25. MATHIAS

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— Mmmmh Mathias , tu veux bien arrêter cette foutue sonnerie ? 

La voix assurément féminine qui se fraie un chemin dans les limbes de mon cerveau embrumé achève de me réveiller complètement 

Merde... Il se passe quoi là ? 

Je me redresse instantanément, hagard, mes yeux furetant à droite, à gauche. Je suis chez moi, c'est déjà ça. Les battements de mon cœur s'affolent quand mon regard tombe sur la blonde étendue sur le ventre, en sous-vêtements à mes côtés. Sa tête est enfouie dans l'oreiller mais je reconnais le tatouage en forme de libellule dans son dos. 

Et merde... 

La douleur caractéristique des lendemains de beuverie irradie dans mon crâne quand Gwen se redresse et s'adresse à moi. 

— Outch ! On a peut-être un peu abusé sur la bouteille hier, non ? 

Elle appuie ses doigts sur sa tempe, signe qu'elle est probablement dans le même état pathétique que moi. Je pourrais en rire. C'est d'ailleurs ce que je ferai si je n'avais pas autant déconné. La baise avec Gwen, j'imagine que ce n'est pas un problème, même si les souvenirs que j'ai de notre nuit sont plutôt flous et décousus. Je ne suis même pas sûr de l'avoir baisée en fait. Non, le véritable souci est ailleurs. Hier soir, j'ai bu. Et ça, c'est un putain de problème. J'ai vraiment merdé sur ce coup-là, et ça ne me ressemble pas du tout. 

Assis sur le bord de mon lit, les coudes posés sur mes genoux, les doigts fourrageant dans mes cheveux, j'essaie de faire le point et de rassembler mes pensées qui s’emmêlent aux bribes de souvenirs de ma soirée de la veille. Hier... C'était le 14 juillet... Tout ce que j'avais à faire, c'était survivre à cette journée, en suivant à la lettre mon planning routinier, et en ne m'accordant pas une seule seconde de répit pour penser à ce que ce jour représente pour moi. Je suis resté délibérément à l'écart de ma famille, même si Lisa a tenté de m'appeler plusieurs fois. J'ai même cru que je m'en sortais plutôt bien, jusqu'à ce que dix-sept heures sonnent. L'heure à laquelle Marjorie finit son service au Salon de Thé. Je l'ai attendu derrière mon comptoir, tandis que je finissais ma mise en place. Même si elle ne travaillait pour moi que depuis peu, elle avait pris l'habitude de venir goûter l'un de mes cocktails-surprise avant de rentrer à la maison. Je tentais de l'étonner avec une quelconque saveur inattendue et elle, me ravissait de son joli minois et du récit de ses années passées loin de nous. C'était devenu notre truc, et c'était très bien. Sauf qu'hier, elle n'est pas venue. Le cocktail confectionné pour elle est resté sur le comptoir jusqu'à ce que les glaçons fondent au même rythme que mes espoirs. Nous nous sommes à peine croisés depuis le Karaoké de vendredi soir et, même si elle reprenait le boulot aujourd'hui, elle m'a fait l'effet d'un courant d'air. Vive, éphémère et froide. J'avais pris goût à nos petits jeux, à ces petits moments hors du temps où je pouvais croire que j'étais encore le minot qui craquait pour la copine de sa sœur et qui tentait de la faire sourire par tous les moyens. C'était agréable d'oublier, l'espace d'un instant, qu'un fossé remplis de secrets et d'inconnu nous séparait. Je sais qu'elle m'en veut de tenter de la détourner de Silvero, mais c'est plus fort que moi. Je ne le sens pas ce type. Depuis qu'il sait qu'il a du succès avec les femmes, il en use un peu trop, quitte à parfois flirter avec les limites du consentement. Ceci dit, je n'ai aucune preuve. Ce ne sont que des bruits de couloirs collectés par Maggy auprès de quelques-unes de ses anciennes conquêtes. Et si je disais à Marjorie que je soupçonne son pote de lycée de ne pas être très correct avec les filles, je sais d'ores et déjà qu'elle ne m'écoutera pas, voire qu'elle tentera de me prouver le contraire en le laissant la séduire. Et ça, c'est hors de question. Le fait est que son absence d'hier soir à notre rendez-vous tacite a quelque peu mis à mal le contrôle que j'essayais de maintenir en ce jour maudit. Et l'arrivée de Gwen, à quelques minutes de la fermeture, n'a rien arrangé, c'est certain. 

La Mécanique des Cœurs brisésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant