Quelques jours s’étaient écoulés depuis l’incident. Ce soir-là, le casino venait tout juste de fermer ses portes, et Kim, seule derrière le bar, nettoyait les derniers verres. Marck, son collègue habituel, était en nuit de noces, et le silence régnait dans la grande salle vide. Kim essuyait méthodiquement les verres lorsqu’elle remarqua Abigail sortir de son bureau. La patronne était vêtue d’une élégante chemise noire et d’un tailleur assorti. Son visage, fermé et froid, semblait refléter l’indifférence glaciale qui s’était installée entre elles depuis quelques jours.
Abigail traversa le casino sans un regard pour les hommes qui traînaient encore par là, comme une ombre passant parmi les ombres. Elle s’assit à son siège habituel au bar et, d’un simple geste de la main, commanda un verre sans prononcer un mot. Kim, attentive, lui servit sa boisson préférée sans attendre. Puis elle reprit son torchon, continuant à essuyer les verres, tout en jetant de temps à autre des coups d’œil furtifs vers la patronne.
Abigail porta son verre de Cherry Coke à ses lèvres, le regard perdu dans le vide, ne prononçant toujours aucun mot. Elle semblait ailleurs, absorbée par des pensées lointaines, mais Kim sentait bien que quelque chose pesait dans l’air. Une tension palpable s’était installée entre elles, même si Abigail semblait déterminée à l’ignorer, gardant ses distances avec une froideur calculée.
Après un long moment de silence tendu, Kim décida de briser la glace. Son ton sec résonna dans le calme du bar.
— Vous allez arrêter de m’éviter ou vous comptez continuer encore longtemps ?
Abigail sursauta, surprise par l’interpellation. Elle hésita un instant, les yeux fixés sur son verre, puis répondit d’une voix glaciale :
— Je ne vous évite pas. J’ai juste été occupée ces derniers jours.
Kim plissa les yeux, sceptique. Elle posa le torchon et fixa Abigail avec insistance.
— Occupée à quoi ? À m’ignorer ? Parce que c’est l’impression que ça donne.
Abigail détourna le regard, son expression toujours distante, mais la tension qui crispait sa mâchoire trahissait son irritation. Elle prit une longue gorgée de son verre avant de répondre sèchement :
— Je n’ai pas le temps pour ces conneries, mademoiselle Johnson. J’ai des choses plus importantes à faire.
La réponse fit monter une vague de frustration en Kim. Elle serra les poings derrière le bar, tentant de garder son calme, mais sa voix tremblait légèrement lorsqu’elle répliqua :
— Arrêtez de me sortir des excuses bidon. On sait très bien toutes les deux ce qui se passe réellement.
Abigail se raidit, son irritation se mêlant à une frustration palpable. Elle serra son verre un peu plus fort, avant de répondre avec défi :
— Ah oui ? Et qu’est-ce que vous croyez savoir, hein ? Allez-y, éclairez-moi.
Kim ne se laissa pas démonter. Elle garda un ton ferme malgré la tension dans l’air.
— Vous m’évitez de manière évidente depuis la dernière fois. Ne faites pas semblant de ne pas savoir de quoi je parle. Ça devient épuisant !
Abigail leva les yeux au ciel, visiblement agacée. Elle posa brusquement son verre sur le bar et se tourna vers Kim, son regard brûlant de colère contenue.
— Vraiment ? Et maintenant, ça devient « épuisant » pour vous ? Qu’est-ce qu’on est censées faire ? Avoir une discussion sur la nuit dernière ?
— Oui, exactement. On devrait en parler, au lieu de m’éviter et de me faire la gueule !
Kim n’avait pas baissé les yeux, affrontant le regard d’Abigail avec une intensité qui reflétait sa frustration croissante. Elle croisa les bras, attendant une réponse de la patronne.
Abigail soupira, passant une main dans ses cheveux avec agacement. Elle hésita, consciente qu’elle ne pourrait plus fuir cette conversation.
— D’accord, d’accord. Vous voulez en parler ? Alors, parlons-en. C’était un simple accident, voilà tout.
Kim ne parut pas convaincue, sa voix se chargeant de sarcasme.
— Un accident ?
Elle ajouta, plus sèchement :
— C’est tout ? C’est ce que vous appelez un « accident » ?
Abigail sentit sa frustration monter face au ton de Kim. Elle détourna le regard, fixant son verre à moitié plein.
— Oui, c’était un simple accident. On a trop bu, on s’est retrouvées en état d’ébriété, et… on a fini au lit.
Kim secoua la tête, exaspérée par la manière dont Abigail minimisait les choses.
— C’est juste ça pour vous ? Une simple erreur causée par l’alcool ? Rien de plus ?
Abigail vida son verre d’un trait, puis répondit froidement :
— Il n’y a rien de plus.
Kim tenta de répliquer, commençant par un « Mais… », mais Abigail la coupa d’un ton autoritaire :
— J’ai dit : rien de plus. Fin de la conversation.
Abigail se leva de son tabouret, reprenant contenance, et ajouta :
— Les derniers clients quittent l’hôtel demain. N’oubliez pas que ce week-end, nous avons un gala au casino. Vous ferez les stocks en conséquence. Et quand Marck reviendra après-demain, avertissez-le.
Kim ne répondit pas, se contentant de fixer Abigail. Devant ce silence, la patronne insista, d’un ton ferme :
— Vous avez compris, mademoiselle Johnson ?
— J’ai compris, répondit Kim, la voix serrée.
Satisfaite, Abigail tourna les talons et se dirigea vers les ascenseurs, laissant Kim seule derrière le bar, une tension sourde pesant encore dans l’air.
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Le Moncelino
Teen FictionKim, une jeune femme ordinaire, décide de briser sa routine en visitant le Casino Moncelino un lieu luxueux mais dangereux, dirigé par Abigail Moncelino, une figure redoutée de la mafia locale. Après avoir perdu de l'argent, Kim se retrouve piégée p...