18. MARJORIE

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La terrasse, en ce vendredi matin, est baignée de soleil, comme toujours à cette heure. La journée promet encore d'être très chaude. Certainement plus chaleureuse que la conversation par SMS que j'ai eu avec Cyrielle la veille, et qui me reste un peu en travers de la gorge, je dois l'admettre. Elle n'était à nouveau pas disponible pour notre appel en visio quotidien. J'ai accusé le coup, comme je le fais toujours, mais je dois avouer que je suis un peu déçue de voir que je ne lui manque pas autant qu'elle me manque. Je n'arrive pas à être en colère cependant. Je suis la principale fautive de cette distance qui s'est installée entre nous au fil des années. Comment lui faire comprendre qu'elle peut tout me dire, tout me raconter de sa vie, quand moi-même je ne sais pas le faire avec elle? Pourquoi est-ce si simple avec Lisa et Catherine, mais pas avec elle ? 


Je connais la réponse à cette question, même si j'ai du mal à l'admettre. Parce qu'elles savent déjà tout de moi... Parce que je n'ai pas peur de les faire fuir à la vue des stigmates que porte mon cœur. 

Ce premier jour de congé est l'occasion pour moi de paresser un peu, confortablement installée sur un bain de soleil dans le jardin en fleurs de Catherine, et de faire le bilan de cette première semaine de travail, même si, techniquement, elle n'a duré que trois jours. Mathias ne m'a plus montré aucun autre intérêt que celui d'un patron à son employée. J'en viens à croire que l'envie de flirter que je pensais avoir décelée chez lui n'est que le fruit de mon imagination sexuellement frustrée. Après tout, je n'ai que peu d'expérience en la matière, je peux très bien m'être fourvoyée. Alors que je me fustige mentalement pour avoir eu de telles pensées, mon téléphone annonce l'arrivée d'un message. C'est Léo. 

Salut ma belle! Ce soir, comme  
t

u le sais surement déjà, c'est  

soirée Karaoké au bar de Mathias.  

Je vais aller y faire un tour avec  

quelques collègues, j'espère que  

l'on s'y croisera !  

Son message me tire un sourire. Les événements de ces derniers jours m'ont presque fait oublier que j'avais revu Léo, lundi dernier. Je suis ravie à l'idée de le retrouver ce soir. 

Salut Léo ! Oui, nous y serons  
avec Lisa. À ce soir alors !  

Quand j'ai vu l'affiche annonçant le karaoké, en début de semaine, j'en ai tout de suite parlé à Lisa, et lui ai proposé que nous y allions ensemble. Lisa était mitigée, elle avait furieusement envie de prendre l'air mais elle s'en voulait horriblement, d'imaginer laisser Catherine toute une soirée seule. Lucas, qui était présent lors de notre discussion, s'est alors immediatement proposé pour être là le soir plutôt que le matin, étant donné que je serais présente pour garder un œil sur Catherine. Les étoiles plein les yeux, Lisa l'avait chaleureusement remercié d'un câlin bien trop long pour être qualifié de purement amical. Je soupçonne Lucas d'en avoir profité comme il se doit. Je ne suis apparemment pas très forte pour décoder les signes en matière de drague mais là, je ne pense pas me tromper en disant que Lucas n'a pas tourné la page, comme je le croyais. Quant à Lisa, elle ne semble pas si insensible que ça à son charme. J'en suis heureuse. Mais si Lisa ne m'en parle pas, elle qui est toujours si volubile, c'est qu'elle ne voit peut-être pas encore ce qui est sous ses yeux. Je me promets intérieurement de lui en parler, afin qu'elle ne se ferme aucune porte. 

La Mécanique des Cœurs brisésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant