et d'errance. C'est comme si un reflet essentiel de notre être s'était évaporé, laissant place à une solitude abyssale. Les pensées, habituellement teintées d'une nuisance constante, s'effacent, tandis que les émotions reprennent vie avec intensité. On se sent dépossédé d'une part de soi, tel un navire à la dérive, sans ancrage ni repères, flottant dans un océan d'incertitude. Cette présence perdue suscite une mélancolie sourde, une nostalgie pour ce qui était, amplifiant le sentiment d'isolement et de désorientation, comme si l'on était coupé du fil de sa propre identité.

Cette convalescence poussa June à se replier sur elle-même. Elle devint à la fois irritable et agressive, mais surtout, son comportement prit une tournure paranoïaque. Ne souhaitant pas être vue dans cet état, elle prit la décision de s'enfermer jour et nuit dans ses appartements. Ylana avait pour consigne de déposer les plats dans le petit salon et de faire le ménage pièce par pièce ; lorsque la chambre était à nettoyer, June allait s'isoler dans le petit salon, attendant que sa servante termine son travail pour pouvoir y revenir. La jeune femme délaissa ses toiles, ses instruments et ses carnets de notes, s'enfermant dans un silence pesant. Elle restait immobile, l'oreille attentive à la moindre apparition ou parole de Callisto. Pourtant, rien ne venait rompre ce silence qu'elle avait installé. Ce calme dans son esprit l'inquiétait, la perturbait, l'effrayait. Même si Callisto restait silencieuse, elle ressentait toujours sa présence, mais aujourd'hui, cette sensation s'était évaporée.

Ce comportement paranoïaque persista durant une longue semaine, jusqu'à ce qu'elle prenne la décision de sortir en pleine nuit. Son teint pâle aurait pu effrayer le plus intrépide des guerriers. Les cernes violacés qui entouraient ses yeux donnaient à son regard fatigué une allure menaçante. Ses cheveux roux, échevelés et plaqués contre son crâne, lui conféraient une apparence de mendiante. June avait complètement perdu le contact avec la réalité depuis lors. Heureusement, elle parvenait encore à penser à se nourrir, repoussant l'angoissante image d'un cadavre errant dans les longs couloirs du palais, baignés de la lumière de la lune.

En plus de retrouver une liberté qui l'angoissait, June redécouvrit le goût de ses émotions et de ses sentiments qu'elle avait réprimés pendant si longtemps. Aydan n'était pas là pour lui rappeler que ressentir et exprimer ses émotions était une faiblesse inacceptable pour une guerrière telle qu'elle. June a pleuré. Elle a crié. Elle a ressenti de l'angoisse. Elle était en colère, mais aussi soulagée. Un profond soulagement l'a envahie. Tant d'émotions l'ont traversée durant cette semaine d'isolement que les trois jours qui ont suivi furent dépourvus de sensations.

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La Reine Frigga décida de lui rendre visite à l'improviste, consciente que les potions recommandées par Loki allaient profondément la bouleverser. Elle estimait nécessaire de la laisser naviguer seule à travers cette étape cruciale de sa quête vers la liberté psychologique. Il était essentiel qu'elle puisse se redécouvrir, même si cela impliquait de faire face à la peur et à la douleur.

Lorsque Frigga la retrouva, elle comprit qu'il était temps de la guider à travers ce dernier obstacle. June, bien qu'elle ne repousse pas la Reine, demeura méfiante. Elle écoutait à demi-mot les paroles de Frigga, gardant ses distances comme une enfant qui tente d'appréhender les relations humaines, hésitant à faire confiance ou à percevoir les autres comme des menteurs. Heureusement, l'intervention de la Reine permit à la géante de retrouver un sens commun, de s'ancrer à nouveau dans le monde qui l'entoure.

Cependant, la rousse choisit de rester en retrait encore quelques jours, afin de s'assurer que ses hallucinations et sa paranoïa ne l'affecteraient plus.

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Ylana : Comment vous sentez-vous ?

June : Mieux. Bien mieux. Souffla-t-elle avec une légèreté dans la voix que la servante ne lui connaissait pas.