La conversation avec Jeanne tourne encore et encore dans ma tête. Ses paroles m'ont remuer bien plus que je ne veux l'admettre.
— Le chalet vendu aussi vite ? Ce n'est pas logique, Claire. Un bien comme ça, ça prend des mois, des années parfois, m'a-t-elle dit, sa voix grave empreinte de compassion. Et puis, qui l'a mis sur le marché et quand ? Cela n'a aucun sens ! s'agace-t-elle.
— Pourtant, c'est ce que l'agence m'a dit, Jeanne.
Après avoir reçu le message, venant surement de Harry, j'ai contacté l'agence et tout est vrai. Le chalet n'appartient plus à ma grand-mère. J'ai essayé de connaître le nom de l'acheteur, mais impossible d'avoir l'information... c'est confidentiel... Quelqu'un de ma famille a dû s'occuper de la vente sans me prévenir, et même si je sais que je dois retourner à Paris, cela m'agace ! Ca ne regardait que moi, c'était ce que grand-mère voulait.
— Une ruse de Harry, j'en mettrais ma main au feu, me dit Jeanne. Il veut te pousser à partir, à abandonner tout ça. Mais toi, qu'est-ce que tu veux vraiment ? demande-t-elle sans attendre ma réponse. Va voir Lucas. Dis-lui ce que tu ressens. Fais-le, avant qu'il ne soit trop tard.
Et me voilà maintenant, plantée devant la porte de Lucas. Mon cœur bat à tout rompre alors que j'élève enfin la main pour frapper. Une seconde, puis deux. La porte s'ouvre.
Lucas.
Son visage si familier m'avait manqué, bien que nous ne soyons pas séparés depuis longtemps. Pourtant, j'ai l'impression que nous n'avons pas passé du temps ensemble.
Son visage est impassible.
— Claire, dit-il simplement, sans chaleur ni reproche.
Juste neutre. Trop neutre.
— Salut, murmuré-je, mal à l'aise.
Il s'écarte pour me laisser entrer, observant la neige qui tombe à toute vitesse dans mon dos, mais son attitude distante est palpable. La porte se referme dans un léger grincement, mais le froid de l'extérieur semble s'être glissé avec moi à l'intérieur.
Je m'avance timidement, retirant mes gants et mon écharpe, mes gestes sont maladroits sous le poids de son silence. L'atmosphère est lourde, m'étouffant presque. Lucas reste immobile près de la porte, ses bras croisés sur sa poitrine, ses yeux évitant les miens. Le craquement du parquet sous mes pieds est le seul bruit qui rompt ce silence presque suffocant.
— Merci de m'avoir laissé entrer, dis-je finalement, ma voix à peine plus forte qu'un murmure.
Lucas incline légèrement la tête, mais ne répond pas. Son regard semble fixé sur un point invisible quelque part près du sol. Je reste plantée là, ne sachant pas si je dois avancer ou rester loin de lui.
— Tu as fait tout ce chemin jusqu'ici... commence-t-il finalement, de sa voix grave. Pourquoi ?
Je me sens prise de court par sa question. J'avais tout prévu dans ma tête et il vient de briser mon château de cartes en un souffle.
— Je... Je devais te parler, dis-je, cherchant mes mots, mais il lève une main pour m'interrompre, son regard enfin planté dans le mien.
— Alors parle, Claire. Je t'écoute.
La distance entre nous n'est pas seulement physique. Elle est émotionnelle, un fossé creusé par tout ce qu'on n'a pas dit, tout ce qu'on a laissé s'accumuler. Et pourtant, malgré tout, je sens qu'il attend quelque chose de moi. Mais quoi ? Je prends une inspiration tremblante, mes doigts se serrant autour de mon sac.
— Lucas, je...
Les mots restent bloqués dans ma gorge, accrochés quelque part entre mon cœur et ma raison, comme s'ils savaient qu'une fois libérés, ils pourraient tout changer. Je regarde Lucas, figé dans une posture qui semble tout dire et rien dire à la fois. Ses bras croisés sont comme un mur invisible qu'il a mis entre nous. Il ne dit rien, mais son silence parle pour lui.
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Un noël sous les flocons
RomanceClaire, une citadine accomplie, revient dans sa petite ville natale de Winterbrook pour vendre le vieux chalet qu'elle a hérité de sa grand-mère. Bien décidée à ne pas s'attarder, elle retrouve cependant la chaleur du village, ses souvenirs d'enfanc...