Jour 26 - Bonbons vivants

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« Bonbons hantés, ne pas toucher. » pouvait-on lire sur la pancarte devant l'étrange manoir du bout de la rue.

Jonas fronça les sourcils, son petit panier citrouille collé contre son coeur. La récolte n'avait pas été bonne cette année, malgré son costume Batman des plus réussis.

Il s'y était pris trop tard. Sa maman n'avait pas voulu qu'il sorte avant la tombée de la nuit. Résultat : tous les adolescents étaient déjà passés dans les maisons de la rue et avaient vidé tous les seaux de bonbons. Il avait bien tenté de protester en toquant aux portes, mais soit les adultes n'ouvraient pas, soit ils refusaient de rajouter des bonbons dans le seau, lui assurant que c'était tout ce qu'ils avaient. Jonas avait bien lancé des oeufs sur leur fenêtre pour se venger, mais malheureusement, il était vite arrivé à cours de munitions.

Alors quand il avait vu ce seau débordant de friandises intouchées, il avait couru pour y arriver le premier. Il n'avait remarqué qu'après cinq minutes qu'il s'agissait de la maison du vieux Bernard, un vieillard effrayant qui n'aimait pas les enfants. Certains de ses amis à l'école disaient que toute personne qui toquait à sa porte disparaissait pour toujours. Jonas, lui, était trop grand pour croire ses bêtises.

Et puis des bonbons hantés ? Qu'est-ce qu'ils allaient lui faire ? Le faire voler comme un fantôme ? Le rendre invisible ? C'était quand même vachement cool comme effet secondaire. Il n'y avait pas de quoi avoir peur.

Jonas regarda à droite, puis à gauche. Personne en vue. Tout le monde évitait le manoir. Il savait que la coutume disait de ne prendre qu'un bonbon dans le seau, mais si les adolescents de la ville ne respectaient pas cette règle, lui non plus !

Il attrapa une grosse poignée de bonbons dans le seau et le glissa dans son panier citrouille.

Immédiatement, les bonbons disparurent. Jonas cligna des yeux, confus, avant que sa tête ne se mette à tourner. Le panier citrouille s'écrasa au sol, puis Jonas s'écrasa de tout son poids dessus, le faisant exploser en des centaines de petits bouts de plastique oranges.

Et puis, tout noir.

Quand Jonas se réveilla après ce qu'il lui parut être une éternité, il n'arriva pas à bouger ses jambes. Ou ses bras, d'ailleurs. Il se trouvait en bas de falaises de métal qui l'encerclaient entièrement. Il voulut appeler à l'aide, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Parce qu'il n'avait plus de bouches, de bras ou de jambes. Il était rond, doux et épais comme.... Comme un bonbon.

Jonas paniqua, voulut tourner sur lui même. À ses côtés, d'autres bonbons le fixaient du regard, silencieux, effrayés.

Au loin, il entendit ses parents criaient son nom. Il aurait tellement voulu leur répondre, mais il n'en avait pas la force.

Bientôt, une grande forme s'approcha des montagnes de fer, que Jonas avait fini par comprendre être le seau qu'il avait vu plus tôt, avec les bonbons hantés. Le vieux Bernard se pencha au-dessus du trou.

— Eh bah, on dirait que la récolte a été bonne cette année.

Sa grosse main descendit au fond du trou, et saisit Jonas du bout des doigts. L'enfant trembla, chercha à se débattre, mais ne le put pas. Dans un cri silencieux, il fut jeté au fond du gosier du vieux et avalé, comme s'il n'avait jamais existé. 

Faucheuse en grève | Writober 2024Où les histoires vivent. Découvrez maintenant