Me and the Devil

je pensais à toi, tout le temps

Assises sur le banc, Anaïs entre les jambes d'Ellie, un mélange de tension, de douceur et de regrets flottait autour d'elles. Les doigts d'Anaïs, posés sur les mains veineuses d'Ellie, jouaient machinalement avec ses jointures, comme si elle cherchait un ancrage dans cette nouvelle proximité qui ravivait de vieux souvenirs. Ellie, silencieuse, sentait chaque mouvement, chaque infime frôlement des doigts d'Anaïs comme une onde qui remontait jusqu'à ses épaules. Le silence pesait entre elles, mais il était plein de tout ce qui n'avait jamais été dit.

Finalement, Ellie se pencha un peu, rapprochant son visage de celui d'Anaïs, et murmura, sa voix rauque et basse :

"Pourquoi... pourquoi tu m'as laissé tomber comme ça, Anaïs ?" Le ton était calme, mais la douleur y perçait clairement. Ellie ne cherchait pas la confrontation ; elle voulait comprendre, chercher une raison qui lui permettrait d'apaiser ce sentiment lancinant d'abandon.

Anaïs baissa les yeux, et Ellie sentit la prise de ses mains se resserrer légèrement, comme si elle cherchait une force invisible. Elle inspira, ses lèvres tremblant d'une hésitation qu'elle n'avait jamais laissée paraître devant personne.

"Ellie... je... Je n'ai jamais voulu te faire de mal." Elle parlait à voix basse, comme pour ne pas rompre la fragile intimité de cet instant. "C'est comme si... comme si tout avait changé au lycée, comme si je devais être quelqu'un d'autre pour... pour plaire aux autres. Je sais, ça sonne pathétique." Elle eut un rire sans joie, amer. "Mais... j'ai eu peur."

Ellie se tut, la regardant avec une intensité déconcertante, ses yeux sombres et insondables. La main d'Anaïs se mit alors à glisser doucement, de la paume jusqu'à son poignet, puis vers l'avant-bras, comme si elle voulait effacer cette distance, mais en craignait les conséquences.

"Et toi, tu étais... tellement toi-même, tu vois ? Tu ne te cachais jamais, même quand les gens te jugeaient, même quand je le faisait.." Elle sentit sa voix se briser un peu. "Et moi... moi, j'ai suivi le mouvement. Je t'ai trahie parce que je pensais que... que je n'aurais jamais le courage de... d'assumer être ton amie."

Ellie sentit une douleur vive à ces mots. Elle avait toujours deviné qu'Anaïs la trouvait "trop différente," mais l'entendre ainsi, sans filtre, accentuait encore l'ampleur de la trahison. Anaïs releva les yeux, et Ellie put y lire une culpabilité sincère. C'était comme si elle essayait de rattraper ces années perdues, de retrouver ce lien qu'elles avaient laissé s'effilocher au fil des années.

"Tu m'as manquée, Ellie," murmura Anaïs, sa voix à peine un souffle. Ses doigts glissèrent sur le torse d'Ellie, caressant instinctivement les contours dessinés de ses muscles comme si elle redécouvrait chaque détail qui faisait d'elle celle qu'elle avait jadis tant admirée. Elle sentait le cœur d'Ellie battre lentement sous sa paume, cette pulsation qu'elle n'avait pas ressentie depuis des années.

Ellie ferma un instant les yeux sous la douceur de cette caresse involontaire, puis les rouvrit, la douleur mêlée à un désir étrangement doux. Sa voix, plus tendre que ferme, brisa le silence : "Je sais que tu regrettes, Anaïs. Mais ça ne change pas ce que tu m'as fait vivre... C'était cruel, et tu le sais. Les remarques, les moqueries, tout ça." Elle hésita un instant, comme si elle luttait pour rester dans cette vulnérabilité honnête. "Je sais pas si je pourrai te pardonner tout ça... Mais je sais aussi que tu m'as manquée."

Anaïs sentit une larme monter à ses yeux, ses doigts traçant désormais les contours du visage d'Ellie, comme pour apaiser cette douleur mutuelle. Ses mots la frappaient en plein cœur, et elle se détestait un peu plus pour tout ce qu'elle avait fait. Mais le fait qu'Ellie soit là, qu'elle cherche malgré tout un terrain d'entente, rallumait une étincelle qu'elle croyait éteinte.