27. MATHIAS

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De retour dans mon bureau, je m’affale sur mon siège et bascule la tête en arrière, plaquant les mains sur mon visage. Je suis dans une merde intersidérale ! Les images de notre baiser torride s’enchainent à la vitesse de l’éclair dans ma tête. Si Steven n’avait pas appelé Marjorie, je ne sais pas jusqu’où je serais allé. Probablement très loin. Assurément trop loin. Je me frotte les yeux très fort, en espérant y décoller le visage alangui de Marjo, ses joues rosies, ses lèvres si douces… 

Bordel, c'est une véritable torture ! 

Je ne sais même plus si je regrette ce qu'il s'est passé ou si j'ai envie de la retrouver immédiatement pour reprendre où on en était. Je n'ai pas oublié les paroles de Lisa. Je sais très bien que Marjorie ne cherche pas la seule chose que je suis capable de donner à une femme, à savoir quelques orgasmes sans complications ni relation. Mais putain ! Qu'est-ce qu'elle est bandante ! Non, plus que ça ! Elle est... sensuelle, mais chaste, dévergondée, mais hésitante... Elle est un flot de contradictions que je me serais fait un plaisir de démêler. Cependant, ça ne peut pas se reproduire. Je ne sais pas si je serai capable de me réfréner dans le cas contraire. Je dois juste... penser à autre chose. Je dois faire descendre cette trique qui me suit depuis les vestiaires. 

La comptabilité, c'est bien ça la comptabilité ! Ça n'a rien de particulièrement exaltant la comptabilité ! 

L'image de Marjorie habillée en secrétaire sexy me présentant le bilan comptable de l'année me traverse l'esprit, me prouvant ainsi que finalement, la comptabilité peut être complètement excitante… 

Alors que je m’attaque, non sans mal, à ma déclaration de TVA, une irruption soudaine dans mon bureau m’interrompt. Un Steven visiblement paniqué me fait face : 

— Chef, il faut absolument que tu viennes au Salon de Thé, y a un problème avec MJ ! 

Merde, Marjo ! 

Je me lève en trombe, alors même que j’ignore de quoi il s’agit, et me rue dans le couloir suivi de près par Steven. Je déboule dans la salle et fait face à une scène à laquelle je ne m’attendais pas du tout. 

— … aucun respect ! Tu ne l’emporteras pas au paradis, je te le garantis ! 

Une femme de dos aux cheveux grisonnants, invective mon employée postée derrière son comptoir de manière assez virulente si j’en crois les quelques clients attablés qui observent la scène avec stupeur. Mon attention se focalise immédiatement sur Marjo’. La femme téméraire et surprenante que j'ai embrassé tout à l'heure n'est plus. À sa place, se tient une statue de marbre. Stoïque et complètement hermétique. Aucune émotion ne transparaît sur son visage. Je suis abasourdi et ne comprends strictement rien à ce qu’il se passe. Mais, quelles qu’en soient les raisons, je me dois de déverrouiller cette situation. Je m’avance à grands pas vers la femme, toujours retournée, et me place à ses côtés, à une distance raisonnable, pour attirer son attention : 

— Madame… Je peux peut-être vous ai… 

Les mots se bloquent dans ma gorge quand je reconnais la personne qui me fait désormais face. Nadège Torrain. La sœur de Muriel, la mère de Marjorie. 

Une colère sourde me brûle soudain la poitrine, je ne peux pas rester sans rien faire ! Je la reconnais, cette rage sournoise, qui reprend possession de moi, aussi facilement que si elle m'avait quitté la veille. Je me contrains à la retenue et parviens à ne laisser transparaître qu'une infime partie de mon iceberg de fureur quand je pose une main, qui se veut respectueuse, sur l'épaule de Nadège : 

La Mécanique des Cœurs brisésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant