NEUF

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C'est par les escaliers que nous accédons aux étages supérieurs. Et il ne me faut pas bien longtemps avant que l'odeur distinctive et infecte de la chair morte, soit maintenant nettement perceptible. Mais c'est une fois arrivés au cinquième étage, que l'odeur de la viande putréfiée me devient presque étouffante. Et plus nous approchons de notre destination, plus je me sens nauséeuse. Je dois batailler contre une urgente envie de vomi car c'est le genre d'odeur âcre, qui vous retourne l'estomac en un rien de temps. Et tout comme pour la salle d'autopsie, pour essayer diminuer quelque peu la gêne, je dois m'efforcer de respirer lentement et calmement par la bouche.

Une fois arrivés au septième étage, je luis indique le couloir de gauche complètement plongé dans les ténèbres, d'où semble provenir l'affreuse effluve porté par un ténu courant d'air frais. C'est l'une de ces odeurs à laquelle, je ne m'y habituerais jamais. La faute à mon odora, sûrement.

— C'est par ici.

— Comment peux-tu en être si certaine ?

— Crois-moi, j'ai du nez pour ça.

Il grogne un juron étouffé.

— T'a pas l'air bien. C'est toujours ta maladie qui te pose problème ?

— Non, c'est juste l'odeur ici qui me rend nauséeuse.

D'une main, il tâtonne sur le mur à la recherche d'un interrupteur, qu'il trouve après quelques tentatives hasardeuses. Puis il le bascule dans un petit bruit de cliquetis, mais rien ne se produit.

Et merde ! On n'y voit rien ici !

Manifestement, l'éclairage a lui aussi été autre victime de l'absence de fonds, normalement alloués à l'entretien des parties communes.

Je réagi avant qu'il ait l'idée d'utiliser un quelconque moyen d'éclairage. Sans compter que je suis la seule de nous deux, qui peut trouver la bonne porte uniquement à l'odeur. Eugène lui avait communiqué l'adresse de l'immeuble, mais dans sa conversation avec Jean au téléphone, il n'a pas eu d'indications précises concernant l'appartement que nous devons investiguer.

Ma belle, c'est à toi d'entrer en jeu.

— C'est bon, reste là, je vais passer devant. J'y vois assez bien ici, je te fais signe dès que j'ai trouvé la bonne porte. Et surtout, abstient toi d'utiliser ta lampe-torche. C'est bien compris ?

— Heu oui, mais pourquoi ça ?

— Tu sais, l'un des problèmes quand on est albinos comme moi, c'est qu'on a souvent les yeux très sensibles. Et vois-tu, je n'aime pas être accidentellement éblouie.

— Je vois. En fait, je veux dire, toi, tu y vois vraiment quelque chose ici ?

— Oui, très bien même. Depuis tout petite, les ténèbres ont toujours été mon terrain de jeu favoris.

Je fais quelque pas vers le sombre couloir, laissant derrière moi mon coéquipier étonné après une telle affirmation si surréaliste et ça, je peux bien le comprendre. C'est bien la première fois depuis que l'on se connais, qu'il me faut progresser avec lui, dans une telle quasi-obscurité.

C'est seulement après avoir fait quelques mètres dans le couloir, que je décide de prendre un risque avec Jean. Je dois finalement me résoudre à ôter mes lunettes pour y voir correctement. Car même pour moi, ici, elles me sont devenues une gêne. Je place mes verres sur le sommet de ma tête.

Je réitère encore une fois mon propos, ma vue est incontestablement supérieure à celle d'un quelconque être humain, mais je reste incapable de voir dans l'absence total de lumière. Au mieux, je suis tout juste capable de discerner les vagues contours des choses situées devant moi, mais rien de plus.

- Schen ùndjé -- Le sang des innocents -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant