24. MARJORIE

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— Tu n'as pas trop froid, tu es sûre ? me demande Lisa pour la troisième fois depuis que je suis montée dans sa voiture, après avoir rendu la mienne à l'agence de location. 

— Non, toujours pas Lisa, réponds-je, un petit sourire contrit aux lèvres. 

Elle tripote les boutons de la climatisation, encore, puis marmonne quelques paroles inintelligibles avant de reposer les mains sur le volant, son pouce pianotant sur un rythme imaginaire. Elle est nerveuse. Je sais qu'elle brûle de me dire quelque chose par rapport à la soirée d'hier. Et ça m'angoisse. Parce que je ne sais pas trop quoi en dire. Mathias a été un gros con en s'imaginant qu'il avait le droit de me dire quoi faire de ma vie ou qui fréquenter. Quant à notre petite danse improvisée, j'imagine qu'il n'y a pas grand chose à en dire. Non ? Ce n'était qu'un souvenir nostalgique partagé entre deux vieux amis. N'est-ce pas ? Deux amis qui se connaissent depuis longtemps et qui étaient ravis de se retrouver. Après tout, la danse c'était notre truc à tous les trois quand nous étions plus jeunes. Il est donc normal de se retrouver autour de ce thème. 

Alors, pourquoi étais-tu si chamboulée de le sentir tout contre toi, hein ?  

J'ai bien réfléchi depuis la veille, comme je sais si bien le faire. Mathias est devenu un bel homme, grand et fort, c'est indéniable. Il se peut que j'ai été un peu intimidée par cette soudaine proximité, que ce soit au moment de la danse ou de notre rencontre inopinée dans le garage, moi qui n'ai jamais laissé personne s'approcher autant de moi, mis à part Sébastien. Et puis qui sait, j'ai peut-être chopé une insolation ? Mais oui ! C'est forcément ça ! Ce qui expliquerait les battements de cœur qui s'affolent, les frissons et les pensées délirantes. Devant cette évidence frappante, j'éclate d'un rire incontrôlable. Lisa me jette un coup d'œil visiblement indécise face à mon hilarité soudaine. 

— Est-ce que... tout va bien ? 

Je suis tellement rassurée d'avoir trouvé une explication plausible à toute cette histoire autour de Mathias que je ne peux m'empêcher de répondre à Lisa, un grand sourire aux lèvres. 

— On ne peut mieux ! 

Lisa est perplexe, je le vois et toujours aussi nerveuse, mais mon soudain accès d'allégresse doit l'encourager puisqu'elle finit par me questionner. 

— Marjo... Tu veux bien me dire ce qu'il s'est passé hier avec Mathias ? 

C'est donc bien ce sujet-là qui la préoccupait. Pas peu fière de ma petite introspection fructueuse, je lui réponds sans tarder. 

— Il a été odieux envers Léo et ça ne m'a pas plu, donc, pour une fois, je me suis un peu rebellée. 

Lisa hoche la tête pensivement. 

— Oui... Je ne sais pas trop ce qu'il a à lui reprocher à ce Léo. Pour tout te dire, depuis le lycée, je ne l'ai croisé que très rarement et nous ne nous sommes échangés que des banalités. Est-ce que tu l'as questionné à ce sujet ? 

Je suis obligée de l'avouer, je n'ai pas vraiment cherché à savoir ce qui pouvait bien attirer la profonde antipathie de Mathias envers mon vieil ami. Il faut dire que mon boss est désagréable avec la majeure partie des personnes qui l'entourent. Il peut être au mieux bourru avec celles qu'il tolère. Donc, je n'ai pas pensé une minute qu'il y avait réellement une raison à son hostilité. C'est Léo quoi... 

La Mécanique des Cœurs brisésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant