Chapitre 1 - Le retour inattendu

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Je n'avais jamais imaginé que je remettrais un jour les pieds a Winterbrook... Rien que le nom me ramenait à une époque lointaine, presque irréelle, que j'avais soigneusement enfouie sous des couches de souvenirs et d'indifférence. Winterbrook n'avait jamais été synonyme de rêve ou d'aventure, cette ville perdue au milieu des montagnes Jurassiennes était si différente de ma vie parisienne...

Pourtant...

Pourtant, en ce matin de décembre, mon chemin me ramenait vers ce passé que je croyais révolu.

Tout avait commencé une semaine plus tôt, un matin pluvieux, alors que j'étais en pleine réunion avec mon équipe. Mon téléphone avait sonné, affichant un numéro inconnu que j'avais failli ignorer. Quelque chose, cependant, m'avait poussée à répondre.

La voix à l'autre bout du fil appartenait à un notaire de Winterbrook, Monsieur Blanc. Lorsque j'ai entendu le nom de la ville, j'ai tout de suite su...

Le chalet.

Suite au décès de ma grand-mère quelques semaines plus tôt, j'aurai dû m'attendre à recevoir cet appel, mais je n'y étais pas préparé. Le notaire avait continué de parler, détaillant les formalités, mais j'avais à peine entendu ses mots. J'étais soudainement submergée par une image de ma grand-mère, ses mains ridées mais réconfortantes, son sourire chaleureux, et son rire apaisant tous les maux.

Les jours suivants avaient été rythmés par des nuits sans sommeil et des pensées confuses. Que faire de cet héritage ? Au fond de moi, je savais que ma grand-mère comprenait ma réticence à l'égard de Winterbrook et du chalet. Pourquoi avait-elle insisté pour que je le reçoive ? Après tout, elle aurait pu le vendre, ou le léguer à quelqu'un d'autre dans le village. Mais au lieu de ça, elle m'avait confié ce lieu.

Après de longues réflexions, j'avais finalement pris ma décision. J'irais à Winterbrook, mais pour une raison bien précise : trier les affaires, vider le chalet, et le vendre aussi vite que possible. Ce n'était qu'une étape, une obligation que je devais remplir pour tourner définitivement la page. Une fois cela fait, je pourrais reprendre ma vie à Paris, sans plus jamais regarder en arrière.

Winterbrook ne me retiendra pas longtemps. Aussi vite arrivé, aussi vite reparti. 

C'est aussi ça : le cycle de la vie...

Le jour du départ arriva rapidement. Ce matin, alors que je fermais la porte de mon appartement, un léger frisson me traversa, un mélange de nervosité et de quelque chose de plus difficile à identifier. Je mis cela sur le compte du froid et pris la route. Le ciel était d'un gris uniforme, annonçant probablement des chutes de neige, et les paysages changeaient peu à peu à mesure que je quittais la grande ville. Les autoroutes se firent routes secondaires, les routes devenaient des sentiers de campagne. Je m'enfonçais de plus en plus dans les montagnes jurassiennes, là où les villages devenaient rares et les habitations éparses.

Le GPS annonçait maintenant moins de trente minutes restantes, et un nœud se forma soudain dans ma poitrine. Un sentiment indéfinissable, une tension presque douloureuse. Mon regard errait sur le paysage enneigé autour de moi : les montagnes aux sommets enneigés, les sapins en rangs serrés qui semblaient m'observer, se refermant sur moi à mesure que j'avançais. Les flocons de neige commençaient à tomber doucement, formant une couche blanche sur la route, je ralentis pour ne pas glisser sur le verglas.

Je resserre les mains autour du volant, craignant de me laisser dériver comme mon cœur essaie de le faire au centre de ma poitrine. Il ne faudrait pas que je sois dans l'incapacité de rénover le chalet et surtout de rentrer à Paris. C'est hors de question !

En pénétrant dans Winterbrook, un grand panneau en acier me rappelle qu'il n'y a pas de retour en arrière. J'y suis. Je me sens soudain assaillie par un mélange de souvenirs et de visages oubliés. Les rues étroites et enneigées, les vieilles enseignes, les maisons aux volets colorés : tout semblait figé dans le temps.

Si j'ai changé, ici, tout est resté comme avant.

Lorsqu'au loin, je vois apparaître le chalet en bois, mon cœur frappe plus fort contre ma poitrine alors que mon souffle chaud rencontre les vitres froides, y laissant une certaine buée. Je ralentit, garant la voiture devant l'entrée. Lorsque le moteur s'éteint, le silence m'entoure. Je me sens soudain si seule. Plus seule que jamais... Le silence qui m'entoure dans la voiture se fait soudain pesant, seuls les craquements légers des arbres et le bruit étouffé de la neige semblent venir le troubler. Je reste assise un moment, observant le chalet à travers les vitres embuées de la voiture.

Enfin, je descends de la voiture, prenant un instant pour observer le chalet. Les murs de bois sombres, le toit pentu sous un épais manteau de neige, la cheminée de pierre : rien n'avait changé. Sauf qu'il était désormais inhabité... Je me revois avec mamie, à l'écouter me raconter ses récits de jeunesse près du feu crépitant, bien que je n'ai plus aucun souvenir de ces histoires désormais. J'aurai dû les noter quelque part, dans un carnet pour ne jamais les oublier.

Je repousse la bouffée d'émotion qui m'envahit. Je ne suis pas venue ici pour me perdre dans des souvenirs ! Ce chalet, malgré son charme, était un vestige de mon passé auquel je n'appartiens plus. Tout ce qui m'importe maintenant, c'est de m'assurer de vider le chalet et de le laisser entre de bonnes mains.

Je pousse un soupir en approchant du porche. À mes pieds, les marches grincent sous mon poids, et je me retiens au garde-corps pour ne pas glisser sur la glace. Le froid est mordant ici, bien plus qu'à Paris, et je ressens chaque rafale de vent comme un rappel de la rigueur de cet endroit. Je prends une grande inspiration, pose la main sur la poignée de la porte et ferme les yeux un instant. 

C'était le moment de dire adieu à Winterbrook, une bonne fois pour toutes.

Un noël sous les floconsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant