Ellie ferma les yeux un instant, se laissant envahir par les souvenirs qui remontaient doucement à la surface. Les premiers, les plus doux, étaient ceux de l'époque avant tout. Avant les foyers, avant les changements, avant que la petite fille pleine de vie, toujours en train de rire et de courir partout, ne se transforme en la jeune femme qu'elle était aujourd'hui.
Elle se souvint de son premier jour en CE1, le premier jour où elle rencontra Anaïs. Elle n'avait que six ans à l'époque. Elle était une enfant pleine d'énergie, tout le temps prête à s'amuser, à courir et à jouer au foot avec les garçons dans la cour de récréation. Anaïs, elle, était plus calme, plus posée, mais elles s'étaient rapidement liées d'une amitié solide. Ellie était l'une des rares filles à pouvoir courir et jouer sans se soucier des règles, sans craindre d'être jugée. Anaïs l'avait observée, fascinée, admirative de sa spontanéité et de sa liberté. Leur lien était né à ce moment-là, fort et sans condition. Elles se complétaient parfaitement, comme deux pièces d'un puzzle qui ne pouvait être séparées.
Les années passèrent, et cette complicité ne fit que se renforcer. Au collège, Ellie était toujours là, à trainer dans la cour avec des garçons, à défendre ses amis et à faire rire tout le monde. Anaïs était plus réservée, mais elle était son soutien, toujours présente. Lors des fêtes de fin d'année, lorsque le club de théâtre, de danse présentait ses spectacles, Ellie n'hésitait pas à être là pour elle, à l'encourager, même si cela ne l'intéressait pas toujours. Anaïs était sa meilleure amie, la personne avec qui elle pouvait tout partager, tout, sauf une chose.
Elle n'avait jamais osé lui parler de sa vie à la maison.
De ces foyers d'accueil, de l'indifférence glaciale qu'elle y avait vécue, de cette solitude cruelle. À chaque nouveau foyer, elle pensait que ce serait le dernier. Mais non, les familles d'accueil se succédaient, et les traumatismes aussi.
Les gens qui l'accueillaient n'étaient jamais les mêmes, mais il y avait toujours ce même vide, ce manque de chaleur humaine.
Elle n'avait pas voulu que cela affecte son amitié avec Anaïs. Elle n'osait pas lui en parler, de peur de la perdre. Au contraire, elle préférait se forcer à sourire, à jouer la comédie, à faire comme si tout allait bien. Parce qu'elle ne voulait pas que Anaïs la voie changée, blessée, différente. Mais plus les années passaient, plus elle se sentait déconnectée. Elle se rendait compte que ce qu'elle vivait, c'était quelque chose que les autres, les enfants autour d'elle, ne comprendraient jamais. Et pourtant, elle avait toujours eu cette volonté de tout garder pour elle. Ce n'était pas que de la fierté, c'était de la douleur, de la honte même. Elle n'arrivait pas à partager ce qu'elle ressentait, à dire à Anaïs ce qu'elle vivait vraiment.
Puis, en arrivant en seconde, la pression était devenue trop forte. Ses parents étaient morts quand elle avait quatre ans, mais c'était ces dernières années dans les foyers qui l'avaient transformée. Anaïs l'avait sentie se fermer, se fermer de plus en plus. Elle avait remarqué les changements, la manière dont Ellie s'éloignait peu à peu. Mais Anaïs, elle, avait aussi changé. Elle avait son propre cercle d'amis, elle était devenue plus populaire, et plus rien ne semblait tenir entre elles. Les silences de plus en plus longs, les moments où Anaïs se faisait distante, où elle cessait de lui envoyer des messages ou de lui donner des nouvelles. Anaïs avait cessé de se battre pour elle, de la comprendre, de la soutenir. Au lieu de cela, elle avait commencé à fréquenter d'autres filles, à parler d'Ellie comme si elle n'était plus qu'une vieille amie, un vestige du passé.
Anaïs n'attendais plus Ellie quand la sonnerie retentissait.
Anaïs ne rigolais plus a ses blagues.
Anaïs ne l'enlaçait plus.
Anaïs ne la regardait plus qu'avec ce regard de méchanceté, de supériorité.
Anaïs n'était plus là, quand Ellie en avait le plus besoin.
Et Ellie, avec toute la rage qu'elle avait en elle, n'avait jamais voulu lui dire la vérité. Elle n'avait jamais voulu lui montrer la fille brisée qu'elle était devenue à force de vivre dans ces maisons. Mais cette fois, quand Anaïs l'avait laissée tomber, c'était différent.
Ellie n'avait pas crié.
Elle ne c'était pas énervée.
Elle ne lui avait pas criée de rester.
Elle n'avait pas pleuré.
Elle n'avait rien fait.
Elle s'était simplement renfermée sur elle-même, décidant de ne plus faire confiance à personne.
Cela faisait maintenant plusieurs années, depuis la fin du collège, qu'Ellie portait cette colère en elle. Cette frustration. La perte d'une amie qu'elle pensait éternelle. Elle ne savait pas comment revenir en arrière, comment réparer ce qu'Anaïs avait brisé. Parce que tout était devenu si confus, si compliqué. Ellie, depuis la seconde, avait cessé de chercher des réponses. Elle s'était enfermée dans cette carapace qu'elle portait comme une armure. Elle s'était fait de nouveaux amis, des amis qui ne savaient pas tout, qui ne connaissaient pas ses blessures.
Et maintenant, ici, face à Anaïs, tout ce passé refaisait surface. Ellie avait du mal à comprendre ce qu'il se passait entre elles. Cette tension qui était là, persistante, entre elles, c'était étrange. Elle avait tellement changé depuis cette époque. Mais Anaïs, elle, n'avait jamais cessé de la regarder comme avant, d'une manière protectrice et pleine de regrets. C'était comme si le temps ne s'était pas écoulé.
Pourtant, tout avait changé, tout était devenu tellement plus complexe.
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J'espère que le message de mélancolie et de tristesse a réussi a passer, j'ai essayé de le transmettre au maximum dans les lignes de ce chapitre.
Merci d'avoir lus,
Zhishii,
;)
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Me and the Devil
RomansaEllie est une jeune fille au tempérament fort, marquée par son passé difficile dans des foyers d'accueil depuis son plus jeune âge. Elle est solitaire, bagarreuse et refuse de se conformer aux attentes des autres. Malgré ses apparences de dure, elle...