Le Pacte de la Sirène

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(Storytober - Jour 29 - Pirate)

Il était une fois, dans les eaux tumultueuses de la Mer d'Émeraude, une redoutable capitaine pirate nommée Kathleen « l'Œil de Fer » Everit. Son navire, Le Spectre Écarlate, avait bravé maintes tempêtes et affronté d'innombrables ennemis, mais en cette nuit fatidique, il semblait que la mer elle-même voulait les engloutir tout entiers. Le vent hurlait tel une bête enragée, et les vagues noires s'écrasaient contre la coque en bois, secouant le navire comme s'il n'était qu'un jouet. L'équipage s'agrippait désespérément au gréement, criant tandis que les flots menaçaient de les emporter dans l'abîme.

« Tenez bon, bandes de chiens ! » tonna Kathleen, sa voix perçant le chaos. Mais dans son cœur, elle savait qu'ils ne pourraient pas résister à la tempête bien longtemps. La mer était devenue sauvage et vengeresse, et même la volonté de fer d'une pirate ne pouvait apaiser sa fureur.

Alors que le navire penchait dangereusement, une voix étrange, à la fois envoûtante et douce, résonna depuis les profondeurs. « Capitaine Everit, » chantait-elle, « cherches-tu un moyen de sauver ton équipage ? »

En se penchant par-dessus le bastingage, Kathleen aperçut une silhouette émergeant des vagues déchaînées : une sirène, sa chevelure semblable à des algues flottantes et ses yeux scintillant comme le bleu le plus profond de l'océan. Elle se nommait Jenibelle, une créature de légende, connue pour offrir ses dons à un certain prix.

« Que veux-tu, sorcière des mers ? » s'écria Kathleen au-dessus du vent rugissant, son unique œil se plissant en croisant le regard de la sirène.

« Ni ton âme, ni ta vie, chère capitaine, » répondit Jenibelle d'une voix cristalline comme le tintement de clochettes coralliennes. « Je ne demande que ton souvenir le plus précieux, celui qui vit au plus profond de ton cœur. »

Kathleen hésita, car elle chérissait de nombreux trésors dans ses souvenirs : des cartes menant à des îles perdues, la chaleur de l'or contre sa peau... Mais tandis que le navire gémissait sous ses pieds, elle savait qu'elle n'avait pas le choix. « Soit, alors, » grogna-t-elle, « prends ton prix et sauve mon équipage. »

Les lèvres de la sirène s'étirèrent en un sourire, et d'un geste gracieux, elle leva la main. La tempête commença à se calmer, les vagues s'aplanirent en doux remous, et la fureur du vent s'apaisa en un simple murmure. Mais tandis que la mer s'apaisait, un étrange vide se creusa dans la poitrine de Kathleen, comme si une partie d'elle avait été emportée par la marée qui se retirait.

Les jours passèrent, et bien que son navire soit sauvé, la capitaine Everit se sentait vide. Son rire n'était plus aussi fort, son esprit plus aussi ardent. L'équipage le remarqua aussi, murmurant qu'une ombre semblait peser sur leur capitaine. Car bien qu'elle puisse encore manier le sabre avec une habileté mortelle et diriger le navire aussi adroitement qu'auparavant, il y avait dans son œil une lueur qui semblait s'être éteinte, comme si une partie précieuse d'elle-même avait été arrachée.

Kathleen se demanda ce qu'elle avait perdu, mais la réponse lui échappait, telle un navire glissant dans le brouillard. Tout ce qu'elle pouvait saisir, c'était une vague sensation de chaleur, un parfum de roses sauvages, et le son d'une douce berceuse, mais le reste était aussi insaisissable que la brume.

Déterminée à récupérer ce qui lui appartenait, elle chercha de nouveau la sirène. Elle navigua jusqu'au cœur de la Mer d'Émeraude, là où les eaux scintillaient d'une pâle lueur verte, et appela Jenibelle.

« Ah, capitaine Everit, » répondit la sirène en émergeant, sa queue étincelant sous le clair de lune. « Qu'est-ce qui te ramène dans mes eaux ? Le prix que j'ai pris est-il devenu trop lourd ? »

« Je cherche ce que tu m'as volé, » dit Kathleen, sa voix chargée d'un désir qu'elle ne comprenait pas complètement. « Dis-moi, quel souvenir as-tu pris de moi ? »

L'expression de Jenibelle s'adoucit tandis qu'elle parlait. « C'était le souvenir de ta mère, capitaine, » avoua-t-elle. « La caresse de sa main sur ton front quand tu n'étais qu'une fillette, le son de sa voix lorsqu'elle te chantait pour t'endormir. C'est un souvenir aussi précieux que les étoiles. »

La révélation frappa Kathleen comme un coup. Elle se souvenait maintenant, d'une femme aux yeux brillants et au doux sourire, mais son image semblait floue, glissant entre ses doigts comme l'eau. « Rends-le-moi, » exigea-t-elle, la voix rauque de désespoir. « Je ne vivrai pas sans. »

Le regard de la sirène se teinta de tristesse lorsqu'elle répondit, « Je le ferais, mais un prix payé n'est pas si facilement défait. »

« Nomme ton prix, alors, » insista Kathleen, sa voix plus douce à présent, empreinte d'une supplique qu'elle s'autorisait rarement.

Pendant un moment, Jenibelle garda le silence, puis elle leva la tête, ses yeux brillants d'un désir inavoué. « Il n'y a qu'une chose que je désire en échange, » murmura-t-elle. « Laisse-moi prendre forme humaine et naviguer à tes côtés. J'ai toujours rêvé de marcher sur la terre ferme et de sentir le soleil sur ma peau, de vivre comme toi, même si ce n'est que pour un temps. »

Le front de Kathleen se plissa, mais le vide dans son cœur éveilla autre chose, quelque chose de curieux et de tendre. « Tu abandonnerais la mer ? » demanda-t-elle, presque incrédule.

« Oui, » répondit Jenibelle, « pour l'amour de la vie d'une pirate et la chance de te connaître au-delà de nos marchés. » Il y avait une lumière dans sa voix, une audace qui parlait de bien plus que de la simple curiosité.

Après une longue pause, Kathleen hocha la tête. « Soit, » dit-elle. « Prends ta place parmi mon équipage. Mais écoute bien, Jenibelle : trahis-moi, et tu découvriras que la mer ne connaît pas de fureur égale à celle d'une pirate. »

D'un éclat de magie, Jenibelle se transforma, sa nageoire se scindant en jambes, ses cheveux séchant en vagues auburn. Elle se tint sur le pont, incertaine mais rayonnante d'émerveillement, et à cet instant, Kathleen sentit le vide dans sa poitrine commencer à se combler, comme une mélodie oubliée retrouvant son chemin.

Les jours qui suivirent furent différents de tout ce que l'équipage avait connu. L'ancienne sirène prouva sa valeur en tant que marin, apprenant rapidement les rudiments du navire et assez audacieuse pour soutenir le regard de Kathleen sans ciller. Une légèreté était revenue chez la capitaine, une chaleur qui avait disparu depuis la tempête, et certains juraient l'avoir entendue fredonner une vieille berceuse alors qu'elle dirigeait Le Spectre Écarlate à travers des eaux plus calmes.

Bien que l'océan continue d'appeler le cœur de Jenibelle, la chaleur du soleil, le souffle du vent, et la compagnie d'une capitaine pirate semblaient tout autant la retenir. Avec le temps, leur lien grandit, forgé non seulement par des marchés mais aussi par la confiance et le désir silencieux qui les avaient attirées l'une vers l'autre dès le début.

Ainsi, la sirène trouva une vie sur la terre ferme, et la pirate retrouva le souvenir qu'elle avait perdu, mais gagna quelque chose de bien plus grand : un nouveau trésor, aussi précieux que tout ce qu'elle avait jamais cherché, et un amour que même la mer la plus déchaînée ne pouvait emporter.

Et elles naviguèrent ensemble, côte à côte, là où l'océan rencontrait le ciel, avec pour seul horizon la liberté.

Contes de fées pour petits et grandsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant