— Olivia est une personne brillante et très intelligente, dis-je. Ne vous inquiétez pas pour elle.
Réalisant ce que je venais de dire, je me tus immédiatement. Tout le monde me regardait avec des yeux ronds d'étonnement pendant que je hurlais intérieurement ma bêtise.
— Vous venez de nous avouer que vous vous connaissez ?
— Évidemment qu'on se connaît. Vous le savez mieux que moi, non ?
Je sentis l'agacement me gagner et tournai instinctivement les yeux vers les coulisses, là où se trouvait Jen. Son visage voulait tout dire. Il fallait que je reste calme. Sinon, je lui donnai raison.
— Je n'ai peut-être pas été très clair avec ma question, insista-t-il. Fréquentez-vous Olivia Meyer ?
Je ris de nerf.
— Je ne compte pas m'attarder sur le sujet. Nous ne sommes pas là pour ça.
Le présentateur, étrangement, accepta ma réponse et me laissa un peu de répit pour discuter avec mes deux camarades. J'en profitai pour souffler. J'avais déjà fait une bonne partie de l'émission, la fin arrivait à grandes enjambées.
Puis vint le moment des questions du public.
Une première personne posa une question à l'ensemble du groupe concernant la fin du film et la possible suite de celui-ci. Fabian prit un malin plaisir à lui répondre et à l'orienter vers diverses possibilités, alors que lui-même n'avait pas connaissance d'une éventuelle suite. Il fallait le dire, il gérait ça comme un chef.
S'ensuivit une autre question qui m'était adressée. Un homme d'une quarantaine d'années s'était emparé du micro pour me la poser.
— Bonjour Klara. Après tout ce qu'il s'est passé vous concernant, ne regrettez-vous pas d'avoir fait votre coming out publiquement ?
Tous stupéfaits, on se regardait en se demandant s'il avait vraiment eu le culot de poser une question aussi déplacée. Mais d'un côté, je me dis que s'il l'avait fait, c'était que forcément plein d'autres personnes se le demandaient également. Alors plutôt que de lui rentrer dedans, j'utilisai cette question pour faire passer mon message.
— Est-ce que je regrette de m'assumer telle que je suis ? Absolument pas. J'en suis même très fière.
— Mais...
— Voyez, cher Monsieur. Il y a plein de filles et de garçons, jeunes comme âgés, qui ont du mal à s'assumer, qui ont peur de ce que les gens peuvent penser d'eux. J'en ai longtemps fait partie. Que se passera-t-il une fois que je l'aurais fait ? Le public continuera-t-il à m'apprécier ? Je me posais ces questions en boucle. Et un jour j'en ai tout simplement eu marre de devoir constamment me cacher, donc je l'ai dit.
Je marquai une courte pause avant de reprendre.
— J'ai reçu un accueil peut-être différent de ce que j'avais imaginé, mais cela n'enlève en rien la fierté que j'ai ressenti en le faisant et que je ressens toujours. Donc si je peux faire passer un petit message aux personnes qui nous regardent, vous êtes qui vous êtes. Il n'y a rien de mal à sortir des codes, au contraire, ça fait de vous des personnes uniques. Soyez fiers de vous. Et si jamais certains viennent remettre vos choix en question, eh bien ce sont des cons. Des gros cons. Je m'excuse pour mon langage mais il n'y a pas d'autres mots pour les décrire.
Le public applaudit à l'unisson. Je scrutai les alentours sans trop comprendre ce soudain engouement, puis m'arrêtai sur Jen dans les coulisses, en pleurs. C'est à ce moment que je pris conscience de la portée de mes paroles. Jusque-là, Jen n'avait jamais pleuré. Mais ce jour-là, elle semblait libérée comme je l'étais.
Néanmoins, notre bel inconnu n'en avait pas terminé pour autant.
— Alors pourquoi vous être retirée médiatiquement si vous en étiez si fière ?
Il ne comptait pas lâcher. Le présentateur, lui aussi embarrassé par son obstination, s'apprêta à le couper pour passer à la question suivante, mais je l'en empêchai.
— J'ai fait ce qu'il y avait de mieux à faire pour ma santé. J'étais arrivée à un stade où mon corps ne suivait plus, où je n'encaissais plus les critiques comme j'avais l'habitude de le faire. Là, tout cela me faisait très mal. J'ai alors décidé de faire profil bas un moment et maintenant me revoilà.
Le sourire fier aux lèvres, je le vis enfin se rasseoir, pensant avoir un peu de répit.
Puis mes yeux finirent par s'arrêter sur mes deux collègues, qui m'adressèrent un hochement de tête en guise de reconnaissance.
J'eus l'impression que ces simples mots avaient eu le don de faire réfléchir. Moi qui étais entrée sous les huées, c'est à l'unisson qu'ils m'applaudissaient. Cela voulait tout dire.
— Klara Simons, j'ai une dernière question pour clôturer le débat, m'adressa le présentateur.
Je lui fis signe de poursuivre.
— Tout ce qui a pu être dit sur vous dans la presse, que ce soit votre rupture avec Eloise Belmont ou plus récemment votre querelle avec Olivia Meyer, était-il fondé ?
Je pris une profonde inspiration et secouai la tête.
— Pour ce qui est d'Eloise, jamais je ne l'aurais trompée. Je n'ai peut-être pas toutes les qualités du monde, mais je suis fidèle. Après je ne suis pas là pour accabler Eloise, mais tout ce qui a pu être raconté sur moi pendant cette période était faux. Et concernant Olivia Meyer, j'apprécie cette femme. J'apprécie son franc-parler, j'apprécie sa gentillesse, j'apprécie son honnêteté. Il est vrai qu'au départ nous n'étions pas sur la même longueur d'ondes, ricanai-je, mais il s'est avéré qu'enfaite nous n'étions pas si différentes que ça.
Les yeux pétillants, je poursuivis :
— Olivia m'inspire et mérite son succès.
À nouveau, le public m'applaudit. Cela faisait tellement longtemps que ce n'était pas arrivé, que l'on n'écoutait ce que j'avais à dire, que l'on me jugeait sans me connaître réellement. De me savoir écoutée et peut-être même comprise, me remplit de joie.
— Eh bien, chers téléspectateurs. Il faut reconnaître quand on a tort. Klara, on s'excuse pour ce qu'on a pu vous faire subir, de ne pas avoir cherché la vérité. Un grand merci pour votre transparence et félicitations pour votre retour sur grand écran. Nous vous souhaitons, à vous comme à Fabian et Adele, de la réussite professionnelle et surtout personnelle. Continuez à nous faire rêver, conclut-il.
— Et allez voir L'un ou autre ! ajouta Fabian.
Et nous voilà quitter le plateau sous les ovations. Un simple discours et les vestes étaient retournées. Une émission leur avait suffit à changer d'avis à mon sujet. Évidemment que j'étais satisfaite. Mais j'étais aussi terriblement triste de voir combien l'opinion publique était influençable.
— Tu l'as fait ma belle, je suis si fière de toi. Tu as été géniale.
Jen me serra aussitôt dans ses bras.
— Merci Jen. C'est grâce à toi.
— Tu ne me détestes plus ? me demanda-t-elle pour me remémorer mes récents propos.
— Moi te détester ? Jamais !
Un fou rire nous prit toutes les deux. Nous étions soulagées et pouvions enfin relâcher la pression.
— Sérieusement, Jen. Merci pour tout. J'ai de la chance de t'avoir.
— Je sais, en joua-t-elle.
Après maintes et maintes éloges de la part de Jen, de câlins distribués et de sourires pour une fois sincères, j'étais de retour à la maison. Épuisée mais heureuse.
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L'amour, malgré tout
RomanceLe monde de la célébrité n'est pas des plus accueillants. Klara le sait, mais elle ignore combien sa dispute avec cette chanteuse réputée changera sa vie à tout jamais.