VINGT DEUX

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Après plus de trois quart d'heure de trajet et quelques détours sur les routes de campagnes, on arrive enfin à notre destination. Jean gare le véhicule sur une allée boueuse, près de la résidence des Boncourt, le moteur toujours en fonctionnement pour conserver un brin de chauffage dans l'habitacle.

La demeure des Boncourt est d'une simple petite maison de deux étages, assez isolée des autres, aux murs couleurs crème, a la toiture couverte d'ardoises et dont le jardin attenant à la forêt voisine fait plus d'une centaine de mètres carré.

— Tu penses que ses parents sont actuellement au domicile ?

— Franchement Lara, je ne sais pas. Le seul moyen de le savoir, c'est d'aller voir. Non ?

— T'as probablement raison.

— C'est bien, tu écoutes enfin la voix de la sagesse.

— C'est ça, dans tes rêves, oui, lui dis-je sarcastiquement.

Il coupe le moteur, ouvre sa portière en premier, puis je fais de même et tous deux, nous sortons ensemble de la voiture dans une étrange chorégraphie.

Toujours à côté du véhicule, je jette un regard circulaire autour de moi, puis pendant un moment je scrute la bâtisse en silence, à la recherche d'un quelconque signe de présence et il me faut peu de temps pour remarquer qu'à l'une des fenêtres du premier étage, l'un des rideaux de toile bleuté vient de légèrement bouger. Quelqu'un semble avoir épié notre arrivé avec une certaine curiosité.

On dirait bien que nous ne sommes pas venues ici pour rien.

— Jean, il y a quelqu'un au premier.

Je lui montre l'édifice de l'index.

— Tant mieux, je me voyais mal faire tout ce trajet pour rien.

— On aurais pu les prévenir de notre venue, tu ne crois pas ?

— Oui. Mais on risquait aussi de voir cette Justine nous échapper.

— Peut-être bien.

— Maintenant qu'on est là. On y va, on ne va pas rebrousser chemin pour de foutus politesses.

Chacun à notre tour, nous franchissons le portillon en acier peint de vert et installé en bordure de propriété, puis nous traversons la cour restée boueuse à la suite de la dernière intempérie. Une fois arrivés devant la porte d'entrée, Jean se positionne derrière moi et me donne une petite tape sur l'épaule.

— Vas-y, sonne. Et cette fois-ci, tu me laisse faire. On est d'accord ?

— Oui. Mais je ne peux rien te promettre.

J'appuie sur le bouton de la sonnette une première fois, puis j'attends quelques instants, avant de le faire de nouveau.

Après une minute ou deux à patienter sous les quelques flocons, dans la pièce située derrière le panneau de bois au verni écaillé, une personne s'approche et fait tourner plusieurs fois un lourd jeu de clef dans la serrure.

La porte s'entre ouvre et une femme d'une bonne quarantaine d'années bien tassées, les cheveux au carré et grisonnants, nous accueille en passant la tête par l'embrasure.

— Oui, bonjour.

— Bonjour madame Boncourt, nous sommes désolés de vous déranger. Je m'appelle Sarah Keller, j'étudies à la Sorbonne avec votre fille. Et voici le commandant Duval du SRPJ de Versailles. Nous souhaiterions nous entretenir avec Justine, si elle est ici.

Elle me dévisage de la tête aux pieds, avec une certaine circonspection. Vue mon apparence actuelle, je ne peux que la comprendre, car ces derniers jours, les derniers événements auxquels j'ai fait face, ne m'ont laissé que peu de place pour faire un brin de toilette et changer de vêtements. Heureusement pour moi, que les taches de sang séchés ne sont pas vraiment discernables sur mes vêtements noirs, à moins de vraiment y prêter attention.

- Schen ùndjé -- Le sang des innocents -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant