Faucheuse en grève | Writober 2024

Jour 10 - Visions d'autrefois

Juliette n'aimait pas sa chambre. Elle voulait rentrer chez elle. Ses parents l'avaient traîné de force sur ce grand paquebot. « Ce ne sera que l'affaire de trois semaines, et tu vas voir, on va bien s'amuser », lui avait dit son père. Mais voilà, ça faisait maintenant une semaine et elle ne s'amusait toujours pas.

La nuit, dans son lit, il se passait des choses étranges qu'elle ne comprenait pas. Parfois, sans explication, la pièce se mettait à tanguer et elle se retrouvait de l'autre côté. Elle ne saurait expliquer ce qu'était l'autre côté, mais ce n'était pas son présent.

Elle se retrouvait dans une chambre qui n'était pas la sienne, pleine d'objets bizarre qui semblaient tirés des vieux dessins animés de princesses qu'elle regardait parfois à la maison. Est-ce qu'elle était revenue au Moyen ge ? Non, ce n'était pas si différent que ça de son époque, et ils avaient l'électricité. Peut-être avant la Première Guerre Mondiale ? Elle n'était pas certaine.

Quand elle se sentait assez courageuse, comme aujourd'hui, elle sortait du lit aux couvertures brodées pour se promener sur le bâteau. Les gens la regardaient étrangement. Il fallait dire qu'avec son T-shirt Spiderman, elle détonait pas mal dans le décor d'époque. Toutes les femmes avaient des longues robes colorées, et les hommes de grands chapeaux qu'ils soulevaient à son passage. Beaucoup d'entre eux fumaient constemment, ce qui ne devrait pas être bon pour leurs poumons. La maîtresse lui avait dit une fois.

Alors qu'elle explorait le bord du pont supérieur, curieuse, elle remarqua dans la distance un gros rocher qui sortait de l'eau. Non, pas un rocher. C'était composé de glace. Un iceberg peut-être ? La jeune fille pensa que le bâteau s'en rapprochait quand même rapidement, mais le capitaine allait forcément s'en rendre compte, n'est-ce pas ?

Il ne s'en rendit pas compte. Quelques secondes plus tard, la coque du bâteau s'écrasa contre la glace, la contraignant à s'aggriper de toutes ses forces à la rembarde pour ne pas tomber.

Une fois stabilisé, le bateau émit un drôle de bruit.

Sur le pont, des matelots en costume demandèrent aux personnes présentes de regagner leurs chambres. La jeune fille décida qu'il fallait sans doute mieux regagner le lit pour rentrer chez elle. Malheureusement, quand elle entra dans sa chambre, elle eut le malheur de tomber sur un monsieur à l'air sévère, qui lui dit qu'elle s'était trompé de chambre et que sa place était dans le quartier des pauvres, à en juger par sa tenue indécente.

Juliette tenta bien de défendre sa cause, mais le monsieur en colère appela la sécurité. Un matelot la tira vers les étages inférieurs, alors qu'elle se débattait de toutes ses forces. Rien n'y fait. On la jeta dans une pièce remplie d'autres personnes, et la porte claqua à son nez. Outrée, elle chercha du regard une autre sortie.

Ses yeux butèrent sur le mot écrit en grand sur le mur.

Titanic.

Tétanisée, la jeune fille sentit à peine l'eau qui remontait déjà ses chevilles, alors qu'autour d'elles, les inconnus commençaient à paniquer.

Elle ferma les yeux. Ce n'était qu'un cauchemar. Elle se réveillerait bientôt.

Lorsque ses parents vinrent la réveiller le lendemain matin, ils ne trouvèrent qu'un lit vide et humide.