Une jeune femme de seize ans qui se pavane devant le soleil couchant. Je regarde encore cette image parfois. Elle avait des défauts cette image. Le cadrage amateur, le filtre Instagram trop saturé claqué au-dessus, la barre à selfie qui apparaît dans le coin. Mais ça reste un beau souvenir.
Cela fait des semaines que je n'ai pas osé regarder à l'extérieur. Les volets sont fermés constamment. On dit que par endroit, la lumière arrive brièvement à passer entre les épais nuages de fumée, mais le reste du temps, il fait nuit. Nuit, noir, froid, silencieux.
Le présentateur à la radio dit que ça finira par s'arranger. Peut-être la semaine prochaine. Peut-être le mois prochain. Comme si ça allait changer quoi que ce soit. Dans tous les cas, personne n'a le droit de sortir pendant encore quelques mois. Le temps que l'air devienne respirable.
La voisine d'en face n'a pas respecté les consignes. J'ai vu sa peau, couverte de cloques inquiétantes, lors du dernier ravitaillement. Depuis, elle n'a pas reparu. Peut-être qu'elle en est morte. C'est ce que j'ai lu dans les rares tressautements du wifi. Des cancers fulgurants, des gens qui brûlent de l'intérieur et qui meurent en quelques jours. Une lente agonie.
Un tiers de la population mondiale est morte sur le coup, et un dixième supplémentaire dans les jours qui ont suivi.
Parfois, je me demande si avoir survécu est un sort plus enviable. Ce n'est pas une vie. L'enfermement constant, ça fait des choses à la tête. Sans compter l'absence d'eau et d'électricité. On ne sait à quel point on en a besoin que lorsque l'on en a plus.
Au moins, les explosions ont cessé. Reste-t-il seulement des gouvernements pour les commanditer ? À ce stade, j'en doute. Seules les associations risquent encore leur vie pour nous venir en aide, mais leurs passages sont de moins en moins nombreux. Quand elles ne viendront plus, que se passera-t-il ? J'ai du mal à l'envisager.
Dehors, plus rien ne pousse, et plus rien ne poussera avant des années. Va-t-on devoir se battre pour une boîte de conserve ? Je ne sais pas si j'ai envie de vivre dans cette réalité.
Mais il faudra bien s'y faire. Un jour après l'autre, une boîte de raviolis froide après l'autre.
Avec l'hiver nucléaire vient le règne de l'obscurité.
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Faucheuse en grève | Writober 2024
Short StoryCette fois-ci, c'en est trop ! La Faucheuse n'en peut plus ! Assumer le travail de sept milliards de personnes à elle toute seule, c'est déjà beaucoup, mais si en plus elle doit faire acte de présence pour un défi d'écriture d'un mois sans rémunéra...