Je décide de prendre une journée pour moi.
Pas de marteaux, pas de peinture, pas de Lucas.
Juste le besoin de respirer loin des échos d'un passé qui semble vouloir m'engloutir.
Seule.
L'air est froid ce matin, mordant contre ma peau, alors que je pars avant l'arrivée de Lucas. Je lui ai laissé un mot sur la table, pour qu'il sache qu'on ne se croisera pas aujourd'hui et aussi pour lui souhaiter du courage. J'ai tout de même de l'affection pour lui, je me devais de lui donner une explication.
Je mets une écharpe épaisse autour de mon cou et enfile mes bottes, prêtes à affronter la journée, longeant les ruelles pavées, mes pas résonnant dans le calme matinal. Les vitrines des boutiques scintillent de décorations de Noël, et le parfum sucré des brioches fraîches flotte dans l'air. Mais je ne m'arrête pas. Mon corps semble avoir une destination précise en tête, même si mon esprit reste flou.
Sans m'en rendre compte, je me retrouve devant l'ancienne école primaire. Elle est toujours là, son toit de tuiles rouges à moitié couvert de neige. Les murs ont vieilli, mais la cloche est toujours là, suspendue au-dessus de la porte. Je ferme les yeux un instant, et les souvenirs me reviennent. Les rires, les crayons qui griffonnent sur le papier, l'odeur de craie mélangée à celle des pommes que les maîtresses nous donnaient parfois. C'est ici que tout avait commencé. Les premières amitiés, les premières disputes...
La vie.
Je tends la main, effleurant la rambarde métallique du portail, quand un mouvement furtif attire mon regard. Un écureuil roux jaillit d'un amas de feuilles mortes, ses pattes grattant le sol pour y enfouir ce que je devine être une noix. Puis, sans prévenir, il s'élance, bondissant à toute allure. Une impulsion inexplicable me pousse à le suivre. Je quitte le chemin et m'enfonce dans un petit sentier couvert de feuilles humides. Le bruit de mes pas brise le silence, mais l'écureuil reste insaisissable. Le sentier débouche sur une petite clairière, et là, devant moi, se dresse un bâtiment que je n'avais pas vu depuis des années.
Mon souffle s'arrête un instant.
Ce lieu...
Une vague glaciale me traverse, bien plus froide que l'air environnant. Mon cœur bat plus vite, et des souvenirs enfouis commencent à émerger. Les couloirs de ce collège me reviennent en tête, avec leurs murs décrépis, leurs odeurs de craie et de poussière, mais aussi ce sentiment d'oppression, de malaise ; les regards, les murmures qui semblaient toujours me poursuivre, et surtout, lui.
Harry.
Celui qui était autant mon crépuscule, que mon aube.
Je ferme les yeux, comme pour me protéger de ce que mon esprit veut m'imposer, mais c'est inutile. Les images affluent. Des bouts de conversations étouffées reviennent. Je tente de reprendre mon souffle, me concentrant sur l'air frais qui entre par mes narines et traverse mon corps.
Un bruit soudain me fait sursauter. Quelque chose bouge derrière moi, une branche qui craque. Je me retourne vivement, mon cœur battant à tout rompre.
Mais il n'y a rien.
Je reste immobile un moment, ma respiration rauque s'accordant au sifflement du vent. Puis, doucement, je relâche la tension dans mes épaules.
Je ne veux pas rester ici.
Ni près de ce collège.
Ni à WinterBrook.
Je me laisse guider par le vent, mes pas traînants m'éloignant de cet endroit chargé de souvenirs. Après quelques minutes, le paysage change. Le sentier s'élargit, les arbres s'éclaircissent, et bientôt, une étendue familière apparaît devant moi.
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Un noël sous les flocons
RomanceClaire, une citadine accomplie, revient dans sa petite ville natale de Winterbrook pour vendre le vieux chalet qu'elle a hérité de sa grand-mère. Bien décidée à ne pas s'attarder, elle retrouve cependant la chaleur du village, ses souvenirs d'enfanc...