La rumeur s'insinue dans chaque recoin du village, comme le parfum des marrons grillés qui flotte dans l'air glacé. Ce soir, paraît-il, les habitants se rassembleront sur la place pour décorer le grand sapin de Noël. Je surprends une conversation à ce sujet alors que j'attends mon tour dans une boulangerie animée, serrée entre deux clients emmitouflés.
L'intérieur de la boutique est saturé de l'odeur du pain frais, du beurre et d'une pointe de cannelle. Une jeune dame, enveloppée dans un épais manteau vert mousse et entourée d'une écharpe tricotée, échange avec le boulanger derrière le comptoir. Leur ton presque mystérieux, comme s'ils organisaient une surprise ou un mauvais tour.
- Alors, tout est prêt pour ce soir ? demande-t-elle avec enjouement.
Je ne peux m'empêcher de tendre l'oreille, feignant de regarder les viennoiseries alignées dans la vitrine. Le boulanger, un homme jovial à la moustache bien fournie, hoche la tête en souriant.
- Bien sûr, Jeanne. Sapin, boules, guirlandes, et même un tonneau de vin chaud. Tout est prêt.
Le mot "sapin" allume une petite étincelle de curiosité en moi. Je continue d'écouter distraitement, captant des bribes de phrases : "grande tradition", "rassemblement", "musique". Un petit pincement de nostalgie s'installe dans ma poitrine, mais je ne le laisse pas s'installer plus longtemps, mon tour arrivant.
Lorsque je sors de la boutique, une légère couche de neige crisse sous mes pas. La lumière dorée des lampadaires éclaire les flocons qui tombent doucement, comme des paillettes flottant dans l'obscurité. A peine ai-je le temps de traverser la route, qu'une fillette d'une dizaine d'années me tend un prospectus. Intriguée, je me penche pour la ramasser et la lis à la lueur de l'entrée.
C'est une invitation.
"Rejoignez-nous ce soir pour la décoration du grand sapin sur la place centrale.
Vin chaud et biscuits seront au rendez-vous.
Venez partager un moment de joie avec vos voisins !"
Les mots sont simples, mais ils m'arrêtent un instant. Je regarde le papier entre mes mains rougies par le froid.
La décoration d'un sapin...
Une activité que je n'ai pas pratiquée depuis des années. Mon premier réflexe est de ranger l'enveloppe dans le fond de ma poche, prête à l'oublier. Après tout, j'ai passé la journée à trier, à courir un peu partout. J'ai une excuse toute trouvée : la fatigue.
Mais alors que je m'assois dans ma voiture, invitation en poche, une petite voix en moi insiste. Vas-y. Depuis mon arrivée ici, une mélancolie me suit comme une ombre. Et pourtant, l'idée de ce rassemblement me tente... Peut-être est-ce cette nostalgie persistante, ou un besoin de ne pas me sentir seule à nouveau...
Je reste indécise un moment, balançant entre l'envie de me replier sur moi-même et celle, timide, de sortir de ma coquille.
- Après tout, ça ne coûte rien d'essayer, murmuré-je à voix basse.
***
Le froid vif de la soirée me pique les joues lorsque j'arrive sur la place. Devant moi, le grand sapin trône, majestueux, ses branches vertes lourdes tendues sous le ciel étoilé. Des guirlandes lumineuses l'entourent déjà, scintillant comme une rivière d'or, mais les branches sont encore nues, attendant d'être recouvertes de couleurs et d'éclats.
Des familles, des enfants, des couples, tous armés de boîtes de décorations, s'activent autour du sapin, tandis que j'observe la scène au loin, main dans les poches. L'atmosphère est joyeuse et à la fois chaotique, mélange de rires et de tintements de clochettes. Une table est installée à côté, couverte de peinture, de pinceaux, de paillettes et de boules en verre transparent à décorer soi-même. Je m'approche timidement, observant les enfants qui dessinent avec enthousiasme, leurs petites mains tachées de rouge et d'or.
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Un noël sous les flocons
RomanceClaire, une citadine accomplie, revient dans sa petite ville natale de Winterbrook pour vendre le vieux chalet qu'elle a hérité de sa grand-mère. Bien décidée à ne pas s'attarder, elle retrouve cependant la chaleur du village, ses souvenirs d'enfanc...