Jour 23 - Poisons et poissons

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— Je vous jure que c'est pas ma faute, cria le commis alors que tous les regards se tournaient vers lui.

— Écoute, Jérôme... C'est pas qu'on te croit pas, mais c'est quand même un peu gros que ce soit avec le poisson que tu cuisinais que le chef s'est empoisonné. T'as mis quoi là dedans ?

— J'ai juste suivi la recette qui était marquée sur le papier, moi ! J'ai rien fait, promis !

Le second se frotta le front, fatigué par cette journée interminable. Entre le meurtre du chef en plein milieu de la salle et la panique des clients qui avait suivi, ils risquaient la fermeture chaque seconde de plus restée dans cette cuisine. Il était à peu près certain que l'inspection sanitaire avait déjà été appelée. S'il ne résolvait pas ce problème dans les prochaines minutes, il ne pourrait pas cacher les preuves avant qu'il ne soit trop tard.

— Fais goûter ton poisson qu'on en finisse, grogna le second.

— Vous êtes sûr, m'sieur ? Si ça a tué le chef, peut-être qu'il vaut mieux pas...

— Tu as quelque chose à cacher, oui ou non ?

— Non !

Le commis attrapa une cuillère et récupéra un peu de la sauce. Le second fronça les sourcils.

— Il est où le poisson ?

— Bah... Dans vos mains ?

— Comment ça dans mes mains ? Il n'y a que de la sauce.

— Bah... Je sais pas ?

— Jérôme, vous savez bien ce qu'est un poisson, non ? Des écailles, une queue ? Des branchies ? Un poisson. Où il est ?

— Ah... Je comprends mieux. Hum... M'sieur, c'est peut-être le moment où je dois vous dire que je suis dyslexique. Moi, le poisson, le poison, je vois pas trop de différence vous savez... J'ai juste vu poison doré alors j'ai acheté un truc qui y ressemblait sur Le Bon Coin... Je savais pas que c'était du poison, promis. Je pensais juste que la recette, bah, qu'elle était un peu bizarre quoi.

Le second soupira lourdement.

— Jérôme, à combien de personnes est-ce que tu as servi ton « poisson » ?

— Bah... À tout le monde, c'est pour ça que le chef, il est allé en salle pour se faire féliciter ?

Le second tomba à genoux sur le sol. À quoi bon ? Le restaurant allait fermer à la seconde où l'inspecteur sanitaire passerait les portes. Sans compter la cinquantaine de clients qui risquaient d'y passer dans les heures qui arrivaient. Il retira sa toque.

— Je démissionne. Débrouillez-vous sans moi. 

Faucheuse en grève | Writober 2024Où les histoires vivent. Découvrez maintenant