HUIT

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Le trajet pour nous rendre en proche banlieue, sur le lieu de l'intervention demandé, ne nous prend pas plus d'une dizaine de minutes. Pendant ce court moment de tranquillité, nous en avons profité pour échanger quelques banalités sur l'actualité de ces derniers jours, et sur les derniers évènements de nos vies.

Mais surtout, on a profité pour discuter de l'affaire en cours et des informations qu'Eugène avait transmis à Jean. Les voisins se seraient plaints d'une odeur atroce qui émanerait de l'un des appartements. Il avait aussi évoqué qu'une horde d'oiseaux avait probablement investi les lieux.

Ce n'est qu'en arrivant à une centaine de mètres du quartier que nous pouvons constater que cette dernière information transmise par Eugène est exacte. Il y en a bel et bien des oiseaux au-dessus de nous et ce sont bien des corbeaux, rassemblés en grande quantité.

Je dois dire que même moi qui suis par essence un peu un oiseau de nuit, voir autant de ces volatiles voler en cette heure, est quelque part un spectacle intrigant. Car les corbeaux ne sont pas pour ainsi dire, des oiseaux nocturnes.

— Arrête-toi là, lui dis-je en lui montrant du doigt une place de parking libre, située à quelques mètres du cadavre d'une voiture incendiée l'hors de récentes échauffourées.

Les faits se sont déroulés la semaine dernière, entre la police et des groupes de jeunes de la cité, avide de tuer du flic. C'était encore l'une de ces nombreuses histoires de contrôle d'identité, qui a encore mal tourné. Un de plus qui comme bien trop souvent ces dernières années, commence par un refus d'obtempérer et se solde presque toujours par la mort de l'un, ou de plusieurs des fuyards, entraînant inévitablement des émeutes dans les quartiers chauds.

— Quoi ? Mais pourquoi ?

— Je t'aie dit de t'arrêter là, on est arrivé.

— Hein ? Mais comment tu sais ça ? Je ne t'ai même pas donné l'adresse.

Hum, s'il savait.

— Ralenti un peu s'il te plait.

D'un doigt, je lui indique un groupe de corbeaux qui vole à proximité de l'une des fenêtres du septième étage d'un immeuble.

— Jean, vois-tu les corbeaux au septième ?

Il opine et ralentit la voiture puis, il penche sa tête au niveau du pare-brise pour observer l'endroit que je lui indique.

— Non, pas vraiment. Tu sais... Il fait nuit et des oiseaux noirs...

Je soupir tout en me rappelant finalement, ce que c'est d'avoir une vue humaine si limitée.

— Crois-moi Jean, c'est ici. Allé gare-toi là, dis-je en insistant. On sera bien ici.

Il hésite, puis finit par se plier à ma requête.

— Si tu le dis, dit-il peu convaincu. Mais j'espère juste, que tu ne te plantes pas, Lara. Je n'ai pas envie de passer une éternité ici pour rien. Et puis...

Il jette un regard circulaire sur les environs de la cité, qui défilent lentement autours de nous.

— Il y a comme quelque chose ici, que je n'arrive pas vraiment à définir. Quelque chose dans le coin qui me hérisse le poil...

— Arrête un peu de ronchonner. Je suis certaine de ce que je dis.

— Parfois Lara, tu me fais peur.

— Et tu ne sais pas à quel point, je peux te faire peur mon petit loup.

Alors que je le déstabilise quelque peu avec ma dernière remarque, un grand sourire carnassier se dessine sur mon visage.

- Schen ùndjé -- Le sang des innocents -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant