Après une courte et indescriptible transition entre deux moments majeurs, deux époques de ma vie, je me tiens maintenant devant une lourde porte en chêne. Cette fois-ci, j'ai vingt-six ans, et dans quelques instants, je m'apprête à ouvrir le lourd panneau de bois, sur ce que je suppose être, le cloître du couvent en ruine.
Au-dessus de moi, de part et d'autre de la porte, plusieurs figures sculptées, représentant des anges béats et des démons grimaçants, semblent m'observer avec curiosité. Elles doivent se demander, tout comme moi, ce que cette pauvre âme esseulée fait en ce lieu abandonné depuis sûrement plusieurs siècles. À vrai dire, quelque part, je me le demande toujours.
Si je me suis rendue ici, ce n'est pas de gaieté de cœur, mais parce que c'est le lieu où doit se dérouler ma toute dernière mission, celle qui m'a été confiée il y a déjà plusieurs semaines de ça, par mon dernier employeur. L'homme, un vieux marchand, m'a envoyée ici pour récupérer—d'après ses dires—une sorte de reliquaire magique, qui contiendrait encore le sang d'un moine décédé il y a plus d'un siècle.
Le soir de notre rencontre dans cette vielle gargote qui sert de taverne, il avait ajouté à ses explications, que ce reliquaire soi-disant magique, lui apporterait la vie éternelle et sa jeunesse d'antan. Pour moi, tout ce qui m'importait ce soir-là, c'était la paye plus que généreuse qu'il m'avait fait miroiter et, qui m'attendrait bien sagement à mon retour si j'arrivais à récupérer ledit objet.
Toujours avec cette désagréable sensation d'être suivie, qui me colle à la peau depuis que j'ai quitté cette vieille gargote l'autre fois, je sors de mes pensées et, dans un soupir, en m'aidant de mes jambes, je tire de toutes mes forces sur la massive porte vermoulue. Elle se met à grincer en s'ouvrant sur l'extérieur et au bruit désagréable qu'elle fait, ça ne fait plus aucun doute ; les gonds n'ont pas été oints depuis bien des décennies.
En un instant, je franchis le seuil pour m'avancer vers le cloître.
C'est là, sous la pâle lueur d'une lune moribonde, au sein de statues marmoréennes dévorées par des lierres, que je découvre enfin quelque chose qui me paraît digne d'intérêt. M'aventurant plus en avant, c'est devant les cinq statues que j'ai pour unique public, que je m'exclame :
— Je rêve ?
Je ne sais pas si je dois rire ou fuir. Ce qui se trouve devant moi a tout d'une sorte de mise en scène, plus que tout autre chose.
Un fier piédestal de fortune se tient à trois mètres de moi, juste devant l'une des cinq figures minérales, devant la seule qui se trouve érigé au centre de ce lieu et étonnamment, le reliquaire tant convoité siège sur celui-ci, bien en évidence. Il est posé là, sur cet étonnant support, sans que rien, ni personne, ni le temps, ni les éléments, ne le touche depuis tout ce temps.
Non, une telle chose est juste impossible.
Mais ce qui me déplaît le plus dans tout ce que je vois, ce qui me fait dire que tout ça est une sorte de mise en scène qui m'est personnellement destinée. C'est que la fiole de verre désirée, contenant le liquide grenat et ornée de dorures dignes d'un magnifique bijou, été placée avec délicatesse sur une étoffe de toile sombre.
Mon inquiétude, qui était déjà bien haute, monte encore d'un bon cran. Je dirais même qu'en réalité, intérieurement, elle explose.
— Manifestement, le vieillard s'est moqué de moi, dis-je en marmonnant.
Tout en réfléchissant à la situation, j'étudie en silence les statues aux formes humanoïdes.
Les sculptures, celles qui sont placées aux quatre coins de la cour, représentent des silhouettes humaines encapuchonnées, observant le sol, paumes ouvertes vers le ciel et bras tendus vers leur sœur de marbre au centre. Elles me donnent l'impression d'implorer en silence cette dernière, devant laquelle se trouve la relique qui m'intéresse. Contrairement aux quatre autres, cette statue représente un ange, ou plutôt une ange, tendant ses bras de pierre au-dessus de sa tête, son regard porté vers les cieux.
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- Schen ùndjé -- Le sang des innocents -
VampireIl s'agit de mon 1er roman en cours d'écriture: Post face: Je m'appelle Lara Keeble. J'ai presque cent quatre-vingt-dix ans. Je suis ce qu'on appelle communément un vampire. Je ne suis pas celui tout à fait celui de vos histoires qui hante vos nuits...